Une délégation du MRC s'est rendue à Athènes pendant plusieurs jours. Pourquoi était-ce important pour le MRC d'être présent, sur place, à l'occasion de ce référendum ?
Notre présence était importante à plus d'un titre. D'abord, il est clair que la crise grecque dépasse de loin le cadre de la nation grecque : elle concerne l'Europe entière et fait écho à des thèmes qui nous sont chers, au MRC : souveraineté nationale et populaire, Europe et monnaie unique, redistribution des richesses, justice fiscale.
Ensuite, le choix d'Alexis Tsipras d'organiser un référendum sur le projet d'accord avec les créanciers promettait d'être un grand rendez-vous. Ce référendum signifiait le retour de la politique en Europe, c'est à dire le retour sur le terrain d'un arbitre incontestable : la volonté populaire. Souvent malmenée, parfois piétinée par le passé par ceux-là même qui ont reçu mandat des peuples, cette fois un gouvernement décidait de s'en remettre aux citoyens – remettant d'une façon toute gaullienne son mandat en jeu.
Par ailleurs, ce déplacement était aussi l'occasion pour le MRC de nouer des liens avec Syriza et avec d'autres organisations politiques européennes avec lesquelles nous avons des convergences politiques.
Enfin, nous souhaitions être en prise directe avec les événements pour ne pas nous contenter du récit qui nous est imposé ici. Cela a permis de prendre la mesure précise de l'intoxication grossière dont nous sommes victimes dans la plupart des canaux officiels.
Quelles observations avez-vous vu pu faire à partir du terrain, concernant notamment l'état du pays et également de l'opinion publique grecque ?
Ce qui apparaît d'emblée, c'est le contraste saisissant entre la sérénité de la population grecque, son sang-froid, son haut niveau de conscience politique des enjeux, et la situation objectivement désastreuse du pays. Nous n'avons observé aucune scène de panique malgré des circonstances très préoccupantes : banques fermées, restriction des retraits d'espèces, services publics réduits, infrastructures manquant d'entretien, activité commerciale effondrée. A l'omniprésence de la crise et de ses effets, le peuple grec lui oppose une remarquable dignité.
Ce constat rend d'autant plus abominables les pressions de la BCE visant à mettre à genoux un pays déjà exsangue. Au reste, on ne peut que constater l'inefficacité de cette stratégie du pire. La position des institutions européennes a été vécue comme une tentative d'humiliation qui a renforcé le soutien populaire dont a bénéficié Tsipras.
Notre présence était importante à plus d'un titre. D'abord, il est clair que la crise grecque dépasse de loin le cadre de la nation grecque : elle concerne l'Europe entière et fait écho à des thèmes qui nous sont chers, au MRC : souveraineté nationale et populaire, Europe et monnaie unique, redistribution des richesses, justice fiscale.
Ensuite, le choix d'Alexis Tsipras d'organiser un référendum sur le projet d'accord avec les créanciers promettait d'être un grand rendez-vous. Ce référendum signifiait le retour de la politique en Europe, c'est à dire le retour sur le terrain d'un arbitre incontestable : la volonté populaire. Souvent malmenée, parfois piétinée par le passé par ceux-là même qui ont reçu mandat des peuples, cette fois un gouvernement décidait de s'en remettre aux citoyens – remettant d'une façon toute gaullienne son mandat en jeu.
Par ailleurs, ce déplacement était aussi l'occasion pour le MRC de nouer des liens avec Syriza et avec d'autres organisations politiques européennes avec lesquelles nous avons des convergences politiques.
Enfin, nous souhaitions être en prise directe avec les événements pour ne pas nous contenter du récit qui nous est imposé ici. Cela a permis de prendre la mesure précise de l'intoxication grossière dont nous sommes victimes dans la plupart des canaux officiels.
Quelles observations avez-vous vu pu faire à partir du terrain, concernant notamment l'état du pays et également de l'opinion publique grecque ?
Ce qui apparaît d'emblée, c'est le contraste saisissant entre la sérénité de la population grecque, son sang-froid, son haut niveau de conscience politique des enjeux, et la situation objectivement désastreuse du pays. Nous n'avons observé aucune scène de panique malgré des circonstances très préoccupantes : banques fermées, restriction des retraits d'espèces, services publics réduits, infrastructures manquant d'entretien, activité commerciale effondrée. A l'omniprésence de la crise et de ses effets, le peuple grec lui oppose une remarquable dignité.
