La question du travail fait à nouveau surface de façon importante dans les débats à gauche et je ne peux que m’en réjouir. Pour preuve, le dernier colloque organisé à l’Assemblée Nationale par le groupe Socialiste, Radical, sur la souffrance au travail, suicide, stress et les risques psycho-sociaux, le 22 juin dernier. Il faut être en mesure d'aborder frontalement des questions comme celle du travail et de la nature de celui-ci. Cette réflexion doit être théorique et idéologique. Car le travail est fondamentalement une question politique.
En effet en condamnant toute référence au marxisme suite à l'effondrement du Mur de Berlin en 1989, on a voulu nous faire croire que la question du travail et de son analyse, voire de sa critique, disparaissait en même temps que s'effondrait le monde soviétique.
Or la question préexiste à la réponse et même si celle-ci ne convient pas, il n'en demeure pas moins que le questionnement perdure. Derrière la question du travail, c'est aussi celle des moyens de production: production des biens, des services, de la plus-value et de sa répartition, de la richesse et de l'utilité sociale de cet ensemble à laquelle il faut répondre. Mais aussi de son organisation et de la question de l’émancipation.
L'une des grandes difficultés, c'est que la question du travail a été évacuée de la centralité des débats jusqu’à très récemment. Elle n'était plus restée apparente que sous la forme d'un phénomène à gérer et non plus comme un objet irréductiblement contradictoire avec les objectifs d'une société capitaliste se transformant elle-même dans le cadre de la globalisation financière, en particulier dans la mesure où en 1983, le « tournant de la rigueur » renversait les priorités.
Or cette question est consubstantielle à ce qui fonde la gauche. Cette mise à la marge idéologique, théorique, philosophique ne pouvait avoir comme conséquence que la mise à la marge sociale et politique de celles et ceux qui étaient le sujet et les acteurs de cette réflexion : les salariés.
Le travail n’était plus un outil de lutte, un levier dans un rapport de force, il était transformé en marchandise, comme une autre dans la mondialisation financière.
Renoncer à penser le travail comme objet philosophique, social et politique, dans la société "libérale européenne", c'est abandonner ceux qui n'ont que ce moyen à leur disposition pour vivre et les livrer aux forces qui les dominent et les destiner à la relégation. L'éloignement des milieux populaires s'inscrit donc fort logiquement dans cette perspective.
Cette question du travail doit être une interrogation majeure.
Qu'est ce que le travail aujourd'hui ? Quelles sont ses formes, quel sens lui donner dans une société de libre échange où il est lui-même une marchandise ? Qu'en est-il de sa rémunération ? Qu'est ce que le travail salarié aujourd'hui ? Quel impact des systèmes de management contemporain sur la nature du travail, sur les souffrances qu'il génère ? Quelle part le travail peut-il encore avoir dans la structuration du monde à l'heure des délocalisations massives, de la liberté totale de circulation des capitaux et du chômage de masse ? Quelle est la nature des relations qui existe aujourd'hui entre le travail, la production, la propriété des moyens de production, la plus-value, les profits, la propriété des capitaux ?
Voilà les questions qui doivent faire débat.
La situation des salariés n'a plus rien à voir avec ce qu'a pu connaître leurs aînés. Précarité, temps partiel, horaires décalés, remise en cause des statuts, remise en cause de l'ensemble des droits liés au travail...La liste est longue. Or le travail produit du droit et pas seulement des biens ou de l'argent. Produisant du droit et des devoirs liés à son utilité sociale.
Cependant, il nous faut bien renouer avec certaines interrogations qui semblent essentielles. Le travail pour quoi faire? Pour gagner sa vie, élever sa famille, progresser, être utile, indépendant. Ce sont des réalités. Mais c'est aussi transformer le monde, produire de la richesse, du lien social, de l'identité. Le travail peut-il être le moyen de ma liberté ou n'est-il que l'outil de mon asservissement ? Car les questions du travail, de la production des richesses et des biens qui en découlent, sont en relation étroite avec l'organisation sociale et politique de la société dans laquelle tout cela évolue.
