Texte de l'intervention de Jean-Michel Quatrepoint :
Cette table ronde a pour titre l’alliance des productifs pour redresser l’industrie française.
Vaste programme aurait dit le général. Car il faut parler des productifs de demain et non de ceux d’hier ni même d’aujourd’hui.
Je ne suis pas sur que tout le monde ait bien compris ce qui est à l’œuvre depuis quelques décennies et qui s’accélère depuis quelques années sous l’effet de la crise.
Nous vivons une troisième révolution industrielle.
La première je vous le rappelle a commencé vers1780. Elle a pour base la machine à vapeur, la mécanique, la mécanisation. Elle s’appuie sur le charbon et la chimie naissante. Avant cette première révolution, la seule source d’énergie est le muscle de l’homme. Dans l’agriculture comme dans l’artisanat. Avec la mécanisation on démultiplie cette puissance musculaire. La seconde révolution industrielle survient un siècle plus tard avec l’électricité, le pétrole, le moteur a explosion puis le téléphone.
Alors que la première s’était développée à partir des PME, la seconde va prospérer avec les grandes entreprises, la concentration de la main d’oeuvre dans de grandes usines, la taylorisation des tâches.
Cette table ronde a pour titre l’alliance des productifs pour redresser l’industrie française.
Vaste programme aurait dit le général. Car il faut parler des productifs de demain et non de ceux d’hier ni même d’aujourd’hui.
Je ne suis pas sur que tout le monde ait bien compris ce qui est à l’œuvre depuis quelques décennies et qui s’accélère depuis quelques années sous l’effet de la crise.
Nous vivons une troisième révolution industrielle.
La première je vous le rappelle a commencé vers1780. Elle a pour base la machine à vapeur, la mécanique, la mécanisation. Elle s’appuie sur le charbon et la chimie naissante. Avant cette première révolution, la seule source d’énergie est le muscle de l’homme. Dans l’agriculture comme dans l’artisanat. Avec la mécanisation on démultiplie cette puissance musculaire. La seconde révolution industrielle survient un siècle plus tard avec l’électricité, le pétrole, le moteur a explosion puis le téléphone.
Alors que la première s’était développée à partir des PME, la seconde va prospérer avec les grandes entreprises, la concentration de la main d’oeuvre dans de grandes usines, la taylorisation des tâches.
La troisième révolution a commencé il ya une trentaine d’années, toujours les années 80, avec l’émergence d’un nouveau système technique de production. La vapeur a été le moteur de la première révolution ; l’électricité, ce qu’avait bien compris Lénine, est le moteur de la seconde. Le logiciel connecté au réseau est le moteur de la troisième C’est ce que nous avons appelé avec quelques amis réunis au sein de l’Institut Xerfi, l’iconomie.
L’Iconomie, ce n’est pas seulement l’informatisation, la robotisation et l’automatisation des tâches répétitives.
Ce n’est pas seulement le numérique, l’utilisation d’Internet.
L’Iconomie, c’est l’intelligence partagée en réseau, autrement dit une reconception d’ensemble des process de production, de l’organisation même des entreprises, des organisations, des administrations. Cette mutation concerne aussi bien la production matérielle que les services ; la consommation que la transformation des usages des biens et services.
Comme ce fut le cas des deux précédentes, cette troisième révolution industrielle modifie profondément le rapport de l’homme avec son environnement naturel. Elle modifie la nature elle-même. C’est tout le système productif qui en est transformé. Les produits, la manière de les inventer, de les fabriquer, de les commercialiser.
Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, des entreprises sont entrées de plain-pied dans l’Iconomie sans le savoir. En France, mais aussi hors de France. On pense, bien sûr, aux Allemands, à cette industrie automobile, qui a su automatiser, robotiser sa production, gérer ses sous-traitants, mais aussi utiliser les réseaux Internet, pour faire presque du sur mesure pour le client.