Ce constat rend d'autant plus abominables les pressions de la BCE visant à mettre à genoux un pays déjà exsangue. Au reste, on ne peut que constater l'inefficacité de cette stratégie du pire. La position des institutions européennes a été vécue comme une tentative d'humiliation qui a renforcé le soutien populaire dont a bénéficié Tsipras.
Quelles ont été vos différentes activités lors de vos passages successifs au siège national de Syriza ?
Le premier contact avec les dirigeants de Syriza a été instantanément chaleureux. Il s'est avéré d'autant meilleur que le soutien du MRC venait du pays dont ils attendent le plus, la France. Dans les faits, et à notre grande surprise, nous étions la seule organisation politique française officiellement représentée.
Le jour de notre arrivée, nous avons eu un premier entretien d'environ 1h15 avec Yiannis Burnous, responsable des relations internationales de Syriza. Cette discussion nous a permis de connaître les enjeux réels de la négociation avec l'Eurogroupe, au-delà des versions officielles retranscrites dans les médias. Nous avons aussi pu prendre la mesure d'un rapport de force qui s'avère profondément politique. Il nous a fait part de la motivation qui anime leur équipe de négociation et des événements qui ont jalonnés le processus : les tentatives de déstabilisation de Tsipras, les enjeux inavouables et les intérêts parfois très prosaïques des allemands. Mais ce qui leur a permis de tenir le cap malgré les pressions multiples, c'est l'obsédante fidélité au peuple grec dont procède le gouvernement. Il y a manifestement chez Syriza une conscience aiguë que le pouvoir n'est effectif que s'il est affermi par le soutien populaire.
Le matin du scrutin nous avons eu un second entretien, mais cette fois avec Tasos Koronakis, Secrétaire général de Syriza, et membre de l'équipe de négociation, en présence de l'ensemble des délégations européennes (italiens, danois, irlandais, espagnols, portugais).
Nous sommes revenus ensuite en fin d'après-midi pour vivre la soirée électorale au quartier général de Syriza. Les premiers indicateurs ont été rendus publics vers 19h : sondages de la veille auxquels on ne pouvait tout à fait croire. Des indiscrétions nous sont communiquées un peu plus tard et confirment une victoire plus large. Au fur et à mesure du dépouillement, une victoire de plus en plus nette se dessine, suscitant une réelle euphorie.
Le premier contact avec les dirigeants de Syriza a été instantanément chaleureux. Il s'est avéré d'autant meilleur que le soutien du MRC venait du pays dont ils attendent le plus, la France. Dans les faits, et à notre grande surprise, nous étions la seule organisation politique française officiellement représentée.
Le jour de notre arrivée, nous avons eu un premier entretien d'environ 1h15 avec Yiannis Burnous, responsable des relations internationales de Syriza. Cette discussion nous a permis de connaître les enjeux réels de la négociation avec l'Eurogroupe, au-delà des versions officielles retranscrites dans les médias. Nous avons aussi pu prendre la mesure d'un rapport de force qui s'avère profondément politique. Il nous a fait part de la motivation qui anime leur équipe de négociation et des événements qui ont jalonnés le processus : les tentatives de déstabilisation de Tsipras, les enjeux inavouables et les intérêts parfois très prosaïques des allemands. Mais ce qui leur a permis de tenir le cap malgré les pressions multiples, c'est l'obsédante fidélité au peuple grec dont procède le gouvernement. Il y a manifestement chez Syriza une conscience aiguë que le pouvoir n'est effectif que s'il est affermi par le soutien populaire.
Le matin du scrutin nous avons eu un second entretien, mais cette fois avec Tasos Koronakis, Secrétaire général de Syriza, et membre de l'équipe de négociation, en présence de l'ensemble des délégations européennes (italiens, danois, irlandais, espagnols, portugais).
Nous sommes revenus ensuite en fin d'après-midi pour vivre la soirée électorale au quartier général de Syriza. Les premiers indicateurs ont été rendus publics vers 19h : sondages de la veille auxquels on ne pouvait tout à fait croire. Des indiscrétions nous sont communiquées un peu plus tard et confirment une victoire plus large. Au fur et à mesure du dépouillement, une victoire de plus en plus nette se dessine, suscitant une réelle euphorie.
Pensez-vous que les relations entre les deux organisations peuvent s'établir de façon durable, et si oui, sur quelle base ?
Les relations se sont engagées spontanément, naturellement, encouragées par des convergences politiques de fond qui se sont vérifiées rapidement.
Cette rencontre a été très instructive car elle nous a permis de démythifier Syriza. Ce mouvement se positionne indubitablement comme une formation gauche radicale au sens où elle engage une rupture claire avec la sociale-démocratie, tant dans les orientations que dans la pratique politique. Mais cela ne fait pas pour autant de Syriza un mouvement gauchiste ou crypto-communiste.
