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Publié le Mercredi 10 Juillet 2013 par Mouvement Républicain et Citoyen

Non-cumul: pourquoi les députés du MRC ont voté contre



Le projet de loi de non-cumul des mandats a été adopté en 1ere lecture ce mardi 9 juillet à l'Assemblée. Les députés du MRC ont voté contre. Voici les explications de vote de Jean-Luc Laurent et Marie-Françoise Bechtel.


5 bonnes raisons de ne pas voter la loi sur le cumul des mandats (par Jean-Luc Laurent)

Non-cumul: pourquoi les députés du MRC ont voté contre
1. Le Parlement ne sera pas revalorisé

Il y a des députés cumulards très présents et des non-cumulards très absents: le critère du cumul ne permet pas de juger de l’implication des députés. Aujourd’hui le Parlement trouve plus difficilement encore sa place dans une 5ème République devenue hyper présidentielle. Revaloriser le rôle du Parlement nécessiterait d’abord de lui rendre des armes pour mieux légiférer, moins vite et contrôler fermement l’action du gouvernement. La Constitution de 1958 a donné à l’exécutif un arsenal lui permettant de gouverner et de légiférer sans le Parlement. Sans le supprimer, il faut commencer par réduire cet arsenal pour redonner sa place au Parlement. C'est exactement ce que ne fait pas le projet de loi qui s'attaque à la forme (le cumul) en laissant de côté le fond (rééquilibrer les relations entre l'exécutif et le législatif).

2. Mode de scrutin : les effets cachés

La réforme du quinquennat en 2000 devrait nous instruire sur les effets pas toujours souhaitables des réformes présentées comme « modernes ». Cette loi anti-cumul aura en fait deux conséquences : la réduction du nombre de députés et le passage au mode de scrutin proportionnel. La réduction du nombre de députés n'est pas un problème en soi mais cela éloignera le député des habitants (aujourd'hui un député pour 100 000 habitants en moyenne). Le maintien du mode de scrutin actuel (uninominal dans des circonscriptions à taille humaine) ne survivra pas à l’élimination des députés-maires : l’instauration de la proportionnelle sera inévitable. Ses promoteurs ne l’assument pas mais la loi va ainsi éloigner le député du citoyen.. Le mode de scrutin uninominal est aussi un facteur de respiration démocratique par rapport à l’emprise des partis et l’occasion de promouvoir des talents locaux.


3. Un bon député est un député indépendant

Aujourd’hui beaucoup de députés de la majorité vont voter ce texte par discipline et « parce qu’il le faut bien »: l’acte inaugural de cette réforme est l’exact inverse de ce que les citoyens attendent d’un bon député. Si les députés votaient librement, ils refuseraient ce texte qui va augmenter leur dépendance aux appareils politiques et au gouvernement. Le mandat local leur prend certes un peu de temps mais il augmente la liberté des députés. La figure du député-maire n’est pas un archaïsme mais au contraire un point d’équilibre entre l'indépendance des élus et la discipline de parti, entre le législatif et l’exécutif, entre le local et le national.

4. Une loi passoire

Pour essayer de rendre son projet acceptable, le gouvernement a repoussé son application à 2017 et n’a pas voulu aller au bout en proposant le mandat unique. Demain, il sera impossible d’être député-maire mais tout à fait possible d’être député-conseiller général et député-conseiller régional. C’est incohérent et les élections de 2015 donneront lieu à un transfert vers ces mandats en prévision de l'application de la loi 2017. On aura alors remplacé des centaines de députés-maires par des centaines de maires-conseillers généraux ou régionaux. Ce n'est pas un oubli mais une façon de rendre votable le texte en réunissant les 289 voix qui, au final, seront nécessaires pour adopter cette loi.
Par ailleurs, la loi contre le cumul, comme la loi transparence adoptée en juin, a laissé intactes les possibilités de cumul d’activités privées alors que, comme moi, de nombreux députés proposaient leur limitation.

5. Le député-maire est un bouc-émissaire


Au final, le député-maire ou le sénateur-maire sont les seuls visés par la loi. Aucune disposition ne limite le cumul des fonctions et des mandats locaux qui permet justement la constitution de ces bastions locaux. Au niveau national, les promoteurs du texte attendent un renforcement des parlementaires face à l’exécutif (Président de la République et Premier Ministre)…on attendra longtemps. La gauche après 1981 s’est glissée dans les institutions de la Cinquième République sans les comprendre et face aux déséquilibres, aggravés au fil du temps, on nous propose de sacrifier les députés-maires comme boucs-émissaires….d’affaiblir le député pour le renforcer. Aucun renouvellement du personnel politique n’est attendu car la loi n’aura pour résultat que d’accélérer circulation des mandats au sein du même monde politique. Au final, le non-cumul appauvrira l’offre politique (diversité des parcours, petits partis…) pour faire sortir les députés d’un moule unique.

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Une non cumularde en faveur du cumul : Pourquoi je n’ai pas voté le projet de loi interdisant le cumul des mandats (par Marie-Françoise Bechtel)

Non-cumul: pourquoi les députés du MRC ont voté contre
Ce projet de loi vise à interdire tout cumul entre les fonctions de député et celle d’exécutif local au sens large : maire et adjoints (étendu à l’intercommunalité), président et vice-président de conseil général et régional. S’y ajoute l’interdiction de cumuler avec toute présidence ou direction d’un établissement public local. Une interdiction que j’ai qualifiée de drastique devant le Ministre de l’intérieur venu défendre ce projet à la Commission des lois.

