La PAC du début (1962), qui respectait les principes fondateurs (libre circulation des produits agricoles au sein de l’espace européen, protection aux frontières et solidarité financière), a été détournée depuis longtemps par l’intrusion de politiques libérales visant à adapter la PAC à la politique commerciale libérale définie d’abord au sein du GATT, puis de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à partir de 1995.
En découplant les aides de l’acte de produire, celles-ci sont devenues des aides aux revenus, sans incidence sur l’orientation de production et sans prise en compte des revenus des bénéficiaires.
Un retournement de tendance s’est produit en 2006 sur les prix des produits agricoles, pour une série de raisons, qui vont de la démographie (la population mondiale augmente) au changement d’habitudes alimentaires dans les pays émergents (consommation de viande en Chine, principalement), en passant par la météorologie (sécheresse en Australie).
Mais les raisons essentielles sont la conséquence de décisions politiques : réduction des stocks de céréales (UE), production effrénée d’agrocarburant à base de maïs (USA).
La baisse des prix agricoles et le gel de terres ont entraîné des baisses de production alors que la consommation alimentaire et énergétique était en augmentation. Conséquence évidente : les stocks ont baissé. Ce fut un signal pour les spéculateurs, qui se sont emparés des matières premières agricoles (blé et maïs notamment). Le choix américain de développer l’éthanol à base de maïs a fait de celui-ci la rampe de lancement de la spéculation.
Réorienter l’Union européenne et la PAC
La question de la PAC n’est pas indépendante de la question européenne dans son ensemble. Quel est le danger qui guette aujourd’hui l’Europe et la PAC ? Ce n’est plus le mur de Berlin ni la défunte URSS. C’est « le mur de l’argent », le poids de la spéculation financière, qui menacent la cohésion sociale dans l’immédiat, et, demain, les valeurs de la démocratie et la République.
Réorienter la PAC, c’est se donner les moyens de constituer des stocks stratégiques afin de stabiliser les cours des denrées alimentaires les plus indispensables à la vie et la santé, c’est se dégager de la prééminence de l’Organisation Mondiale du Commerce pour définir une politique agricole tenant compte des besoins et des préoccupations de la société.
Il faut réorienter la PAC en fonction des défis à relever
Le défi de l’alimentation et de la santé
Le point fort de la PAC a été le succès du complexe agroalimentaire (production agricole, industrie alimentaire, mais aussi distribution et restauration), dont l’impact sur l’économie est très important, surtout en France. Ce concept de sécurité appliqué à l’alimentation peut être promu partout dans le monde, en l’adaptant aux situations locales.
Mieux faire le lien entre alimentation et santé, non seulement par le biais de la sécurité sanitaire des aliments, permettrait de réduire considérablement le coût de la santé, en réduisant les causes des maladies. Notre assurance maladie s’en porterait mieux financièrement.
Le défi de l’énergie, du climat et de l’environnement
L’alimentation « contient » beaucoup de pétrole. Celui-ci a une place prépondérante dans la formation des prix (emballage, transport, stockage, réfrigération).
Le problème essentiel de l’agriculture en Europe est l’énergie, dont une grande part est importée. Les agrocarburants actuels ne peuvent être considérés comme une solution, compte tenu de leur piètre rendement énergétique. Economiser l’énergie fossile, limiter autant que possible l’utilisation de produits chimiques, cela revient à produire mieux (bonne qualité) avec moins d’énergie en Europe et en Amérique. Le système agricole et alimentaire devra aussi se re-localiser vis-à-vis des consommateurs et utiliser plus de main-d’œuvre.
Le défi de l’indépendance (OGM, protéines)
L’Europe est importatrice (à l’excès) de protéines végétales pour compléter les rations animales basées sur les céréales et le maïs. Il serait tout à fait possible de réduire considérablement les importations de soja en développant les cultures de luzerne et de colza, dont la complémentarité est efficace. L’Europe réduirait, non seulement sa dépendance en protéines, mais aussi les émissions de gaz à effet de serre, au niveau mondial, en permettant, en outre, de nourrir davantage de personnes. Cette solution aurait, de plus, le mérite d’abaisser notre dépendance au soja OGM, dont les firmes multinationales se servent pour imposer les OGM aux peuples qui ne veulent pas en consommer.
Le défi de la production agricole, durable et économe, suffisante et de qualité
En Europe, et tout particulièrement en France, les systèmes de production sont bien au point. Les agriculteurs ont besoin de visibilité et de stabilité des prix afin de produire de manière efficace et au moindre coût. Ils sont capables de s’adapter aux nouvelles contraintes (énergie, environnement) et aux nécessités de réduire les coûts, en utilisant au mieux la coopération en matière d’équipements et en adoptant de nouvelles techniques de conservation des sols (limitant l’utilisation des tracteurs).
