Le 1er février est un jour important pour tous ceux qui s’intéressent du logement. Date anniversaire de l’appel fondateur de l’Abbé-Pierre contre le mal-logement en 1954, le 1er février est la date à laquelle, chaque année, la Fondation Abbé-Pierre rend son rapport annuel et offre ainsi un éclairage très documenté sur la situation du logement. La Fondation livre aussi une analyse acérée des politiques menées par les pouvoirs publics, en particulier l’Etat qui reste le seul responsable de la mise en œuvre du droit au logement.
Aujourd’hui, la politique du gouvernement peut se résumer à trois dispositifs :
* une mesure gadget : la maison à 15€
* une mesure de défiscalisation de l’investissement locatif : le « Scellier »
* un amortisseur social : les 3 milliards d’Euros d’aides à la personne.
Les « maisons à 15€ » sont l’illustration médiatique de la politique d’accession dite sociale à la propriété. Au contraire, le dispositif d’investissement locatif« Scellier » est une mesure fiscale très coûteuse qui permet de produire quelques dizaines de milliers de logements mal situés et aux loyers élevés. Les 5 milliards d’euros d’aides à la personne jouent leur rôle d’amortisseur en soutenant directement les ménages. Ces mesures forment une politique qui a sa cohérence mais qui ne créera pas de dynamique positive.
Avant l’été, le gouvernement a communiqué sur les modestes résultats de la « maison à 15€ ». Ce dispositif gadget consiste à vendre à des ménages endettés jusqu’à 40 ans des biens de qualité médiocre. Cette mesure est malheureusement au cœur de la politique gouvernementale qui donne la priorité à la mise en œuvre du slogan présidentiel, « la France des propriétaires ». Alors que le taux de propriétaires est aujourd’hui de 58%, il y aurait urgence à passer à 70%. Il est vrai que la France est en Europe dans une position intermédiaire…mais « très en retard » sur la Bulgarie et ses 98% de propriétaires. On reconnaît bien là, la marque de fabrique du « réformisme » sarkozyste alliant bataille idéologique et objectif chiffré absurde.
Avec la loi Boutin votée au printemps 2009, le gouvernement met sous pression le mouvement HLM le contraignant à vendre une partie du parc social et à construire des programmes d’accession à la propriété. Cette politique idéologique accompagne le retrait financier de l’Etat. Avec la Révision Générale des Politiques Publiques, la disparition des aides de l’Etat (« les aides à la pierre ») est programmée. La crise a un peu ralenti le processus mais on aurait tort de se féliciter d’un budget 2010 qui est simplement « moins pire que prévu » (480M€ au lieu de 350M€ prévus initialement mais contre 550M€ en 2009 et encore plus d’1 milliard en 2003).
Depuis 2007, le gouvernement a indiqué clairement la direction : demain le logement social devra fonctionner sans aide budgétaire de l’Etat à partir des loyers, du produit des ventes et de l’aide des collectivités locales qui sont invitées à payer. Une partie des milieux patronaux réfléchit même ouvertement à une marchandisation du parc social.
Dans ce paysage sinistre, l’Etat n’a pas complètement démissionné car il reste…le Conseil d’Etat qui a rendu public un travail important consacré au « droit du logement ». Se présentant comme un état juridique de la question, le rapport pointe toutes les questions que le gouvernement s’acharne à ignorer et invite à un renouveau de l’action publique.
Le financement du logement social
La première question est l’argent. Le rapport appelle un effort budgétaire public conséquent aux alentours de 2% du PIB à rebours du désengagement constant de l’Etat au cours des vingt dernières années. On a souvent lu cet appel sous la plume de la Fondation Abbé Pierre mais le renfort du conseil d’Etat est important. Bien que les collectivités locales, à l’image du conseil régional d’Ile-de-France, aient augmenté leur budget, l’effort collectif reste insuffisant. Contrairement à ce que pense le ministère, une politique du logement ne peut se faire sans argent…ou avec l’argent des autres (1%, bailleurs et collectivités locales). Le pillage du 1% au profit de l’ANRU est une mauvaise nouvelle qui compromet le financement du logement social et fragilise un instrument paritaire associant patronat et syndicats. Non seulement, L’Etat masque provisoirement son désengagement mais il assèche le système paritaire du 1%.
