Conformément aux décisions du Conseil national du 24 mars 2013 et du Secrétariat national du 15 mai 2013, vous trouverez, ci-dessous, le texte soumis par la direction nationale au débat interne dans le parti, dans le cadre du processus de convention Europe que nous avons engagé.
Ce texte doit être discuté à tous les niveaux possibles du mouvement. Il est amendable.
Les résultats de ce débat interne nourriront le Conseil national prévu le dimanche 30 juin 2013.
UNE AUTRE EUROPE
Pour le Mouvement républicain et citoyen, l’Europe est un enjeu majeur. C’est une des clés de l’avenir de la France. D’autant que nous ne confondons pas ces deux avenirs. Oui, à nos yeux le futur de la France doit être pensé en lui-même et pour lui-même parce que la France n’est pas " finie " comme JPC a su le montrer dans une approche combinant l’histoire lointaine, l’histoire proche et l’analyse politique.
Cela veut-il dire que l’Europe ne jouerait pas un rôle essentiel dans la construction de notre futur ? Certainement pas. Mais la seule approche qui vaille de la question européenne est celle d’une lecture à la lumière de notre nation – ou plutôt : des nations qui la composent.
Nous touchons là à un identifiant essentiel de notre mouvement depuis sa création en 1992. Pour le MRC, la question européenne est indissociable de la question de la Nation. Corollaire : c’est en l’Etat que réside selon nous le pouvoir légitime de représenter le peuple et de négocier en son nom.
Il y a là une position fondatrice, celle-là même qui distingue le MRC des autres partis de gauche que ce soit le PS, le PC et le Front de gauche ou, bien évidemment le PRG.
De cette position de principe découlent nos analyses, notre engagement et nos propositions. Nous avons une ambition pour l’Europe. Mais cette ambition n’est pas un rêve déconnecté des réalités. Nous voulons nous confronter avec les faits sans pour autant en tirer la conclusion que seule la résignation ou la révolte serait possible.
Tel est le pari du MRC.
I/ Il y a une question européenne : elle ne peut plus être niée par qui que ce soit.
Le constat est simple: en France, et à rebours de l’opinion majoritaire, les partis sont pour l’essentiel dans le déni.
Les partis européistes en premier lieu le PS et l’UMP sont dans la dénégation des vices fondamentaux de la construction européenne. C’est là d’ailleurs un trait marquant de la politique française au tournant des années 1990 : Maastricht aura sanctionné la rencontre des deux principaux partis de notre pays autour de l’Europe et du marché. Or il sera impossible de dessiner un " futur européen " si l’on ne prend la mesure de ces défauts. C’est le principal obstacle auquel se heurte toute véritable avancée européenne.
Les " avancées " qui consisteraient en " plus d’Europe ", plus d’Europe " fédérale ", une Europe de l’ " intégration solidaire " sont des impasses. Elles permettent une fuite en avant : on connaît le remède avant de poser le diagnostic.
Nous sommes, nous, au contraire, pour une analyse sans concession des graves dérives qui ont marqué la construction européenne.
Dérive initiale, celle de l’Europe des pères fondateurs : la " méthode inductive " qui devait conduire à une intégration de pays comparables par leur niveau économique et social a débouché sur un édifice complexe dans lequel la bureaucratie de la Commission avait pris le pas. N’oublions pas que la tentation centrifuge par rapport aux Etats date de cette période, avec les arrêts de la Cour de Justice des communautés européennes reconnaissant que la construction européenne constitue un ordre juridique qui s’impose aux Etats nationaux ".
Dérive seconde : l’élargissement au-delà de 15 aux 27, intégrant des zones appelées à se faire une véritable concurrence interne, sans cohésion économique et sociale, avec des pays de l’Est tout tournés vers le grand large comme l’a montré la guerre d’Irak.