Les dirigeants que nous avons rencontrés sont des acteurs politiques raisonnables, qui font preuve d’un réalisme politique certain. Syriza joue son rôle de parti au pouvoir : c’est une courroie de transmission entre le gouvernement dont il est le carburant et le peuple dont il est l’émanation.
Syriza a réussi à organiser le mouvement d’en bas, issu de la société. Sans doute, il peut constituer une source d'inspiration, mais il faut prendre garde à la tentation du mimétisme. Syriza reste une réalité singulière, comme l'est Podemos en Espagne. C'est le fruit d'une histoire nationale qui n’est probablement pas reproductible comme tel.
Les premières relations s'avèrent très encourageantes pour l’avenir. Ils semblent désireux de poursuivre le dialogue. On peut imaginer que cela se concrétisera sous d'autres formes dans les mois qui viennent.
Les relations se sont engagées spontanément, naturellement, encouragées par des convergences politiques de fond qui se sont vérifiées rapidement.
Cette rencontre a été très instructive car elle nous a permis de démythifier Syriza. Ce mouvement se positionne indubitablement comme une formation gauche radicale au sens où elle engage une rupture claire avec la sociale-démocratie, tant dans les orientations que dans la pratique politique. Mais cela ne fait pas pour autant de Syriza un mouvement gauchiste ou crypto-communiste.
Les dirigeants que nous avons rencontrés sont des acteurs politiques raisonnables, qui font preuve d’un réalisme politique certain. Syriza joue son rôle de parti au pouvoir : c’est une courroie de transmission entre le gouvernement dont il est le carburant et le peuple dont il est l’émanation.
Syriza a réussi à organiser le mouvement d’en bas, issu de la société. Sans doute, il peut constituer une source d'inspiration, mais il faut prendre garde à la tentation du mimétisme. Syriza reste une réalité singulière, comme l'est Podemos en Espagne. C'est le fruit d'une histoire nationale qui n’est probablement pas reproductible comme tel.
Les premières relations s'avèrent très encourageantes pour l’avenir. Ils semblent désireux de poursuivre le dialogue. On peut imaginer que cela se concrétisera sous d'autres formes dans les mois qui viennent.
La délégation du MRC était en tête de cortège à Athènes au soir de la victoire du « non », comment les Grecs vous ont-ils accueillis?
Une fois les résultats connus, la décision a été prise au siège de Syriza de rejoindre la place Syntagma et la population qui avait déjà commencé à s’y masser. Nous nous sommes donc mis en route avec les cadres du parti et les délégations étrangères, derrière une banderole « gauche européenne ». Très vite nous avons été rejoints par plusieurs ministres : Intérieur, éducation notamment.
Plus nous nous approchions de la place, plus l’accueil se faisait chaleureux : les applaudissements et les accolades se multipliaient, exprimant une reconnaissance de la population à la fois envers Syriza, et donc le gouvernement, et les délégations étrangères, vues comme un soutien international à son combat.
Une fois arrivée sur place, nous avons été frappés par l’euphorie qui régnait et par la grande fierté collective d’avoir résisté aux pressions extérieures pour affirmer leur volonté.
Racontez-nous ce moment d'émotion sur la place Syntagma, partagé avec le peuple grec qui s'y était rassemblé.
On a ressenti qu’une page d’histoire était en train de s’écrire pour la Grèce, mais aussi plus largement, pour l’Europe. La fierté des Grecs et leur instinct de résistance étaient en un sens inversement proportionnels aux tentatives d’humiliation et d’ingérence qu’ils ont subi ces dernières années. Il y avait probablement une chose plus simple encore que la reconquête de la souveraineté : la reconquête d’une dignité commune. Un peuple affirmait son existence et formulait ses espoirs.
Cette ferveur était d’autant plus émouvante qu’une telle victoire du non était inattendue : c'était un plaisir de partager ce beau moment politique avec des milliers de jeunes grecs heureux de ce dénouement.
Il faut insister aussi sur la dimension générationnelle du phénomène. La population rassemblée sur la place Syntagma était extrêmement jeune. La plupart d’entre eux avaient moins de 30 ans. Au lendemain du scrutin d’ailleurs, une étude a confirmé que 80% des moins de 25 ans ont voté en faveur du Non. La jeunesse a donné la tonalité de la soirée avec une énergie et un enthousiasme particulièrement communicatifs. C’était une manifestation de libération mais tout autant une cérémonie libératoire.
