Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous voici dans un débat à double portée. En effet, ce projet de loi résulte d’abord d’un travail de longue haleine sur le fonctionnement des services de renseignement, travail dont il faut féliciter le président Urvoas, rapporteur de ce texte, ainsi que notre collègue Patrice Verchère. J’espère qu’ils n’ont pas découvert une grotte Chauvet d’où s’échapperont des bisons et des créatures fantastiques, mais cette mise au jour était très profondément utile en termes de transparence démocratique. Car pour se préserver, une démocratie, qui ne peut pas tout dire, tout dévoiler, doit prévoir les mécanismes par lesquels elle entend contrôler ceux-là mêmes qui ont, dans l’ombre, la charge de la préserver. C’est un paradoxe qu’il faut assumer.
Mais le texte poursuit également un autre objectif : un objectif d’efficacité républicaine. Il s’agit de compléter les deux lois sur le terrorisme qui ont développé des moyens de police administrative et de répression pénale en les complétant par de nouveaux moyens donnés aux services de renseignement, des moyens convenant à un État de droit mais aussi au principal défi qui se pose aujourd’hui à nous, celui, bien sûr, du terrorisme.
Mais le texte poursuit également un autre objectif : un objectif d’efficacité républicaine. Il s’agit de compléter les deux lois sur le terrorisme qui ont développé des moyens de police administrative et de répression pénale en les complétant par de nouveaux moyens donnés aux services de renseignement, des moyens convenant à un État de droit mais aussi au principal défi qui se pose aujourd’hui à nous, celui, bien sûr, du terrorisme.
Il fallait donc se pencher sur la définition d’un contrôle des services de renseignement. Leur mise au jour à travers la légalisation de leur action fait apparaître la sophistication nouvelle des techniques, leur extension et l’importance des données en cause, y compris des métadonnées. Tout cela peut bien sûr soulever des interrogations. Mais il est du devoir du législateur que de définir l’équilibre qu’il entend voir se mettre en place pour ce qui concerne l’encadrement de ces activités. Il ne s’agit pas seulement de l’équilibre entre la sécurité et la liberté, même si c’est un résumé correct, mais d’un triangle vertueux que nous devons instituer : sa première pointe correspond aux missions, la deuxième, aux techniques, la troisième, aux contrôles.
S’agissant des missions, je souligne ce qui devrait être un principe clair dans tout État de droit : à mes yeux, plus la mission est large, c’est-à-dire les objectifs diversifiés – terrorisme, sécurité nationale, espionnage économique –, plus le champ de l’investigation doit être limité et précis, avant même le contrôle. À l’inverse, plus la mission est précise – je pense à la lutte contre le terrorisme –, plus la technique peut prendre de l’ampleur. C’est la raison pour laquelle l’algorithme imposé aux opérateurs se justifiera d’autant plus que la mission sera précise, relativement limitée et en tout cas contrôlée.
Reste la troisième pointe du triangle : le contrôle. Les mécanismes mis en place seront déterminants à cet égard. Mais le législateur ne statue bien évidemment que sur leur cadre. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est évidemment bienvenue et je pense que faire appel à une formation spécialisée du Conseil d’État est une solution inventive et très bienvenue car le juge administratif suprême plonge de longue date dans les réalités de l’ordre et de la sécurité publics. Il a l’art et la manière de peser les choses parce qu’il est au cœur de l’État tout en étant à la bonne distance de l’appareil d’État proprement dit. C’est le point essentiel. Mais il y a un point sur lequel j’appelle de mes vœux une évolution du texte retenu par notre commission : le Conseil d’État ne doit pas être privé de son mode de fonctionnement normal ; il faut que la formation désignée en son sein puisse être contrôlée par les formations supérieures que sont la section ou l’assemblée du contentieux, composées d’un petit nombre de juges, ce qui en faciliterait l’habilitation. En effet, la garantie qu’offre le Conseil d’État résulte bien de son mode de fonctionnement tel qu’il s’est imposé dans l’histoire.
J’ai par ailleurs deux interrogations, que je développerai lors de la discussion des articles : l’une porte sur l’inclusion du renseignement pénitentiaire dans le périmètre des services, et je pense que la garde des sceaux a parfaitement raison de rappeler qu’il ne faut pas se tromper de périmètre ; l’autre porte sur la possibilité donnée aux chefs de service de décider eux-mêmes en cas d’urgence, avant saisine de la Commission nationale, de mettre en œuvre certaines techniques, car je préférerais nettement que cette responsabilité relève du responsable politique, en l’occurrence le ministre.
Ce texte consensuel devrait, après quelques modifications utiles, être adopté. Je conclurai en soulignant qu’il aura besoin d’être évalué dans ses effets parce qu’il est très neuf et que des contradictions internes pourraient surgir. Il est bien de la prérogative du Parlement d’examiner non seulement les modalités d’encadrement futur des services à travers ce texte, mais aussi comment celui-ci pourrait évoluer à partir de la manière dont il sera reçu et compris dans la société.
S’agissant des missions, je souligne ce qui devrait être un principe clair dans tout État de droit : à mes yeux, plus la mission est large, c’est-à-dire les objectifs diversifiés – terrorisme, sécurité nationale, espionnage économique –, plus le champ de l’investigation doit être limité et précis, avant même le contrôle. À l’inverse, plus la mission est précise – je pense à la lutte contre le terrorisme –, plus la technique peut prendre de l’ampleur. C’est la raison pour laquelle l’algorithme imposé aux opérateurs se justifiera d’autant plus que la mission sera précise, relativement limitée et en tout cas contrôlée.
Reste la troisième pointe du triangle : le contrôle. Les mécanismes mis en place seront déterminants à cet égard. Mais le législateur ne statue bien évidemment que sur leur cadre. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est évidemment bienvenue et je pense que faire appel à une formation spécialisée du Conseil d’État est une solution inventive et très bienvenue car le juge administratif suprême plonge de longue date dans les réalités de l’ordre et de la sécurité publics. Il a l’art et la manière de peser les choses parce qu’il est au cœur de l’État tout en étant à la bonne distance de l’appareil d’État proprement dit. C’est le point essentiel. Mais il y a un point sur lequel j’appelle de mes vœux une évolution du texte retenu par notre commission : le Conseil d’État ne doit pas être privé de son mode de fonctionnement normal ; il faut que la formation désignée en son sein puisse être contrôlée par les formations supérieures que sont la section ou l’assemblée du contentieux, composées d’un petit nombre de juges, ce qui en faciliterait l’habilitation. En effet, la garantie qu’offre le Conseil d’État résulte bien de son mode de fonctionnement tel qu’il s’est imposé dans l’histoire.
J’ai par ailleurs deux interrogations, que je développerai lors de la discussion des articles : l’une porte sur l’inclusion du renseignement pénitentiaire dans le périmètre des services, et je pense que la garde des sceaux a parfaitement raison de rappeler qu’il ne faut pas se tromper de périmètre ; l’autre porte sur la possibilité donnée aux chefs de service de décider eux-mêmes en cas d’urgence, avant saisine de la Commission nationale, de mettre en œuvre certaines techniques, car je préférerais nettement que cette responsabilité relève du responsable politique, en l’occurrence le ministre.
Ce texte consensuel devrait, après quelques modifications utiles, être adopté. Je conclurai en soulignant qu’il aura besoin d’être évalué dans ses effets parce qu’il est très neuf et que des contradictions internes pourraient surgir. Il est bien de la prérogative du Parlement d’examiner non seulement les modalités d’encadrement futur des services à travers ce texte, mais aussi comment celui-ci pourrait évoluer à partir de la manière dont il sera reçu et compris dans la société.