Dérive troisième, la plus grave : la création d’une monnaie unique, absurdité qui a ligoté des économies à la fois hétérogènes et concurrentes, endommagé gravement la compétitivité des pays du Sud dont la France et conduit aujourd’hui dans une course effrénée vers un improbable salut. Le " sauvetage de la zone euro " dont on ne sait plus s’il relève de la doctrine de la foi ou des intérêts de l’Allemagne précipite l’Europe ou ce qu’il en reste dans l’impasse de la récession.
Encore faut-il ajouter à ce constat le poids décisif qui a été celui du triomphe du capitalisme financier. Appuyés sur le vent puissant de l’idéologie libérale, boostés par l’effondrement de l’URSS, les marchés " ouverts " ont installé une prédation sans frein qui a asphyxié l’économie réelle. La " concurrence libre et non faussée ", élargissant les marchés, ouvrant les entreprises européennes aux OPA de toute nature, prohibant sévèrement les interventions publiques, cassant les services publics a achevé la déconstruction des Etats nations. Ce biais puissant de la mondialisation libérale qui ne résulte pas directement des structures institutionnelles de l’Europe s’est ajouté à leur effet négatif. Plus de nation, plus d’Etat mais, aux commandes, une élite hors sol dont on ne sait plus si le modèle anglo-saxon la rend plus nocive que la crispation germanique sur les dangers de l’inflation et la courte vue sur les conditions de la prospérité de demain.
L’Europe a ainsi été " construite " depuis plus de trente ans sur un triple déni : déni de souveraineté, déni de prospérité et déni de démocratie.
Et ce serait cette Europe- là que l’on demanderait aux peuples d’accepter ? Passe encore, si l’on est cynique, que la démocratie des décisions y perde si la prospérité était assurée. Mais le referendum sur la " Constitution européenne " l’a bien montré : notre peuple –comme d’autres sans doute- a bien compris que l’un et l’autre y perdraient gravement et simultanément. Fait remarquable : cette prise de conscience a été majoritairement celle de la tranche d’âge des 18-25 ans.
La prise de conscience de l’opinion français trouve un écho de plus en plus fort dans l’euroscepticisme qui monte en Europe, chez des peuples soumis à des gouvernements sans pouvoirs dans une Europe sans gouvernement.
On voit bien se dessiner une alternative à l’européisme du PS –tous courants confondus-. C’est l’approche par " l’Europe des peuples " du PCF et de JL Mélenchon. Mais que signifie cette Europe réduite au sans frontiérisme –héritier de l’internationalisme- des travailleurs, des laissés pour compte de la crise, sans perspective politique, fondée sur une critique justifiée de l’euro mais sans aucune proposition alternative crédible ?
De même que l’européisme socialiste nie la nation, l’ " Europe sociale ", et " anti-patriarcale "du Front de gauche nie l’Etat en refusant d’y voir le protecteur naturel des plus faibles et le porteur légitime de la souveraineté nationale.
Quant au PRG, inutile d’épiloguer sur sa vision constante d’une Europe fédérale " plus intégrée , plus citoyenne " dotée d’un gouvernement et notamment d’un ministre des affaires étrangères européen qui persisterait à prolonger l’idéal des pères fondateurs.
Le Front national enfin, s’alimente au constat de l’échec européen. Il y trouve toutes les denrées nécessaires au véritable détournement des valeurs patriotiques auquel il se livre de façon de plus en plus systématique : la promotion des marchés financiers par les instances de l’UE lui permet de renouer non sans gourmandise avec la détestation des élites mondialisées qui fut un des fonds de commerce de l’extrême-droite avant 1940 ; l’ouverture des frontières lui offre un boulevard pour se concentrer sur les dangers de l’immigration ; le déclin des valeurs nationales telle la laïcité est l’occasion permanente de stigmatiser l’islam. En bref si l’UE n’était pas ce qu’elle est, jamais le FN n’aurait l’audience qu’il a dans notre pays. Et cela vaut pour la montée de l’extrême-droite dans toute l’Europe.