Une fois les résultats connus, la décision a été prise au siège de Syriza de rejoindre la place Syntagma et la population qui avait déjà commencé à s’y masser. Nous nous sommes donc mis en route avec les cadres du parti et les délégations étrangères, derrière une banderole « gauche européenne ». Très vite nous avons été rejoints par plusieurs ministres : Intérieur, éducation notamment.
Plus nous nous approchions de la place, plus l’accueil se faisait chaleureux : les applaudissements et les accolades se multipliaient, exprimant une reconnaissance de la population à la fois envers Syriza, et donc le gouvernement, et les délégations étrangères, vues comme un soutien international à son combat.
Une fois arrivée sur place, nous avons été frappés par l’euphorie qui régnait et par la grande fierté collective d’avoir résisté aux pressions extérieures pour affirmer leur volonté.
Racontez-nous ce moment d'émotion sur la place Syntagma, partagé avec le peuple grec qui s'y était rassemblé.
On a ressenti qu’une page d’histoire était en train de s’écrire pour la Grèce, mais aussi plus largement, pour l’Europe. La fierté des Grecs et leur instinct de résistance étaient en un sens inversement proportionnels aux tentatives d’humiliation et d’ingérence qu’ils ont subi ces dernières années. Il y avait probablement une chose plus simple encore que la reconquête de la souveraineté : la reconquête d’une dignité commune. Un peuple affirmait son existence et formulait ses espoirs.
Cette ferveur était d’autant plus émouvante qu’une telle victoire du non était inattendue : c'était un plaisir de partager ce beau moment politique avec des milliers de jeunes grecs heureux de ce dénouement.
Il faut insister aussi sur la dimension générationnelle du phénomène. La population rassemblée sur la place Syntagma était extrêmement jeune. La plupart d’entre eux avaient moins de 30 ans. Au lendemain du scrutin d’ailleurs, une étude a confirmé que 80% des moins de 25 ans ont voté en faveur du Non. La jeunesse a donné la tonalité de la soirée avec une énergie et un enthousiasme particulièrement communicatifs. C’était une manifestation de libération mais tout autant une cérémonie libératoire.
D'après vous, qu'est-ce qui explique ce « non » massif, et que personne n'attendait, au référendum grec ?
L’ampleur du score peut s’expliquer par quatre phénomènes. C’était en premier lieu le rejet de nouvelles mesures d’austérité dont les Grecs ont appris concrètement ce qu’elles impliquaient : des sacrifices supplémentaires. Or, ils étaient d’autant plus enclins à les refuser que ceux consentis ces dernières années n’ont eu aucun résultat qui aurait pu en compenser les souffrances. Les lendemains ont sans cesse été plus difficiles. Le vote Oui n’offrait en ce sens aucune perspective nouvelle.
Le vote Non a bénéficié ensuite d’une campagne de « publicité » involontaire orchestrée par les institutions européennes (BCE, Allemagne, FMI, Commission européenne, etc…). Plus les acteurs étrangers intervenaient dans le débat grec, plus les Grecs radicalisaient leur expression à travers un réflexe d’insoumission. Juncker, Schauble ou Merkel ont probablement été les promoteurs les plus efficaces du vote Non.
Le refus de l’accord proposé par les créanciers était tout entier tourné vers l’Europe. C’est-à-dire l’exact contraire de ce que prétendaient les partisans du Oui. Le Non n’était pas un vote de défiance à l’égard de la solidarité européenne, c’était un vote de demande de solidarité.
Enfin, l’engagement total de Tsipras dans ce référendum a pesé lourd. Au-delà des considérations économiques et sociales, il inspire confiance aux Grecs. Sa droiture et son intégrité sont reconnus, y compris par ses opposants. Sa pratique du pouvoir met un terme à des décennies de corruption incarnées par les dynasties qui se sont succédées depuis la chute de la dictature des colonels.
En somme, le vote des Grecs était un vote de dignité : dignité démocratique contre la volonté des créanciers de faire tomber le gouvernement élu, dignité de vivre de son travail et d'être maître de ses choix économiques, dignité d'un peuple contre les humiliations répétées des institutions.
Les Grecs attendent-ils quelque chose de la France ? Si oui, quoi ?
La France a un rôle pivot dans l’esprit des dirigeants de Syriza. Ils attendent d’elle qu’elle s’engage dans les négociations face à une Allemagne inflexible et une Italie jugée peu fiable. Mais jusqu’ici la déception est forte : les Grecs ont le sentiment que François Hollande est aux abonnés absents et ne cherche qu’à modérer les ardeurs allemandes sans prendre de position claire.