Logement social et décentralisation
Le rapport demande également une clarification de la gouvernance du logement. Le droit au logement est un droit fondamental dont l’Etat est le garant. La loi Dalo, initiative démagogique dans un contexte de crise de l’offre, prise par Jacques Chirac pour flatter les associations et endormir l’opinion pendant l’hiver 2006-2007, a rappelé cette évidence. L’Etat en tire pourtant la conclusion inverse en procédant au démantèlement de ses outils propres et en dispersant des bribes de compétences aux collectivités locales. Le Conseil d’Etat suggère que l’achèvement de la décentralisation se fasse au profit des intercommunalités et des départements « sauf en région parisienne où le niveau régional apparaît le seul pertinent ». La situation en Ile-de-France, par l’intensité de la crise comme par la densité urbaine, nécessite d’être traitée au bon niveau. Le Conseil d’Etat rejoint ainsi la revendication francilienne d’une autorité organisatrice travaillant à l’échelle régionale.
L’importance de la question foncière
La crise du logement est une crise de l’offre. Au milieu des années 70, décrétant question quantitative réglée, l’ensemble des acteurs a durablement freiné le rythme de construction. Avec le rapport Barre (1977), la droite a réorienté les financements vers les aides à la personne pour favoriser, déjà à l’époque, une politique d’accession à la propriété. La décentralisation a ensuite atomisé les responsabilités. Le droit des sols a été confié aux maires. Il est trop facile aujourd’hui de faire le procès de maires qui seraient frileux ou malthusiens alors que l’Etat n’a fixé ni cadre ni objectifs opérationnels et que les maires-bâtisseurs n’ont pas été accompagnés. Le laissez-faire a prévalu avec pour résultats un déficit de constructions accumulé sur vingt ans. Construire est devenu un problème et l’étalement urbain a progressé. L’inachèvement de la décentralisation et le désengagement de l’Etat ont conduit dans cette impasse. L’acte II de la décentralisation et les lois successives n’ont pas affronté cette question. L’Etat commence, avec la loi Boutin, à prendre, la mesure du problème mais sans apporter de réponses nettes. Aujourd’hui, on se perd encore entre les PLU, PLH, PDALPD et autres SCOT…élaborés par les différentes autorités locales sans aucune cohérence.
Répondre à la crise nécessite aussi des outils opérationnels. Le rapport du Conseil d’Etat souligne l’importance de la maîtrise du foncier par la collectivité publique et appelle à « la constitution d’établissements publics fonciers puissants et évitant leur fragmentation ». Le conseil régional d’Ile-de-France a obtenu la création d’un établissement public foncier régional qui, malheureusement, coexiste avec trois petits établissements départementaux dont la pertinence n’est que partisane.
Le foncier n’est pas rare, il est cher. Le foncier n’est pas une donnée brute, il faut le produire et cela demande du temps, de l’argent et du savoir-faire. C’est le travail des établissements publics fonciers qui ont la force de frappe financière et technique pour agir et anticiper. La vocation de l’action foncière n’est pas de constituer d’improbables réserves foncières à trente ans mais plutôt d’organiser, ici et maintenant, la mobilisation du foncier privé pour accompagner les projets locaux.
L’enjeu foncier est également fort en milieu périurbain et rural. La maison individuelle est une aspiration constante de nombreux Français. Malheureusement, les lotissements sont souvent mal conçus et mal reliés aux bourgs. Un établissement foncier a aussi l’expertise pour accompagner des projets plus qualitatifs, plus économes en foncier et ainsi concevoir les lotissements du 21ème siècle.
Développer le parc public
Le Conseil d’Etat affiche un grand scepticisme face à la priorité donnée à l’accession dite « sociale » à la propriété. Obsession présidentielle depuis 2007, l’accession à la propriété ne peut être l’objectif unique d’une politique logement cohérente en refusant de prendre en compte l’ensemble des aspects (parc privé/parc social, locataires/propriétaires…).