Conclusion : connaître la force des obstacles
Avec JP Chevènement, nous avons analysé depuis 20 ans les erreurs, les blocages et pour finir, depuis le TSCG, les tendances suicidaires d’une Europe qui s’enfonce dans le crépuscule des idoles financières, d’une technocratie sans vision, sans ambition et sans patriotisme fût-il européen. Une Europe qui organise sa propre impuissance dans un monde où jamais la souveraineté de nations puissantes ou l’influence d’aires de civilisation n’a été plus impérieuse.
L’" Europe européenne " du général de Gaulle, est-elle un rêve dépassé ?
Nous préférons rechercher avec quels moyens la construire demain même si nous savons que l’UE d’aujourd’hui se caractérise par une interdépendance dont il faut aussi prendre la mesure.
II/ Notre Europe, c’est une autre Europe
La " confédération européenne " du plan Fouchet était, nous l’avons souvent souligné, une idée forte . Elle a trouvé un écho affaibli dans l’idée de " coopérations renforcées " censée offrir un alternative intergouvernementale aux solutions de type fédéraliste.
Il y a certainement là une piste pour une réorientation de l’Europe. L’exemple du " deuxième pilier" , celui de la PESC (défense et politique étrangère) est parlant : on voit très bien comment il a été impossible –et fort heureusement- d’ " intégrer " des actions autres que mineures dès lors que les intérêts nationaux des Etats membres ne sont pas convergents voire même compatibles.
Mais est-ce d’une Europe réorientée que nous avons besoin aujourd’hui ou devons-nous concevoir une ambition plus forte ? La question mérite d’être débattue
A/ Des vertus d’une Europe réorientée
Modifier l’Europe : comment ? Avec qui ?
1/L’objectif, en cas de nouvelle crise de l’euro (Espagne par exemple) serait de faire intervenir la BCE pour acheter directement des titres de dette publique à dix ans (en tout cas l’annoncer pour dissuader la spéculation), lancer une politique du " quantitative easing " pour faire baisser le cours de l’euro, articulée avec un plan de relance à l’échelle européenne
2/Si aucun accord ne se dessinait pour faire de la BCE une banque centrale comme les autres, il deviendrait nécessaire de négocier avec tous les partenaires européens- et d’abord l’Allemagne qui tient la clé d’une opération " ordonnée " de mutation de l’euro, de monnaie unique en monnaie unique en monnaie commune, en se fixant l’objectif pour celle-ci d’une quasi parité avec le dollar. Au sein d’un SME bis de nouvelles parités seraient fixées pour corriger les écarts de compétitivité ( réévaluation pour l’euromark, dévaluations plus ou moins limitées pour les autres monnaies).
Un plan d’aide correspondant à une tranche du MES (à fixer) serait mis en oeuvre pour aide les pays les plus fragiles à supporter le choc d’une dévaluation.
3/Il conviendrait ensuite de procéder à une révision des Traités européens qui :
-reverrait en l’allégeant le mécanisme trop lourd des coopérations renforcées. Objectif : permettre à certains Etats de conduire ensemble des projets d’envergure (modèle : Airbus) en matière de développement économique, de recherche, d’infrastructures
-reviendrait par un traité modificatif sur certaines clauses des traités actuels : compétence " transversale " de la Commission, mode d’adoption des décisions les plus importantes avec restauration de la règle de l’unanimité, prévalence du Conseil sur la Commission, révision du pilier " PESC " et bien entendu police budgétaire dévolue à l’Union avec les règles issues du TSCG, du " six pack " et du " two pack "
- permettrait l’adoption –par le mécanisme des coopérations renforcées revu- d’un plan de relance pour l’ensemble de la zone euro
Si l’Allemagne refusait aussi bien le plan A (revoir le rôle de la BCE) que le plan B (mutation ordonnée de l’euro) de monnaie unique en monnaie commune), elle prendrait la responsabilité d’un éclatement sauvage de la zone euro.