La Grèce est menacée de prendre la porte, contre sa volonté et se sent isolée. Après le refus de renégocier le TSCG, le mandat de François Hollande risque de passer à côté de l’histoire.
Quelle est la position de Syriza sur l’euro ? Comment envisagent la question de la monnaie unique ?
Nous les avons interrogés clairement sur la question. Ils nous ont répondu sans ambiguïté qu’ils ne souhaitaient pas remettre en cause leur appartenance à l’euro. Leur plan A est de confirmer la présence de la Grèce dans la zone et de sortir de l’ornière par la restructuration de la dette. La sortie est un plan B difficilement avouable. S’ils n’ont pas d’autre possibilité, ils ne reculeront pas. « Ce ne sera pas leur choix » mais « Ils ne mourront pas pour l'euro ».
Quant à leur vision de l’Europe, elle est marquée par une formule : « change the balance of power », c’est-à-dire changer l’équilibre des puissances plutôt que de mener une course effrénée et sans fin à la compétitivité via la dévaluation interne comme monétaire. C’est ce message qu’ils portent en priorité.
L’ampleur du score peut s’expliquer par quatre phénomènes. C’était en premier lieu le rejet de nouvelles mesures d’austérité dont les Grecs ont appris concrètement ce qu’elles impliquaient : des sacrifices supplémentaires. Or, ils étaient d’autant plus enclins à les refuser que ceux consentis ces dernières années n’ont eu aucun résultat qui aurait pu en compenser les souffrances. Les lendemains ont sans cesse été plus difficiles. Le vote Oui n’offrait en ce sens aucune perspective nouvelle.
Le vote Non a bénéficié ensuite d’une campagne de « publicité » involontaire orchestrée par les institutions européennes (BCE, Allemagne, FMI, Commission européenne, etc…). Plus les acteurs étrangers intervenaient dans le débat grec, plus les Grecs radicalisaient leur expression à travers un réflexe d’insoumission. Juncker, Schauble ou Merkel ont probablement été les promoteurs les plus efficaces du vote Non.
Le refus de l’accord proposé par les créanciers était tout entier tourné vers l’Europe. C’est-à-dire l’exact contraire de ce que prétendaient les partisans du Oui. Le Non n’était pas un vote de défiance à l’égard de la solidarité européenne, c’était un vote de demande de solidarité.
Enfin, l’engagement total de Tsipras dans ce référendum a pesé lourd. Au-delà des considérations économiques et sociales, il inspire confiance aux Grecs. Sa droiture et son intégrité sont reconnus, y compris par ses opposants. Sa pratique du pouvoir met un terme à des décennies de corruption incarnées par les dynasties qui se sont succédées depuis la chute de la dictature des colonels.
En somme, le vote des Grecs était un vote de dignité : dignité démocratique contre la volonté des créanciers de faire tomber le gouvernement élu, dignité de vivre de son travail et d'être maître de ses choix économiques, dignité d'un peuple contre les humiliations répétées des institutions.
Les Grecs attendent-ils quelque chose de la France ? Si oui, quoi ?
La France a un rôle pivot dans l’esprit des dirigeants de Syriza. Ils attendent d’elle qu’elle s’engage dans les négociations face à une Allemagne inflexible et une Italie jugée peu fiable. Mais jusqu’ici la déception est forte : les Grecs ont le sentiment que François Hollande est aux abonnés absents et ne cherche qu’à modérer les ardeurs allemandes sans prendre de position claire.
La Grèce est menacée de prendre la porte, contre sa volonté et se sent isolée. Après le refus de renégocier le TSCG, le mandat de François Hollande risque de passer à côté de l’histoire.
Quelle est la position de Syriza sur l’euro ? Comment envisagent la question de la monnaie unique ?
Nous les avons interrogés clairement sur la question. Ils nous ont répondu sans ambiguïté qu’ils ne souhaitaient pas remettre en cause leur appartenance à l’euro. Leur plan A est de confirmer la présence de la Grèce dans la zone et de sortir de l’ornière par la restructuration de la dette. La sortie est un plan B difficilement avouable. S’ils n’ont pas d’autre possibilité, ils ne reculeront pas. « Ce ne sera pas leur choix » mais « Ils ne mourront pas pour l'euro ».
Quant à leur vision de l’Europe, elle est marquée par une formule : « change the balance of power », c’est-à-dire changer l’équilibre des puissances plutôt que de mener une course effrénée et sans fin à la compétitivité via la dévaluation interne comme monétaire. C’est ce message qu’ils portent en priorité.