Les pratiques agronomiques associant cultures et élevages doivent être privilégiées.
Le défi de l’organisation, souple et efficace, de régulation des marchés
L’agriculture européenne a pu se développer grâce aux mécanismes de protection aux frontières et de maîtrise de l’offre (stockage, quotas, etc.) mis en place avec la PAC. La question des prix des produits agricoles, de leur niveau et de leur stabilité, est donc primordiale.
C’est pourquoi il est essentiel que la volatilité des marchés soit corrigée par des mécanismes de régulation par filière et par produit, lisibles par tous et bien adaptés aux situations particulières de chaque produit, ce qui implique la concertation permanente entre les différents acteurs économiques concernés, à l’initiative de l’organisme de régulation des marchés.
Le défi de l’attribution des aides publiques
Le découplage des aides par rapport à la production n’est pas acceptable, pas plus que le mode de calcul qui gèle les situations des plus favorisés. Le re-couplage ne l’est pas plus, car il ne faut pas inciter au productivisme. Dans des conditions économiques normales, avec de nouveaux outils de régulation des marchés, les aides publiques généralisées ne seront plus nécessaires.
Les aides devraient être plafonnées et réorientées vers les agriculteurs et paysans qui peinent à vivre de la terre, en raison de handicaps liés à la qualité des sols. L’aide publique, qui devrait être justifiée par des raisons économiques, pourrait être décidée à l’échelon régional ou interrégional (dans le cadre d’enveloppes financières attribuées au niveau européen).
L’Europe à 27 doit repartir sur de nouvelles bases
L’Union européenne doit redéfinir sa politique agricole, car les conditions ont radicalement changé depuis le début des années 1960, l’idéologie libérale tenant lieu, aujourd’hui, de politique agricole dans les instances européennes. Et, il faut tenir compte de la grande diversité des situations de ses 14 millions d’exploitations agricoles (dont 7 en Pologne, Roumanie et Bulgarie).
La France, présidente du Conseil européen, doit se saisir de la crise alimentaire pour lancer une réflexion politique collective. A l’avenir, la PAC devrait se traduire par une coordination des politiques agricoles et alimentaires des 27 et une action cohérente au sein des organismes internationaux (Banque mondiale, Fonds Monétaire International, OMC) afin de réorienter leur action.
En découplant les aides de l’acte de produire, celles-ci sont devenues des aides aux revenus, sans incidence sur l’orientation de production et sans prise en compte des revenus des bénéficiaires.
Un retournement de tendance s’est produit en 2006 sur les prix des produits agricoles, pour une série de raisons, qui vont de la démographie (la population mondiale augmente) au changement d’habitudes alimentaires dans les pays émergents (consommation de viande en Chine, principalement), en passant par la météorologie (sécheresse en Australie).
Mais les raisons essentielles sont la conséquence de décisions politiques : réduction des stocks de céréales (UE), production effrénée d’agrocarburant à base de maïs (USA).
La baisse des prix agricoles et le gel de terres ont entraîné des baisses de production alors que la consommation alimentaire et énergétique était en augmentation. Conséquence évidente : les stocks ont baissé. Ce fut un signal pour les spéculateurs, qui se sont emparés des matières premières agricoles (blé et maïs notamment). Le choix américain de développer l’éthanol à base de maïs a fait de celui-ci la rampe de lancement de la spéculation.
Réorienter l’Union européenne et la PAC
La question de la PAC n’est pas indépendante de la question européenne dans son ensemble. Quel est le danger qui guette aujourd’hui l’Europe et la PAC ? Ce n’est plus le mur de Berlin ni la défunte URSS. C’est « le mur de l’argent », le poids de la spéculation financière, qui menacent la cohésion sociale dans l’immédiat, et, demain, les valeurs de la démocratie et la République.
Réorienter la PAC, c’est se donner les moyens de constituer des stocks stratégiques afin de stabiliser les cours des denrées alimentaires les plus indispensables à la vie et la santé, c’est se dégager de la prééminence de l’Organisation Mondiale du Commerce pour définir une politique agricole tenant compte des besoins et des préoccupations de la société.
Il faut réorienter la PAC en fonction des défis à relever
Le défi de l’alimentation et de la santé
Le point fort de la PAC a été le succès du complexe agroalimentaire (production agricole, industrie alimentaire, mais aussi distribution et restauration), dont l’impact sur l’économie est très important, surtout en France. Ce concept de sécurité appliqué à l’alimentation peut être promu partout dans le monde, en l’adaptant aux situations locales.