Si l’Espagne était contrainte à la sortie (avec une dévaluation compétitive), la France devrait l’accompagner dans ce choix. Ce serait la survie de notre industrie qui serait en jeu.
Si l’Allemagne refusait une remise en ordre négociée dans l’intérêt européen, les autres pays seraient amenés à en tirer les conséquences.
B/ Une Europe autre, toute autre
C’est l’alternative la plus ambitieuse. Elle est au niveau de nos exigences et, osons-le dire, de nos analyses de longue portée. Elle peut être portée par une crise, envisagée ci-dessus, qui proviendrait du refus de l’Allemagne de négocier dans le sens de l’intérêt européen.
1/ Une réécriture plus fondamentale que celle envisagée ci-dessus des traités européens rechercherait une Europe remise sur ses pieds pour obtenir une Union intergouvernementale : décisions prises à l’unanimité du Conseil, réduction de la Commission à un organe d’exécution, maintien du Parlement comme émanation des Parlements nationaux, réduction des compétences de la CJE. La révision des statuts de la BCE dépend quant à elle des différentes hypothèses de crise de la zone euro mais la sortie programmée de la zone euro (plan B) fait naturellement partie de cette Europe " autre ". Il ne faut cependant pas s’interdire une révision des mécanismes institutionnels de l’UE dans le cas où l’euro serait maintenu avec au minimum mise en œuvre du plan A : sans celui-ci refaire une Europe institutionnelle n’aurait aucun sens.
Une refonte large des Traités constitutifs a été entreprise par les militants du " Cercle du 29 Mai 2005 " dont certains membres ou proches du MRC. Figure en Annexe ce texte très bien pensé (cf aussi propositions de B. Moschetto, pour l’essentiel compatibles avec ce projet). Il pourrait servir d’index à la réflexion : que ne pouvons-nous plus accepter en Europe ? Avec quels éléments du Traité peut-on trouver un compromis ? Un atelier " Pour un nouveau Traité européen " devrait être mis en place sur cette base.
2/ Serait inévitable la constitution d’un cercle de pays prêts à accepter le nouveau Traité et à aller de l’avant dans des coopérations intergouvernementales vers lesquelles auraient basculé l’essentiel des compétences. Dès lors que le Traité nouveau constitue un cercle de démocratie, respectueux des souverainetés, s’engageant sur une intégration en certains domaines, il n’y a aucun inconvénient à élargir ce cercle.
3/L’institution de traités de partenariat avec d’autres zones du monde (Russie, Maghreb et Moyen-Orient, Amérique latine) accompagnerait cette rénovation. Plus réaliste et plus ambitieuse à la fois que la PESC, cette voie permettrait une véritable réémergence de la zone européenne dans le monde multilatéral en lieu et place de la recherche laborieuse d’un accord sur les questions diplomatiques d’ailleurs totalement irréaliste sur les grands enjeux (tel le Moyen-Orient). Les partenariats seraient économiques et culturels, la question des accords commerciaux étant complexe dans le jeu de l’OMC auquel l’Europe seule ne pourra s’opposer totalement mais dans lequel elle pourra peser. On ne refera sans doute plus les accords de Lomé mais l’Europe pourrait exiger ses accords spécifiquement dévolus au développement de l’Afrique subsaharienne.
4/’Une négociation sur la régulation monétaire internationale serait un acte essentiel de cette Union rénovée. A la condition que soit créée une Europe véritablement intergouvernementale, avec décision à l’unanimité, il serait utile qu’un seul siège soit attribué à l’Europe au G8 qui serait spécifiquement chargé de cette dernière question. Sur un plan général d’ailleurs toute délégation à l’UE dans le cadre de négociations internationales doit être subordonnée à un accord des gouvernements sur la position à défendre