L’aspiration à l’accession est légitime et n’a rien de condamnable. La faute du gouvernement est de détourner le logement social de sa vocation et de l’asservir à un illusoire objectif, « La France des Propriétaires ». Il est vrai qu’avec la flambée des prix, la base sociale de l’accession a rétréci. Avec ses dispositifs d’aide, le gouvernement fait mine de répondre à quelques milliers de ménages en les solvabilisant avec le prêt à taux zéro ou le Pass-Foncier. Cette action n’a d’effets que marginaux alors qu’une volonté politique de discipliner le marché avec des outils d’interventions foncières et de renverser le rapport de force propriétaires/locataires en développant une offre locative accessible profiteraient à tous et favoriseraient indirectement l’accession à la propriété.
Dans la situation de crise du logement, qu’il ne faut pas confondre avec la crise immobilière, il est nécessaire de construire des logements sociaux nombreux et ouverts à tous (des ménages pauvres à la classe moyenne). Alors que la logique de la loi DALO pousse le logement social à se spécialiser, sur le modèle anglo-saxon, dans l’accueil exclusif des ménages pauvres et très pauvres, il faut défendre une conception plus large du parc HLM qui doit accueillir aussi les classes moyennes. Avant la récente baisse des plafonds opérés par le ministère, 70% de la population était éligible et cela n’avait rien d’aberrant. C’est au contraire une condition de la mixité sociale et de la viabilité du parc HLM et de son développement. On pourrait même envisager, comme certains pays nordiques, un accès universel au parc social avec un loyer qui prenne en compte les revenus des occupants sur un mode proportionnel ou progressif.
Plus qu’un outil social, le logement est irremplaçable pour l’aménagement pour sortir de la spécialisation territoriale et être indépendant des stratégies des promoteurs privés. Pour le développement durable, les bailleurs HLM sont aux avant-postes quand les promoteurs trainent les pieds.
Contre le misérabilisme et le tout-libéral qui marchent souvent la main dans la main, la République a besoin d’un parc de logements échappant à la logique marchande et accessible au plus grand nombre. Les bailleurs sociaux exercent une mission de service public et sont des partenaires indispensables de l’Etat, des collectivités locales, des entreprises et partenaires sociaux. Les affaiblir c’est se désarmer collectivement face au marché dont on a mesuré toutes les impasses au cours des vingt dernières années. Le débat sur le logement social tourne trop souvent autour des questions de l’hébergement des sans-abris ou de l’application de l’article 55 de la loi SRU…ce sont évidemment des sujets importants mais la sortie de crise appelle une réponse qui prenne en compte l’ensemble de la question du logement.
Aujourd’hui, la politique du gouvernement peut se résumer à trois dispositifs :
* une mesure gadget : la maison à 15€
* une mesure de défiscalisation de l’investissement locatif : le « Scellier »
* un amortisseur social : les 3 milliards d’Euros d’aides à la personne.
Les « maisons à 15€ » sont l’illustration médiatique de la politique d’accession dite sociale à la propriété. Au contraire, le dispositif d’investissement locatif« Scellier » est une mesure fiscale très coûteuse qui permet de produire quelques dizaines de milliers de logements mal situés et aux loyers élevés. Les 5 milliards d’euros d’aides à la personne jouent leur rôle d’amortisseur en soutenant directement les ménages. Ces mesures forment une politique qui a sa cohérence mais qui ne créera pas de dynamique positive.
Avant l’été, le gouvernement a communiqué sur les modestes résultats de la « maison à 15€ ». Ce dispositif gadget consiste à vendre à des ménages endettés jusqu’à 40 ans des biens de qualité médiocre. Cette mesure est malheureusement au cœur de la politique gouvernementale qui donne la priorité à la mise en œuvre du slogan présidentiel, « la France des propriétaires ». Alors que le taux de propriétaires est aujourd’hui de 58%, il y aurait urgence à passer à 70%. Il est vrai que la France est en Europe dans une position intermédiaire…mais « très en retard » sur la Bulgarie et ses 98% de propriétaires. On reconnaît bien là, la marque de fabrique du « réformisme » sarkozyste alliant bataille idéologique et objectif chiffré absurde.