On pense à un groupe espagnol comme Zara, dont la réussite, au milieu d’une économie espagnole sinistrée, est largement due à l’adaptation de la production aux besoins, ô combien changeant, du consommateur. C’est aussi, ce sera de plus en plus, le rapprochement des centres de production en fonction des zones de consommation. Car l’Iconomie doit aussi permettre de tourner la page de ces délocalisations sauvages, en Chine ou ailleurs, qui n’avaient pour but que de réduire drastiquement le coût du travail.
Cette troisième révolution industrielle, les Américains y entrent de plain-pied. Avec leur volontarisme. Avec leur puissance intellectuelle et financière, malgré leur surendettement. De tous les hommes politiques, Barack Obama est sans doute celui qui à le mieux compris ce qui était en jeu. Son discours sur l’état de l’Union en février dernier était un hymne à l’investissement : dans la science en général, les nouvelles technologies, l’énergie, prônant la multiplication des Instituts sur l’innovation manufacturière. Demandant au ministère de la Défense et de l’Energie de se mobiliser, avec les entreprises privées, pour reconstruire l’Amérique sur ces bases. Car c’est ainsi que l’on pourra à nouveau créer des emplois dans le secteur manufacturier. Des emplois qualifiés.
Dans l’Iconomie, le cerveau d’œuvre remplace la main d’œuvre comme principal facteur de production. Les taches répétitives sont réalisées par les robots. La structure des emplois va changer de fond en comble. Ce que nous appelons encore industrie va connaître la même transformation que l’agriculture avec la mécanisation. Il y a deux siècles elle employait les deux tiers de la population active et aujourd’hui 3%.
Ne nous leurrons pas l’ajustement sera douloureux, Il le sera d’autant plus que notre système éducatif n’est absolument pas preparé à cette société de l’iconomie. Et qu’il n y prépare pas les jeunes.
L’emploi d’aujourd’hui encore plus celui de demain va se trouver en amont dans la recherche l’innovation, la conception et surtout l’adaptation permanente du produit aux évolutions des besoins et de la demande du consommateur du client. Il se retrouve aussi dans l’aval, dans les services qui sont précisément au contact du consommateur pour assurer le suivi, la maintenance et le dépannage. Le produit devient en fait un assemblage de biens et de services qui y sont attachés. C’est une des grande force de l’industrie allemande. C’est une des faiblesses de la Chine qui a bien compris que ses propres consommateurs exigeaient des produits de qualité. Comme on le voit dans les scandales des aliments pour bébé, ou dans l’agro alimentaire. Les groupes chinois sont contraints de racheter, ou de s’allier avec des entreprises étrangères, pour aller chercher en Occident le savoir faire, la qualité des produits qu’exigent désormais le consommateur chinois.
Avec l’iconomie le client et la qualité du produit vont reprendre droit de cité. Ce nouveau système productif ce sont les entreprises, principales créatrices de richesse, qui en sont à la base. Elles ne sont pas, bien sûr, les seuls acteurs, mais c’est par elles que tout commence. Car l’Iconomie bouleverse les hiérarchies, les responsabilités, la relation avec les clients, les fournisseurs et les partenaires. La mise en réseau du monde implique l’innovation permanente. C’est peu dire que l’Iconomie remet en cause nos codes de valeur, nos modes de pensée, nos organisations.
Les périodes de transition – et nous en vivons une – sont toujours douloureuses. Le modèle ancien s’effondre et le modèle nouveau ne produit pas encore tous ses effets bénéfiques. Plus la transition est longue, plus les sacrifices pour les populations sont importants. Raison de plus pour ne pas attendre, pour prendre les problèmes à bras le corps. Et reconstruire la France, sur ces nouvelles bases.
Dans son analyse des révolutions industrielles, Christian Saint Etienne explique qu’elle ont connu à chaque fois deux périodes : cinquante ans d’innovations et de rupture pour que le nouveau système de production s’implante, puis cinquante ans de consolidation.
Ces révolutions industrielles sont l’occasion de rebattre les cartes à l’échelle mondiale. La Chine était sortie du jeu au début du 19ème siècle pour ne pas avoir pris le virage de la première révolution. Les pays qui ne sauront pas s’adapter à cette troisième révolution sortiront eux aussi du jeu. C’est tout l’enjeu pour la France.
