Lors de sa récente conférence de presse, le président de la République a déclaré que les forces françaises seraient impliquées en Syrie à travers des premières opérations de reconnaissance aérienne pour combattre Daech. Attendue depuis plusieurs semaines, cette annonce a été accélérée par le cours des événements: l'attentat avorté du Thalys, la destruction du site de Palmyre et l'afflux de réfugiés en Europe, fuyant le désastre au Proche-Orient.
Volte-face
Cette annonce constitue une spectaculaire volte-face. La doctrine du quai d'Orsay, jusqu'ici largement soutenue par l'Elysée, consistait à favoriser le changement de régime à Damas. L'actuel ministre des Affaires étrangères, comme son prédécesseur Alain Juppé, ont été les artisans d'une ligne implacable à l'égard de Bachar El Assad, convaincus que ses jours étaient comptés. La réalité démontre que le quai d'Orsay eût été mieux inspiré de lire attentivement les télégrammes de l'ambassadeur de France à Damas, Eric Chevallier, qui estimait dès 2011 le régime d'El Assad suffisamment solide pour ne pas tomber.
La politique étrangère de la France s'est enfermée dans une logique aveugle que François Hollande est aujourd'hui contraint de désavouer. Cette absence de discernement a conduit Laurent Fabius à affirmer le 12 décembre 2013 que "sur le terrain, [le Front Al-Nosra] fait un bon boulot", au moment même où les Etats-Unis inscrivaient cette filiale d'Al-Qaida sur la liste des organisations terroristes ! Au moment même aussi où la France déployait ses troupes au Mali pour combattre Al-Qaida au Magreb islamique... Une autre asymétrie témoigne de l'absurdité de la position française: alors que notre armée bombarde Daesh côté irakien depuis un an, nous restons spectateurs impuissants des décapitions côté syrien. Où est notre ligne ? Où sont nos principes et nos intérêts?
Volte-face
Cette annonce constitue une spectaculaire volte-face. La doctrine du quai d'Orsay, jusqu'ici largement soutenue par l'Elysée, consistait à favoriser le changement de régime à Damas. L'actuel ministre des Affaires étrangères, comme son prédécesseur Alain Juppé, ont été les artisans d'une ligne implacable à l'égard de Bachar El Assad, convaincus que ses jours étaient comptés. La réalité démontre que le quai d'Orsay eût été mieux inspiré de lire attentivement les télégrammes de l'ambassadeur de France à Damas, Eric Chevallier, qui estimait dès 2011 le régime d'El Assad suffisamment solide pour ne pas tomber.
La politique étrangère de la France s'est enfermée dans une logique aveugle que François Hollande est aujourd'hui contraint de désavouer. Cette absence de discernement a conduit Laurent Fabius à affirmer le 12 décembre 2013 que "sur le terrain, [le Front Al-Nosra] fait un bon boulot", au moment même où les Etats-Unis inscrivaient cette filiale d'Al-Qaida sur la liste des organisations terroristes ! Au moment même aussi où la France déployait ses troupes au Mali pour combattre Al-Qaida au Magreb islamique... Une autre asymétrie témoigne de l'absurdité de la position française: alors que notre armée bombarde Daesh côté irakien depuis un an, nous restons spectateurs impuissants des décapitions côté syrien. Où est notre ligne ? Où sont nos principes et nos intérêts?
L'histoire repasse les plats
Au fond, la position du gouvernement français ne se démarque pas vraiment du positionnement cynique des faucons américains. La situation syrienne procède de la déstabilisation de l'ensemble de la région qui a débuté en 1991 avec la première guerre du Golfe, puis s'est poursuivie par la guerre en Afghanistan en 2001, l'intervention en Irak en 2003, les bombardements en Libye en 2011. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que vingt cinq années d'ingérence occidentale dans le monde arabo-musulman ont conduit à échanger des dictatures militaires contre des théocraties moyenâgeuses aux mains de seigneurs de guerre sans foi ni loi.
On pouvait espérer que les expériences passées serviraient de leçon, mais il n'en a rien été. En invoquant l'équivalence entre le régime de Damas et l'Etat islamique[2] pour justifier notre indolence, le patron du Quai d'Orsay a fait preuve d'une méconnaissance inouïe des réalités de la région. Dictature militaire souvent impitoyable, la Syrie du parti Baas maintenait l'unité d'un Etat mosaïque où cohabitaient quelques 17 groupes religieux. Hier encore, vivaient au nord de Damas les derniers chrétiens qui parlaient araméen. Hier encore, le temple de Bel était debout et offrait au monde une vision unique du métissage culturel gréco-romain. Hier encore, l'une des plus vieilles cités du monde, Alep, abritait des communautés arméniennes, maronites, chaldéennes, alaouites, sunnites à l'ombre de ses souks séculaires. Hier encore, 5 millions d'enfants étaient scolarisés à travers le pays. Tout cela est aujourd'hui anéanti.
