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Publié le Mercredi 8 Octobre 2014

Profits autoroutiers : l’Etat va-t-il faire son devoir ?



Question au Gouvernement de Marie-Françoise Bechtel, députée de l'Aisne et 1ere vice-présidente du MRC, au sujet de la taxation des profits des sociétés autoroutières, lors de séance du 7 octobre 2014.


Marie-Françoise Bechtel
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

La privatisation des autoroutes engagée en 2005 était, dès l’origine, une bien mauvaise affaire pour l’État, qui a vendu ses actions pour 15 milliards d’euros au lieu des 22 milliards estimés par la Cour des comptes. Mais que dire des dérives qui se sont depuis lors installées ! Un récent rapport accablant de l’Autorité de la concurrence vient de mettre en évidence la « rentabilité exceptionnelle des sociétés concessionnaires », assimilable, toujours selon l’Autorité de la concurrence, à une véritable rente, avec un taux de profit largement disproportionné par rapport aux risques de l’activité. Comment a-t-on pu en arriver là ? La réponse figure dans une étude de la Cour des comptes faite en 2013 à la demande de notre commission des finances. Ce rapport pointe aussi bien la dérive des tarifs par rapport à l’inflation que les bénéfices excessifs perçus par les sept concessionnaires historiques.

Une telle situation, monsieur le ministre, n’a été rendue possible que par les carences de l’État concédant. Elle pénalise l’usager automobiliste comme les finances publiques.

Ma question est simple : envisagez-vous de reprendre la main comme vous y invitent les deux autorités citées, et comment ? Est-il de l’intérêt public de valider les contrats prolongés dans le cadre du plan autoroutier aujourd’hui soumis à la Commission de Bruxelles ? À défaut de renégociation de ces contrats, envisagez-vous au moins de taxer ce qu’un membre du Gouvernement avait nommé ici même il y a quelques mois « les profits indécents des sociétés autoroutières » ?

L’enjeu est considérable. Il ne s’agit pas seulement d’assurer une gestion normale, j’allais même dire morale, du service public. Il s’agit de dégager des fonds permettant le financement de grandes infrastructures publiques – on vient de parler du canal Seine-Nord – ou la modernisation du secteur routier ; vous me permettrez d’avoir ici une pensée pour la Nationale 2 qui, entre Paris et Soissons, n’est toujours pas achevée. C’est pourquoi je vous remercie de me dire, monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour remédier à cette situation dénoncée par deux hautes autorités.

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Vous avez tout à fait raison, madame la députée, de soulever le sujet des concessions autoroutières. Comme la Cour des comptes l’a en effet écrit en 2013, la privatisation des autoroutes engagée en 2005 a été une mauvaise affaire pour l’État. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été indiqués par la Cour des comptes, mais la mauvaise affaire a coûté plusieurs milliards d’euros. Plus récemment encore, l’Autorité de la concurrence, que vous citez également, a mis en évidence la « rentabilité exceptionnelle » des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui dégagent des profits qui représentent plus de 20 % de leur chiffre d’affaires, cette profitabilité ne se justifiant pas par un risque particulier ou par des investissements spécifiques.

Depuis deux ans, les pouvoirs publics ne se sont pas tenus à l’écart de ce problème et plusieurs décisions ont été prises, par le ministère de Ségolène Royal, comme par le ministère de l’économie. D’abord, des contrôles ont limité les hausses tarifaires : la hausse de 2014 a été limitée à 1,4 %, alors qu’elle était, en 2011 et 2012, de plus de 2 % chaque année. Ensuite, une augmentation de 100 millions d’euros de la redevance domaniale, soit une hausse de plus de 50 %, a été décidée en 2013.

Néanmoins, il faut aller plus loin. L’Autorité de la concurrence propose plusieurs pistes que Ségolène Royal et moi-même avons décidé de mettre à l’étude : la modification de la formule tarifaire, la mise en place d’une autorité indépendante pour évaluer le bien-fondé des travaux et des hausses tarifaires, des obligations de publicité et de concurrence dans les travaux menés par ces sociétés et, enfin, un rééquilibrage du modèle économique en faveur du concédant et des usagers. Aussi, dans les prochaines semaines, nous ferons au Premier ministre des propositions concrètes.

Le plan de relance que Ségolène Royal et moi-même portons au niveau européen est une bonne décision, car c’est une décision favorable à l’économie française, mais elle sera l’occasion de remettre à plat le modèle économique de ces concessions autoroutières dans le bon sens…

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