Mais vous me direz ce gouvernement a compris les enjeux. Le plan que Montebourg vient de présenter, les 3,7 milliards d’investissements et les 34 projets d’avenir, c’est de l’Iconomie.
Oui. Mais c’est d’abord de l’habile communication. Car, la plupart de ces projets avaient déjà été initiés dans le cadre de l’emprunt Sarkozy et du commissariat général à l ‘Investissement. Ils avaient été repris par Jean Marc Ayrault et rebaptisés « projets d’avenir «. On les représente une nouvelle fois, à l’Elysée. Les 3, 7 milliards apportés par l’Etat vont d’ailleurs être pris sur le reliquat de l’emprunt de 35 milliards. Reste que cette mobilisation est dérisoire par rapport à ce qu’il faudrait faire. 34 projets ne font pas un plan d’ensemble. Ce ne sont pas 3,7 milliards étalés sur 5 ans qu’il faudrait, mais repenser toute notre politique économique. Or cette politique est décidée… à Bercy. Au sein du ministère de l’Economie et des Finances et pas au sein du ministère de l’industrie.
Pour Bercy, l’Iconomie c’est au mieux un coût financier, au pire une idée fumeuse. Et c’est quelque chose que nos hiérarques, nos énarques, ne maitrisent pas. Ils ne sont pas à la manœuvre. Pire l’Iconomie remettrait en cause leur manière de travailler, de penser, leur pouvoir, voire leurs emplois. Car l’Iconomie ne sera pas imposée par le haut, par l’État ou quelque sauveur suprême, elle se fera par les acteurs, les citoyens, contribuables, consommateurs, producteurs que nous sommes tous. Elle se fera aussi et j’ajouterai même surtout, par les entrepreneurs, qu’ils soient individuels, patrons de petites ou moyennes entreprises ou managers de grands groupes. Elle se fera aussi avec ceux qui accepteront d’apporter leur argent, de prendre des risques pour financer l’innovation et ces entrepreneurs.
L’Etat peut faciliter, accompagner mais il n’a pas, il n’a plus, les moyens d’être le pilote unique. D’autant qu’il n’a plus, à la différence de l’époque des Trente Glorieuses, les compétences en son sein.
En revanche, ce que pourrait faire l’Etat, c’est de ne pas réduire drastiquement le budget de la Défense et de développer au contraire les recherches sur la cyber guerre et les nouvelles armes. Ce que pourrait faire l’Etat c’est de faciliter les recherches sur les méthodes d’explorations des gaz de schiste et sur le nucléaire du futur. Ce que pourrait faire l’Etat c’est avec les collectivités locales de lancer un plan pour doter chaque élève – ils sont 12 millions – d’une tablette pour remplacer peu a peu les livres de classe. Des tablettes fabriquées en France ( Apple, Samsung et la société française Arcos). Un projet qui encouragerait du même coup la créativité des élèves et des professeurs et déboucherait sur de multiples innovations dans les logiciels. Ce que pourrait faire l’Etat c’est de faciliter la création d’une plate forme culturelle pour rendre accessible dans le monde entier, et surtout dans la francophonie, notre patrimoine culturel aujourd’hui réparti dans 220 plateformes. Le projet existe. Il est porté par une société française Technicolor. Il a même trouvé un mécène canadien francophone. Mais Madame Filippetti n’a toujours pas trouvé le temps de se pencher sur ce dossier et de recevoir les initiateurs du projet. Peut être préfère t-on laisser à Google le soin de diffuser demain le patrimoine culturel français ? Ce que pourrait faire l’Etat, en l’occurrence la représentation nationale, ce serait de retoquer le projet de Mme Dufflot sur le logement. Il faut construire et pas réglementer. Il faut construire massivement des nouveaux logements pas chers, modernes, intégrant toutes les nouvelles technologies, la domotique. Construire à Paris en hauteur pour faire baisser les prix et favoriser la créativité de nos architectes. Ne pas laisser à Londres et à Berlin le monopole de la nouveauté architecturale. Il ne faut pas bâtir une nouvelle usine à gaz réglementaire et fiscale qui ne va qu’aggraver la crise du logement.