Cette interdiction drastique m’a paru, après réflexion, trop brutale. Je comprends la logique qui écarte du mandat de député le président d’un conseil général ou régional. Ces fonctions qui obligent à gérer de nombreuses politiques publiques sur un large territoire demandent une implication mal compatible avec la fonction d’élu national sauf à laisser très largement les pouvoirs de décision aux mains des services et des cabinets. Ce n’est pas un système satisfaisant. Et on peut dire la même chose, sans doute, des fonctions de maire d’une grande ville.

Mais il reste que de nombreux maires de cités petites ou moyennes représentent dans notre pays une figure originale qui apporte plus qu’elle ne retire à la démocratie. Fallait-il leur appliquer l’interdiction de cumuler ou, au moins, fallait-il le faire immédiatement sans évaluer les effets d’une loi qui aurait pu être une première étape ?

J’ai considéré après réflexion que les arguments « pour » et « contre » le non cumul total penchaient en faveur du « contre ».

1 – un renouvellement du paysage politique ?

Il est certes justifié d’encourager le renouvellement de la classe politique afin d’éviter que ne se créent et ne se renforcent des baronnies locales où le mandat parlementaire devient une fin en soi et non une fonction au service de l’intérêt général. En face de cela, il faut toutefois rappeler la défense éloquente que faisait Pierre Mauroy, un grand républicain, du député-maire : celle d’une formation d’élites venues d’en bas, du terrain, capables par l’expérience acquise dans le mandat local de contrebalancer efficacement une pensée plus uniforme venue des élites technocratiques.

2 – Mettre fin à une exception française injustifiée ?

En vérité, le cas français est original : par l’étendue de notre territoire, par sa variété, par la légitimité historiquement acquise par le maire nous ne pouvons nous comparer à d’autres pays et l’argument de l’ « exception française » à laquelle il faudrait mettre fin me semble vain. Chacun a en réalité son exception : en Allemagne les syndicats sont un puissant levier de détection et de formation des élites. Dans les pays anglo-saxons et, parfois, nordiques, c’est le terreau associatif qui nourrit celles-ci. En France, ce sont les fonctions municipales qui permettent souvent une véritable ascension sociale, permettant aux talents de s’exercer et de monter en puissance. Il faut y regarder à deux fois avant de tarir cette source.

3 – Un député à temps plein qui travaillerait mieux que celui qui est maire ou adjoint d’une commune ?

Ce n’est pas si sûr. Le député se fait mieux connaître dans sa circonscription s’il y dispose d’une base qui lui apporte des facilités de contact avec les électeurs. A l’inverse, celui qui ne dispose pas de cette base doit passer plus de temps à rencontrer, expliquer, et soutenir les projets du territoire sans parler même de la palette des moyens dont dispose l’élu local. De sorte que le temps libéré pour sa mission première –celle d’un élu national –, en bref le temps passé au Parlement, n’y gagne pas forcément et parfois bien au contraire.

4 –Un Parlement qui sortirait renforcé de cette réforme ?

C’est la question la plus importante. Mieux faire la loi, mieux exercer la fonction législative dans son ensemble ce serait mieux remplir le mandat donné par le peuple souverain. Une élue de la sensibilité républicaine qui est la mienne ne peut qu’être sensible à cet argument.

Malheureusement, ce qui dépossède aujourd’hui le député de son pouvoir, ce qui nuit à l’exercice de la fonction législative tout entière est sans lien avec l’exercice simultané de fonctions locales du moins lorsque celles-ci ne sont pas trop étendues. Plus redoutables sont les lobbies, ce termite invisible qui mine la société démocratique, plus nocive est l’absence de contrôle de la loi nationale sur les normes européennes qui lui échappent par le haut. A ces maux véritables qui corrodent le système, la réforme du non cumul n’apporte aucune réponse.


Et maintenant ?

Cette loi, quoi qu’on pense d’elle, sera votée. Il faut donc regarder vers l’avenir.

Deux réformes s’imposent, mais elles doivent être d’une ampleur suffisante :

1-au lieu de se limiter à un statut du parlementaire au sens strict, il faut lui donner les moyens de mieux se consacrer au travail législatif sans pour autant se couper du terrain. Or, ces moyens sont aujourd’hui très loin d’être suffisants : le député a en moyenne 3 collaborateurs en tout et pour tout quand le sénateur américain, qui exerce des fonctions comparables sans cumuler, dispose d’une équipe de 35 personnes. Il faudra bien un jour arriver à donner au député de vrais moyens pour agir, que ce soit sur son territoire ou dans le travail législatif lui-même. C’est un enjeu essentiel. La question du non cumul serait largement résolue si le député avait des moyens d’agir qui soient considérablement renforcés, fût-ce au prix d’une réforme réduisant le nombre des députés pour dégager les moyens nécessaires à un travail efficace.

2-au lieu de vouloir rénover le Parlement par un bricolage institutionnel avec quelque renforcement de pouvoirs ça et là, il faut une vraie révision constitutionnelle pour donner enfin au Parlement un véritable pourvoir de contrôle sur le droit européen. A cet égard, j’ai écouté attentivement les interventions de mes collègues du groupe majoritaire lors des débats sur le non-cumul des mandats : comme j’aurais aimé que ces interventions ferventes en faveur de la démocratie mettent la même ardeur à défendre la souveraineté du peuple français devant le grignotage par étapes venu d’un droit européen sans contrôle ! Voilà qui mériterait une réforme de notre Constitution. Et voilà qui rapprocherait vraiment les élus de nos concitoyens : c’est mon idée de la démocratie.

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Thierry Cotelle
Président du MRC
Conseiller régional d'Occitanie