Le moins que l’on puisse dire, c’est que la loi Bachelot a suscité une opposition hétéroclite : syndicats de médecins libéraux criant « au loup ! » et poussant leur corporatisme jusqu’à la caricature, internes en formation veillant jalousement sur leurs futurs dépassements d’honoraires, chefs de services hospitaliers peu décidés à abdiquer leurs pouvoirs aux directeurs d’hôpitaux, défenseurs sincères, aussi, de l’hôpital public, tous ont fait entendre leur colère.
La ministre de la Santé a été contrainte de reculer sur certains points : telle mesure sur la publicité pour l’alcool, telle autre sur sa vente dans les stations-service ont été retoquées. Les velléités de limiter la liberté totale d’installation des médecins ont été repoussées. En revanche, les mesures de fond pour la réorientation du système de santé en faveur du secteur privé ont été fermement maintenues.
Ainsi, des « groupements de coopération sanitaire », fruits du rapprochement entre établissements de santé de droit privé et établissements de droit public, vont se développer, au risque que l’on voie disparaître certaines activités du secteur strictement public, seul garant de l’accès de tous à des soins de qualité.
Mesure cardinale de la loi, la création des agences régionales de santé n’est pas à rejeter par principe : regroupant les services de l’Etat et de l’assurance maladie à l’échelon régional, ces ARS pourraient être les bras armés d’une politique de santé volontariste au service de l’intérêt général. Las ! Ces agences seront avant tout les instruments d’application de la loi, qui apparaît comme profondément inspirée par une volonté d’assimilation des établissements hospitaliers publics et privés. En témoigne le premier chapitre de cette loi, précisant que les établissements de santé, publics ou privés, doivent pouvoir indifféremment « mener ou participer à des missions de service public », notamment pour « l’enseignement universitaire et postuniversitaire ».
Jusqu’ici presque exclusivement réservée à l’hôpital public, la vocation universitaire lui conférait le prestige nécessaire pour retenir des médecins en son sein, et garantissait pour tous un égal accès à des soins d’excellence. Or, si le prestige universitaire s’éloigne de l’hôpital, la culture d’entreprise y fait son entrée : les directeurs d’hôpitaux pourront être issus du secteur privé. Quant aux médecins, ils pourront être recrutés sous un statut de droit privé assorti d’une rémunération comportant une part variable.
Il faut dire que l’instauration de la tarification à l’activité avait ouvert la voie de l’hôpital-entreprise : en imposant aux établissements hospitaliers publics le même mode de financement, basé sur la rentabilité, que celui des cliniques privées, le système de la « T2A » fait fi des spécificités de l’hôpital public que sont notamment l’accueil de tous les patients sans sélection et la formation initiale des professionnels. La quête imposée de la stricte rentabilité ne peut qu’aboutir à une sélection des malades, et à une dangereuse et inflationniste course à l’acte. Tout cela produit le glissement progressif de notre système de santé vers une logique concurrentielle.
Il faut pourtant mesurer le danger qui existe de voir contesté à l’hôpital public son rôle de référence et d’ultime recours dans le système de santé. S’il est fondamental que ce rôle lui soit conservé, c’est parce que l’hôpital public incarne seul la synthèse républicaine entre excellence médicale et égalité d’accès aux soins.
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La tribune a également été publiée sur Marianne2.fr.
La ministre de la Santé a été contrainte de reculer sur certains points : telle mesure sur la publicité pour l’alcool, telle autre sur sa vente dans les stations-service ont été retoquées. Les velléités de limiter la liberté totale d’installation des médecins ont été repoussées. En revanche, les mesures de fond pour la réorientation du système de santé en faveur du secteur privé ont été fermement maintenues.
Ainsi, des « groupements de coopération sanitaire », fruits du rapprochement entre établissements de santé de droit privé et établissements de droit public, vont se développer, au risque que l’on voie disparaître certaines activités du secteur strictement public, seul garant de l’accès de tous à des soins de qualité.
Mesure cardinale de la loi, la création des agences régionales de santé n’est pas à rejeter par principe : regroupant les services de l’Etat et de l’assurance maladie à l’échelon régional, ces ARS pourraient être les bras armés d’une politique de santé volontariste au service de l’intérêt général. Las ! Ces agences seront avant tout les instruments d’application de la loi, qui apparaît comme profondément inspirée par une volonté d’assimilation des établissements hospitaliers publics et privés. En témoigne le premier chapitre de cette loi, précisant que les établissements de santé, publics ou privés, doivent pouvoir indifféremment « mener ou participer à des missions de service public », notamment pour « l’enseignement universitaire et postuniversitaire ».
Jusqu’ici presque exclusivement réservée à l’hôpital public, la vocation universitaire lui conférait le prestige nécessaire pour retenir des médecins en son sein, et garantissait pour tous un égal accès à des soins d’excellence. Or, si le prestige universitaire s’éloigne de l’hôpital, la culture d’entreprise y fait son entrée : les directeurs d’hôpitaux pourront être issus du secteur privé. Quant aux médecins, ils pourront être recrutés sous un statut de droit privé assorti d’une rémunération comportant une part variable.
Il faut dire que l’instauration de la tarification à l’activité avait ouvert la voie de l’hôpital-entreprise : en imposant aux établissements hospitaliers publics le même mode de financement, basé sur la rentabilité, que celui des cliniques privées, le système de la « T2A » fait fi des spécificités de l’hôpital public que sont notamment l’accueil de tous les patients sans sélection et la formation initiale des professionnels. La quête imposée de la stricte rentabilité ne peut qu’aboutir à une sélection des malades, et à une dangereuse et inflationniste course à l’acte. Tout cela produit le glissement progressif de notre système de santé vers une logique concurrentielle.
Il faut pourtant mesurer le danger qui existe de voir contesté à l’hôpital public son rôle de référence et d’ultime recours dans le système de santé. S’il est fondamental que ce rôle lui soit conservé, c’est parce que l’hôpital public incarne seul la synthèse républicaine entre excellence médicale et égalité d’accès aux soins.
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La tribune a également été publiée sur Marianne2.fr.