Ce qu’aurait pu faire l’Etat c’est de prendre à bras le corps le dossier de l’optimisation fiscale des multinationales et non de laisser l’initiative aux anglo-saxons. On aurait pu proposer à ces multinationales un deal en instaurant une taxe forfaitaire sur leur chiffre d’affaires en France. à valoir sur l’Impôt sur les sociétés. Un moyen de les inciter à payer de l’IS en France et du même coup on aurait pu baisser le taux de l’IS notamment pour les PME. Au lieu de cela Bercy a inventé un nouvel impôt de 1,15%, sur l’excédent brut d’exploitation. Les multinationales se débrouilleront toujours, avec les prix de transferts, pour ne pas avoir d’excédents. Et ce sont les PME qui auront ainsi un impôt supplémentaire.
Alors s’il y avait un message à faire passer c’est bien celui-ci : l’alliance des nouvelles forces productives passe par un préalable : que l’on arrête d’opposer les uns aux autres, les juniors aux seniors, les actifs aux inactifs, les salariés aux retraités : que l’on cesse de vouloir remplacer la lutte des classes par la lutte générationnelle, que l’on cesse de stigmatiser les prétendus riches, les entrepreneurs, les auto entrepreneurs, les petits propriétaires bailleurs. Car on a besoin de tous les acteurs économiques pour opérer cette transition vers l’iconomie.
Ce qu’il faut en revanche c’est s’attaquer à un phénomène qui n’a cessé de se renforcer au fil des décennies : je veux parler de l’endogamie néfaste entre une haute fonction publique et même une moyenne, les médias, pas tous bien sur et la majorité d’une classe politique, prisonnière d’un système qui a fait de la politique un métier. Une endogamie dominée par cette énarchie dont Jean-Pierre Chevènement avait déjà décrit les travers il y a plus de 40 ans.
Cette caste, ces élites ont cru il y a vingt ans que l’on basculait dans un monde post travail, post industriel, post national. C’est tout le contraire qui s’est produit. La troisième révolution est industrielle même s’il s’agit d’une autre industrie qui nait sous nos yeux. Elle mobilise plus que jamais le travail. Le travail qualifié, à tous les niveaux. Elle redonne tout son sens à la valeur travail au gout du travail bien fait. Elle a besoin aussi de capital. Enfin, cette troisième révolution est nationale en ce sens que tous les pays raisonnent d’abord en fonction de leurs intérêts nationaux : des Etats Unis à la Chine, de la Russie à l’Allemagne en passant par l’Angleterre.
Ce n’est pas faire du populisme que de dire qu’il est temps pour notre pays et ses citoyens de reprendre en mains leur destin. Ce n’est pas en sautant comme un cabri sur son fauteuil en criant droits de l’homme, droits de l’homme que l’on s’occupe des hommes. Et que l’on définit une stratégie audacieuse et réaliste pour la France. Ce n’est pas en multipliant taxes, règlements, interdictions, punitions que l’on mobilisera les forces productives de ce pays, ou ce qu’il en reste, pour le faire entrer dans la société de l’Iconomie.
L’Iconomie, ce n’est pas seulement l’informatisation, la robotisation et l’automatisation des tâches répétitives.
Ce n’est pas seulement le numérique, l’utilisation d’Internet.
L’Iconomie, c’est l’intelligence partagée en réseau, autrement dit une reconception d’ensemble des process de production, de l’organisation même des entreprises, des organisations, des administrations. Cette mutation concerne aussi bien la production matérielle que les services ; la consommation que la transformation des usages des biens et services.
Comme ce fut le cas des deux précédentes, cette troisième révolution industrielle modifie profondément le rapport de l’homme avec son environnement naturel. Elle modifie la nature elle-même. C’est tout le système productif qui en est transformé. Les produits, la manière de les inventer, de les fabriquer, de les commercialiser.
Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, des entreprises sont entrées de plain-pied dans l’Iconomie sans le savoir. En France, mais aussi hors de France. On pense, bien sûr, aux Allemands, à cette industrie automobile, qui a su automatiser, robotiser sa production, gérer ses sous-traitants, mais aussi utiliser les réseaux Internet, pour faire presque du sur mesure pour le client.
On pense à un groupe espagnol comme Zara, dont la réussite, au milieu d’une économie espagnole sinistrée, est largement due à l’adaptation de la production aux besoins, ô combien changeant, du consommateur. C’est aussi, ce sera de plus en plus, le rapprochement des centres de production en fonction des zones de consommation. Car l’Iconomie doit aussi permettre de tourner la page de ces délocalisations sauvages, en Chine ou ailleurs, qui n’avaient pour but que de réduire drastiquement le coût du travail.
Cette troisième révolution industrielle, les Américains y entrent de plain-pied. Avec leur volontarisme. Avec leur puissance intellectuelle et financière, malgré leur surendettement. De tous les hommes politiques, Barack Obama est sans doute celui qui à le mieux compris ce qui était en jeu. Son discours sur l’état de l’Union en février dernier était un hymne à l’investissement : dans la science en général, les nouvelles technologies, l’énergie, prônant la multiplication des Instituts sur l’innovation manufacturière. Demandant au ministère de la Défense et de l’Energie de se mobiliser, avec les entreprises privées, pour reconstruire l’Amérique sur ces bases. Car c’est ainsi que l’on pourra à nouveau créer des emplois dans le secteur manufacturier. Des emplois qualifiés.
Dans l’Iconomie, le cerveau d’œuvre remplace la main d’œuvre comme principal facteur de production. Les taches répétitives sont réalisées par les robots. La structure des emplois va changer de fond en comble. Ce que nous appelons encore industrie va connaître la même transformation que l’agriculture avec la mécanisation. Il y a deux siècles elle employait les deux tiers de la population active et aujourd’hui 3%.
Ne nous leurrons pas l’ajustement sera douloureux, Il le sera d’autant plus que notre système éducatif n’est absolument pas preparé à cette société de l’iconomie. Et qu’il n y prépare pas les jeunes.
L’emploi d’aujourd’hui encore plus celui de demain va se trouver en amont dans la recherche l’innovation, la conception et surtout l’adaptation permanente du produit aux évolutions des besoins et de la demande du consommateur du client. Il se retrouve aussi dans l’aval, dans les services qui sont précisément au contact du consommateur pour assurer le suivi, la maintenance et le dépannage. Le produit devient en fait un assemblage de biens et de services qui y sont attachés. C’est une des grande force de l’industrie allemande. C’est une des faiblesses de la Chine qui a bien compris que ses propres consommateurs exigeaient des produits de qualité. Comme on le voit dans les scandales des aliments pour bébé, ou dans l’agro alimentaire. Les groupes chinois sont contraints de racheter, ou de s’allier avec des entreprises étrangères, pour aller chercher en Occident le savoir faire, la qualité des produits qu’exigent désormais le consommateur chinois.
Avec l’iconomie le client et la qualité du produit vont reprendre droit de cité. Ce nouveau système productif ce sont les entreprises, principales créatrices de richesse, qui en sont à la base. Elles ne sont pas, bien sûr, les seuls acteurs, mais c’est par elles que tout commence. Car l’Iconomie bouleverse les hiérarchies, les responsabilités, la relation avec les clients, les fournisseurs et les partenaires. La mise en réseau du monde implique l’innovation permanente. C’est peu dire que l’Iconomie remet en cause nos codes de valeur, nos modes de pensée, nos organisations.