Avec la loi Boutin votée au printemps 2009, le gouvernement met sous pression le mouvement HLM le contraignant à vendre une partie du parc social et à construire des programmes d’accession à la propriété. Cette politique idéologique accompagne le retrait financier de l’Etat. Avec la Révision Générale des Politiques Publiques, la disparition des aides de l’Etat (« les aides à la pierre ») est programmée. La crise a un peu ralenti le processus mais on aurait tort de se féliciter d’un budget 2010 qui est simplement « moins pire que prévu » (480M€ au lieu de 350M€ prévus initialement mais contre 550M€ en 2009 et encore plus d’1 milliard en 2003).
Depuis 2007, le gouvernement a indiqué clairement la direction : demain le logement social devra fonctionner sans aide budgétaire de l’Etat à partir des loyers, du produit des ventes et de l’aide des collectivités locales qui sont invitées à payer. Une partie des milieux patronaux réfléchit même ouvertement à une marchandisation du parc social.
Dans ce paysage sinistre, l’Etat n’a pas complètement démissionné car il reste…le Conseil d’Etat qui a rendu public un travail important consacré au « droit du logement ». Se présentant comme un état juridique de la question, le rapport pointe toutes les questions que le gouvernement s’acharne à ignorer et invite à un renouveau de l’action publique.
Le financement du logement social
La première question est l’argent. Le rapport appelle un effort budgétaire public conséquent aux alentours de 2% du PIB à rebours du désengagement constant de l’Etat au cours des vingt dernières années. On a souvent lu cet appel sous la plume de la Fondation Abbé Pierre mais le renfort du conseil d’Etat est important. Bien que les collectivités locales, à l’image du conseil régional d’Ile-de-France, aient augmenté leur budget, l’effort collectif reste insuffisant. Contrairement à ce que pense le ministère, une politique du logement ne peut se faire sans argent…ou avec l’argent des autres (1%, bailleurs et collectivités locales). Le pillage du 1% au profit de l’ANRU est une mauvaise nouvelle qui compromet le financement du logement social et fragilise un instrument paritaire associant patronat et syndicats. Non seulement, L’Etat masque provisoirement son désengagement mais il assèche le système paritaire du 1%.
Logement social et décentralisation
Le rapport demande également une clarification de la gouvernance du logement. Le droit au logement est un droit fondamental dont l’Etat est le garant. La loi Dalo, initiative démagogique dans un contexte de crise de l’offre, prise par Jacques Chirac pour flatter les associations et endormir l’opinion pendant l’hiver 2006-2007, a rappelé cette évidence. L’Etat en tire pourtant la conclusion inverse en procédant au démantèlement de ses outils propres et en dispersant des bribes de compétences aux collectivités locales. Le Conseil d’Etat suggère que l’achèvement de la décentralisation se fasse au profit des intercommunalités et des départements « sauf en région parisienne où le niveau régional apparaît le seul pertinent ». La situation en Ile-de-France, par l’intensité de la crise comme par la densité urbaine, nécessite d’être traitée au bon niveau. Le Conseil d’Etat rejoint ainsi la revendication francilienne d’une autorité organisatrice travaillant à l’échelle régionale.
L’importance de la question foncière
La crise du logement est une crise de l’offre. Au milieu des années 70, décrétant question quantitative réglée, l’ensemble des acteurs a durablement freiné le rythme de construction. Avec le rapport Barre (1977), la droite a réorienté les financements vers les aides à la personne pour favoriser, déjà à l’époque, une politique d’accession à la propriété. La décentralisation a ensuite atomisé les responsabilités. Le droit des sols a été confié aux maires. Il est trop facile aujourd’hui de faire le procès de maires qui seraient frileux ou malthusiens alors que l’Etat n’a fixé ni cadre ni objectifs opérationnels et que les maires-bâtisseurs n’ont pas été accompagnés. Le laissez-faire a prévalu avec pour résultats un déficit de constructions accumulé sur vingt ans. Construire est devenu un problème et l’étalement urbain a progressé. L’inachèvement de la décentralisation et le désengagement de l’Etat ont conduit dans cette impasse. L’acte II de la décentralisation et les lois successives n’ont pas affronté cette question. L’Etat commence, avec la loi Boutin, à prendre, la mesure du problème mais sans apporter de réponses nettes. Aujourd’hui, on se perd encore entre les PLU, PLH, PDALPD et autres SCOT…élaborés par les différentes autorités locales sans aucune cohérence.