Que faire?
Que faire aujourd'hui face à ce chaos? Premièrement il faut mettre un terme à nos tergiversations et se fixer un objectif central: neutraliser l'expansion de Daech dont l'intention ne consiste pas seulement à installer un califat en Mésopotamie, mais aussi à exporter le conflit au cœur des démocraties occidentales et en Afrique. Même tardivement, François Hollande a raison de souligner que notre sécurité est en jeu.
Revenons ensuite à une saine realpolitik. En considérant l'urgence, il convient de rassembler une coalition capable d'agir efficacement en trouvant préalablement un accord sur les objectifs et les moyens. Ne nous payons pas de mots: chacun sait que les frappes aériennes ne suffiront pas et que l'intervention au sol sera inévitable. Elle devra être coordonnée avec Damas et ce qu'il reste de l'Etat irakien qui sont les seuls interlocuteurs sinon légitimes, du moins légaux. Ce sont prioritairement les armées et les populations de ces territoires qui seront en mesure de délivrer leur pays, avec l'aide des grandes puissances de la région (au premier rang desquelles l'Iran), de la Russie, mais aussi des pays membres de l'OTAN. Ce soutien devra inclure la formation, la logistique, l'armement et la transmission d'informations.
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Source : Huffington Post
Au fond, la position du gouvernement français ne se démarque pas vraiment du positionnement cynique des faucons américains. La situation syrienne procède de la déstabilisation de l'ensemble de la région qui a débuté en 1991 avec la première guerre du Golfe, puis s'est poursuivie par la guerre en Afghanistan en 2001, l'intervention en Irak en 2003, les bombardements en Libye en 2011. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que vingt cinq années d'ingérence occidentale dans le monde arabo-musulman ont conduit à échanger des dictatures militaires contre des théocraties moyenâgeuses aux mains de seigneurs de guerre sans foi ni loi.
On pouvait espérer que les expériences passées serviraient de leçon, mais il n'en a rien été. En invoquant l'équivalence entre le régime de Damas et l'Etat islamique[2] pour justifier notre indolence, le patron du Quai d'Orsay a fait preuve d'une méconnaissance inouïe des réalités de la région. Dictature militaire souvent impitoyable, la Syrie du parti Baas maintenait l'unité d'un Etat mosaïque où cohabitaient quelques 17 groupes religieux. Hier encore, vivaient au nord de Damas les derniers chrétiens qui parlaient araméen. Hier encore, le temple de Bel était debout et offrait au monde une vision unique du métissage culturel gréco-romain. Hier encore, l'une des plus vieilles cités du monde, Alep, abritait des communautés arméniennes, maronites, chaldéennes, alaouites, sunnites à l'ombre de ses souks séculaires. Hier encore, 5 millions d'enfants étaient scolarisés à travers le pays. Tout cela est aujourd'hui anéanti.
Que faire?
Que faire aujourd'hui face à ce chaos? Premièrement il faut mettre un terme à nos tergiversations et se fixer un objectif central: neutraliser l'expansion de Daech dont l'intention ne consiste pas seulement à installer un califat en Mésopotamie, mais aussi à exporter le conflit au cœur des démocraties occidentales et en Afrique. Même tardivement, François Hollande a raison de souligner que notre sécurité est en jeu.
Revenons ensuite à une saine realpolitik. En considérant l'urgence, il convient de rassembler une coalition capable d'agir efficacement en trouvant préalablement un accord sur les objectifs et les moyens. Ne nous payons pas de mots: chacun sait que les frappes aériennes ne suffiront pas et que l'intervention au sol sera inévitable. Elle devra être coordonnée avec Damas et ce qu'il reste de l'Etat irakien qui sont les seuls interlocuteurs sinon légitimes, du moins légaux. Ce sont prioritairement les armées et les populations de ces territoires qui seront en mesure de délivrer leur pays, avec l'aide des grandes puissances de la région (au premier rang desquelles l'Iran), de la Russie, mais aussi des pays membres de l'OTAN. Ce soutien devra inclure la formation, la logistique, l'armement et la transmission d'informations.
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Source : Huffington Post