Les périodes de transition – et nous en vivons une – sont toujours douloureuses. Le modèle ancien s’effondre et le modèle nouveau ne produit pas encore tous ses effets bénéfiques. Plus la transition est longue, plus les sacrifices pour les populations sont importants. Raison de plus pour ne pas attendre, pour prendre les problèmes à bras le corps. Et reconstruire la France, sur ces nouvelles bases.
Dans son analyse des révolutions industrielles, Christian Saint Etienne explique qu’elle ont connu à chaque fois deux périodes : cinquante ans d’innovations et de rupture pour que le nouveau système de production s’implante, puis cinquante ans de consolidation.
Ces révolutions industrielles sont l’occasion de rebattre les cartes à l’échelle mondiale. La Chine était sortie du jeu au début du 19ème siècle pour ne pas avoir pris le virage de la première révolution. Les pays qui ne sauront pas s’adapter à cette troisième révolution sortiront eux aussi du jeu. C’est tout l’enjeu pour la France.
Mais vous me direz ce gouvernement a compris les enjeux. Le plan que Montebourg vient de présenter, les 3,7 milliards d’investissements et les 34 projets d’avenir, c’est de l’Iconomie.
Oui. Mais c’est d’abord de l’habile communication. Car, la plupart de ces projets avaient déjà été initiés dans le cadre de l’emprunt Sarkozy et du commissariat général à l ‘Investissement. Ils avaient été repris par Jean Marc Ayrault et rebaptisés « projets d’avenir «. On les représente une nouvelle fois, à l’Elysée. Les 3, 7 milliards apportés par l’Etat vont d’ailleurs être pris sur le reliquat de l’emprunt de 35 milliards. Reste que cette mobilisation est dérisoire par rapport à ce qu’il faudrait faire. 34 projets ne font pas un plan d’ensemble. Ce ne sont pas 3,7 milliards étalés sur 5 ans qu’il faudrait, mais repenser toute notre politique économique. Or cette politique est décidée… à Bercy. Au sein du ministère de l’Economie et des Finances et pas au sein du ministère de l’industrie.
Pour Bercy, l’Iconomie c’est au mieux un coût financier, au pire une idée fumeuse. Et c’est quelque chose que nos hiérarques, nos énarques, ne maitrisent pas. Ils ne sont pas à la manœuvre. Pire l’Iconomie remettrait en cause leur manière de travailler, de penser, leur pouvoir, voire leurs emplois. Car l’Iconomie ne sera pas imposée par le haut, par l’État ou quelque sauveur suprême, elle se fera par les acteurs, les citoyens, contribuables, consommateurs, producteurs que nous sommes tous. Elle se fera aussi et j’ajouterai même surtout, par les entrepreneurs, qu’ils soient individuels, patrons de petites ou moyennes entreprises ou managers de grands groupes. Elle se fera aussi avec ceux qui accepteront d’apporter leur argent, de prendre des risques pour financer l’innovation et ces entrepreneurs.
L’Etat peut faciliter, accompagner mais il n’a pas, il n’a plus, les moyens d’être le pilote unique. D’autant qu’il n’a plus, à la différence de l’époque des Trente Glorieuses, les compétences en son sein.
En revanche, ce que pourrait faire l’Etat, c’est de ne pas réduire drastiquement le budget de la Défense et de développer au contraire les recherches sur la cyber guerre et les nouvelles armes. Ce que pourrait faire l’Etat c’est de faciliter les recherches sur les méthodes d’explorations des gaz de schiste et sur le nucléaire du futur. Ce que pourrait faire l’Etat c’est avec les collectivités locales de lancer un plan pour doter chaque élève – ils sont 12 millions – d’une tablette pour remplacer peu a peu les livres de classe. Des tablettes fabriquées en France ( Apple, Samsung et la société française Arcos). Un projet qui encouragerait du même coup la créativité des élèves et des professeurs et déboucherait sur de multiples innovations dans les logiciels. Ce que pourrait faire l’Etat c’est de faciliter la création d’une plate forme culturelle pour rendre accessible dans le monde entier, et surtout dans la francophonie, notre patrimoine culturel aujourd’hui réparti dans 220 plateformes. Le projet existe. Il est porté par une société française Technicolor. Il a même trouvé un mécène canadien francophone. Mais Madame Filippetti n’a toujours pas trouvé le temps de se pencher sur ce dossier et de recevoir les initiateurs du projet. Peut être préfère t-on laisser à Google le soin de diffuser demain le patrimoine culturel français ? Ce que pourrait faire l’Etat, en l’occurrence la représentation nationale, ce serait de retoquer le projet de Mme Dufflot sur le logement. Il faut construire et pas réglementer. Il faut construire massivement des nouveaux logements pas chers, modernes, intégrant toutes les nouvelles technologies, la domotique. Construire à Paris en hauteur pour faire baisser les prix et favoriser la créativité de nos architectes. Ne pas laisser à Londres et à Berlin le monopole de la nouveauté architecturale. Il ne faut pas bâtir une nouvelle usine à gaz réglementaire et fiscale qui ne va qu’aggraver la crise du logement.