Mieux faire le lien entre alimentation et santé, non seulement par le biais de la sécurité sanitaire des aliments, permettrait de réduire considérablement le coût de la santé, en réduisant les causes des maladies. Notre assurance maladie s’en porterait mieux financièrement.
Le défi de l’énergie, du climat et de l’environnement
L’alimentation « contient » beaucoup de pétrole. Celui-ci a une place prépondérante dans la formation des prix (emballage, transport, stockage, réfrigération).
Le problème essentiel de l’agriculture en Europe est l’énergie, dont une grande part est importée. Les agrocarburants actuels ne peuvent être considérés comme une solution, compte tenu de leur piètre rendement énergétique. Economiser l’énergie fossile, limiter autant que possible l’utilisation de produits chimiques, cela revient à produire mieux (bonne qualité) avec moins d’énergie en Europe et en Amérique. Le système agricole et alimentaire devra aussi se re-localiser vis-à-vis des consommateurs et utiliser plus de main-d’œuvre.
Le défi de l’indépendance (OGM, protéines)
L’Europe est importatrice (à l’excès) de protéines végétales pour compléter les rations animales basées sur les céréales et le maïs. Il serait tout à fait possible de réduire considérablement les importations de soja en développant les cultures de luzerne et de colza, dont la complémentarité est efficace. L’Europe réduirait, non seulement sa dépendance en protéines, mais aussi les émissions de gaz à effet de serre, au niveau mondial, en permettant, en outre, de nourrir davantage de personnes. Cette solution aurait, de plus, le mérite d’abaisser notre dépendance au soja OGM, dont les firmes multinationales se servent pour imposer les OGM aux peuples qui ne veulent pas en consommer.
Le défi de la production agricole, durable et économe, suffisante et de qualité
En Europe, et tout particulièrement en France, les systèmes de production sont bien au point. Les agriculteurs ont besoin de visibilité et de stabilité des prix afin de produire de manière efficace et au moindre coût. Ils sont capables de s’adapter aux nouvelles contraintes (énergie, environnement) et aux nécessités de réduire les coûts, en utilisant au mieux la coopération en matière d’équipements et en adoptant de nouvelles techniques de conservation des sols (limitant l’utilisation des tracteurs).
Les pratiques agronomiques associant cultures et élevages doivent être privilégiées.
Le défi de l’organisation, souple et efficace, de régulation des marchés
L’agriculture européenne a pu se développer grâce aux mécanismes de protection aux frontières et de maîtrise de l’offre (stockage, quotas, etc.) mis en place avec la PAC. La question des prix des produits agricoles, de leur niveau et de leur stabilité, est donc primordiale.
C’est pourquoi il est essentiel que la volatilité des marchés soit corrigée par des mécanismes de régulation par filière et par produit, lisibles par tous et bien adaptés aux situations particulières de chaque produit, ce qui implique la concertation permanente entre les différents acteurs économiques concernés, à l’initiative de l’organisme de régulation des marchés.
Le défi de l’attribution des aides publiques
Le découplage des aides par rapport à la production n’est pas acceptable, pas plus que le mode de calcul qui gèle les situations des plus favorisés. Le re-couplage ne l’est pas plus, car il ne faut pas inciter au productivisme. Dans des conditions économiques normales, avec de nouveaux outils de régulation des marchés, les aides publiques généralisées ne seront plus nécessaires.
Les aides devraient être plafonnées et réorientées vers les agriculteurs et paysans qui peinent à vivre de la terre, en raison de handicaps liés à la qualité des sols. L’aide publique, qui devrait être justifiée par des raisons économiques, pourrait être décidée à l’échelon régional ou interrégional (dans le cadre d’enveloppes financières attribuées au niveau européen).
L’Europe à 27 doit repartir sur de nouvelles bases
L’Union européenne doit redéfinir sa politique agricole, car les conditions ont radicalement changé depuis le début des années 1960, l’idéologie libérale tenant lieu, aujourd’hui, de politique agricole dans les instances européennes. Et, il faut tenir compte de la grande diversité des situations de ses 14 millions d’exploitations agricoles (dont 7 en Pologne, Roumanie et Bulgarie).
La France, présidente du Conseil européen, doit se saisir de la crise alimentaire pour lancer une réflexion politique collective. A l’avenir, la PAC devrait se traduire par une coordination des politiques agricoles et alimentaires des 27 et une action cohérente au sein des organismes internationaux (Banque mondiale, Fonds Monétaire International, OMC) afin de réorienter leur action.