Répondre à la crise nécessite aussi des outils opérationnels. Le rapport du Conseil d’Etat souligne l’importance de la maîtrise du foncier par la collectivité publique et appelle à « la constitution d’établissements publics fonciers puissants et évitant leur fragmentation ». Le conseil régional d’Ile-de-France a obtenu la création d’un établissement public foncier régional qui, malheureusement, coexiste avec trois petits établissements départementaux dont la pertinence n’est que partisane.
Le foncier n’est pas rare, il est cher. Le foncier n’est pas une donnée brute, il faut le produire et cela demande du temps, de l’argent et du savoir-faire. C’est le travail des établissements publics fonciers qui ont la force de frappe financière et technique pour agir et anticiper. La vocation de l’action foncière n’est pas de constituer d’improbables réserves foncières à trente ans mais plutôt d’organiser, ici et maintenant, la mobilisation du foncier privé pour accompagner les projets locaux.
L’enjeu foncier est également fort en milieu périurbain et rural. La maison individuelle est une aspiration constante de nombreux Français. Malheureusement, les lotissements sont souvent mal conçus et mal reliés aux bourgs. Un établissement foncier a aussi l’expertise pour accompagner des projets plus qualitatifs, plus économes en foncier et ainsi concevoir les lotissements du 21ème siècle.
Développer le parc public
Le Conseil d’Etat affiche un grand scepticisme face à la priorité donnée à l’accession dite « sociale » à la propriété. Obsession présidentielle depuis 2007, l’accession à la propriété ne peut être l’objectif unique d’une politique logement cohérente en refusant de prendre en compte l’ensemble des aspects (parc privé/parc social, locataires/propriétaires…).
L’aspiration à l’accession est légitime et n’a rien de condamnable. La faute du gouvernement est de détourner le logement social de sa vocation et de l’asservir à un illusoire objectif, « La France des Propriétaires ». Il est vrai qu’avec la flambée des prix, la base sociale de l’accession a rétréci. Avec ses dispositifs d’aide, le gouvernement fait mine de répondre à quelques milliers de ménages en les solvabilisant avec le prêt à taux zéro ou le Pass-Foncier. Cette action n’a d’effets que marginaux alors qu’une volonté politique de discipliner le marché avec des outils d’interventions foncières et de renverser le rapport de force propriétaires/locataires en développant une offre locative accessible profiteraient à tous et favoriseraient indirectement l’accession à la propriété.
Dans la situation de crise du logement, qu’il ne faut pas confondre avec la crise immobilière, il est nécessaire de construire des logements sociaux nombreux et ouverts à tous (des ménages pauvres à la classe moyenne). Alors que la logique de la loi DALO pousse le logement social à se spécialiser, sur le modèle anglo-saxon, dans l’accueil exclusif des ménages pauvres et très pauvres, il faut défendre une conception plus large du parc HLM qui doit accueillir aussi les classes moyennes. Avant la récente baisse des plafonds opérés par le ministère, 70% de la population était éligible et cela n’avait rien d’aberrant. C’est au contraire une condition de la mixité sociale et de la viabilité du parc HLM et de son développement. On pourrait même envisager, comme certains pays nordiques, un accès universel au parc social avec un loyer qui prenne en compte les revenus des occupants sur un mode proportionnel ou progressif.
Plus qu’un outil social, le logement est irremplaçable pour l’aménagement pour sortir de la spécialisation territoriale et être indépendant des stratégies des promoteurs privés. Pour le développement durable, les bailleurs HLM sont aux avant-postes quand les promoteurs trainent les pieds.
Contre le misérabilisme et le tout-libéral qui marchent souvent la main dans la main, la République a besoin d’un parc de logements échappant à la logique marchande et accessible au plus grand nombre. Les bailleurs sociaux exercent une mission de service public et sont des partenaires indispensables de l’Etat, des collectivités locales, des entreprises et partenaires sociaux. Les affaiblir c’est se désarmer collectivement face au marché dont on a mesuré toutes les impasses au cours des vingt dernières années. Le débat sur le logement social tourne trop souvent autour des questions de l’hébergement des sans-abris ou de l’application de l’article 55 de la loi SRU…ce sont évidemment des sujets importants mais la sortie de crise appelle une réponse qui prenne en compte l’ensemble de la question du logement.