Ce qu’aurait pu faire l’Etat c’est de prendre à bras le corps le dossier de l’optimisation fiscale des multinationales et non de laisser l’initiative aux anglo-saxons. On aurait pu proposer à ces multinationales un deal en instaurant une taxe forfaitaire sur leur chiffre d’affaires en France. à valoir sur l’Impôt sur les sociétés. Un moyen de les inciter à payer de l’IS en France et du même coup on aurait pu baisser le taux de l’IS notamment pour les PME. Au lieu de cela Bercy a inventé un nouvel impôt de 1,15%, sur l’excédent brut d’exploitation. Les multinationales se débrouilleront toujours, avec les prix de transferts, pour ne pas avoir d’excédents. Et ce sont les PME qui auront ainsi un impôt supplémentaire.
Alors s’il y avait un message à faire passer c’est bien celui-ci : l’alliance des nouvelles forces productives passe par un préalable : que l’on arrête d’opposer les uns aux autres, les juniors aux seniors, les actifs aux inactifs, les salariés aux retraités : que l’on cesse de vouloir remplacer la lutte des classes par la lutte générationnelle, que l’on cesse de stigmatiser les prétendus riches, les entrepreneurs, les auto entrepreneurs, les petits propriétaires bailleurs. Car on a besoin de tous les acteurs économiques pour opérer cette transition vers l’iconomie.
Ce qu’il faut en revanche c’est s’attaquer à un phénomène qui n’a cessé de se renforcer au fil des décennies : je veux parler de l’endogamie néfaste entre une haute fonction publique et même une moyenne, les médias, pas tous bien sur et la majorité d’une classe politique, prisonnière d’un système qui a fait de la politique un métier. Une endogamie dominée par cette énarchie dont Jean-Pierre Chevènement avait déjà décrit les travers il y a plus de 40 ans.
Cette caste, ces élites ont cru il y a vingt ans que l’on basculait dans un monde post travail, post industriel, post national. C’est tout le contraire qui s’est produit. La troisième révolution est industrielle même s’il s’agit d’une autre industrie qui nait sous nos yeux. Elle mobilise plus que jamais le travail. Le travail qualifié, à tous les niveaux. Elle redonne tout son sens à la valeur travail au gout du travail bien fait. Elle a besoin aussi de capital. Enfin, cette troisième révolution est nationale en ce sens que tous les pays raisonnent d’abord en fonction de leurs intérêts nationaux : des Etats Unis à la Chine, de la Russie à l’Allemagne en passant par l’Angleterre.
Ce n’est pas faire du populisme que de dire qu’il est temps pour notre pays et ses citoyens de reprendre en mains leur destin. Ce n’est pas en sautant comme un cabri sur son fauteuil en criant droits de l’homme, droits de l’homme que l’on s’occupe des hommes. Et que l’on définit une stratégie audacieuse et réaliste pour la France. Ce n’est pas en multipliant taxes, règlements, interdictions, punitions que l’on mobilisera les forces productives de ce pays, ou ce qu’il en reste, pour le faire entrer dans la société de l’Iconomie.