Il convient donc de savoir où nous en sommes de la réflexion sur cette question précise du lien entre le travail et la question sociale. Où en sommes-nous de la réflexion sur les systèmes de domination qui existent dans notre société ? Quelle analyse en faisons-nous ? Comment définissons-nous aujourd'hui un système de domination ? Par rapport à quoi ? Quelles sont aujourd'hui les aliénations auxquelles nous sommes confrontées, comment sont-elles organisées. La liberté se définit-elle uniquement dans la capacité de consommer ? Des biens matériels comme des biens symboliques (je pense à la revendication illimitée de "droits" nouveaux qui ne s'adressent qu'à des "catégories" de population). Dès lors quel projet émancipateur proposer aux salariés qui prennent en compte ces questions sur lesquelles il faut travailler ? L'utopie émancipatrice est-elle encore d'actualité ou faut-il se résigner au triomphe du libéralisme économique ? Dès lors dans quel cadre politique organiser cette réponse et offrir cette perspective qui intéressera beaucoup d'ouvriers et de salariés ?
Voilà les questions qui doivent faire débat.
Car il faut avoir une vision précise de ces questions pour bâtir des propositions qui ne relèvent pas simplement de « l'organisation » mais de la « transformation » sociale. Notre ambition doit être à ce niveau là. Ce qui pose nécessairement la question de l'action collective, de l'organisation politique de la gauche, de sa perception et de sa conception de l'Etat aujourd'hui.
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source : Marianne2.fr
En effet en condamnant toute référence au marxisme suite à l'effondrement du Mur de Berlin en 1989, on a voulu nous faire croire que la question du travail et de son analyse, voire de sa critique, disparaissait en même temps que s'effondrait le monde soviétique.
Or la question préexiste à la réponse et même si celle-ci ne convient pas, il n'en demeure pas moins que le questionnement perdure. Derrière la question du travail, c'est aussi celle des moyens de production: production des biens, des services, de la plus-value et de sa répartition, de la richesse et de l'utilité sociale de cet ensemble à laquelle il faut répondre. Mais aussi de son organisation et de la question de l’émancipation.
L'une des grandes difficultés, c'est que la question du travail a été évacuée de la centralité des débats jusqu’à très récemment. Elle n'était plus restée apparente que sous la forme d'un phénomène à gérer et non plus comme un objet irréductiblement contradictoire avec les objectifs d'une société capitaliste se transformant elle-même dans le cadre de la globalisation financière, en particulier dans la mesure où en 1983, le « tournant de la rigueur » renversait les priorités.
Or cette question est consubstantielle à ce qui fonde la gauche. Cette mise à la marge idéologique, théorique, philosophique ne pouvait avoir comme conséquence que la mise à la marge sociale et politique de celles et ceux qui étaient le sujet et les acteurs de cette réflexion : les salariés.
Le travail n’était plus un outil de lutte, un levier dans un rapport de force, il était transformé en marchandise, comme une autre dans la mondialisation financière.
Renoncer à penser le travail comme objet philosophique, social et politique, dans la société "libérale européenne", c'est abandonner ceux qui n'ont que ce moyen à leur disposition pour vivre et les livrer aux forces qui les dominent et les destiner à la relégation. L'éloignement des milieux populaires s'inscrit donc fort logiquement dans cette perspective.
Cette question du travail doit être une interrogation majeure.
Qu'est ce que le travail aujourd'hui ? Quelles sont ses formes, quel sens lui donner dans une société de libre échange où il est lui-même une marchandise ? Qu'en est-il de sa rémunération ? Qu'est ce que le travail salarié aujourd'hui ? Quel impact des systèmes de management contemporain sur la nature du travail, sur les souffrances qu'il génère ? Quelle part le travail peut-il encore avoir dans la structuration du monde à l'heure des délocalisations massives, de la liberté totale de circulation des capitaux et du chômage de masse ? Quelle est la nature des relations qui existe aujourd'hui entre le travail, la production, la propriété des moyens de production, la plus-value, les profits, la propriété des capitaux ?
Voilà les questions qui doivent faire débat.
La situation des salariés n'a plus rien à voir avec ce qu'a pu connaître leurs aînés. Précarité, temps partiel, horaires décalés, remise en cause des statuts, remise en cause de l'ensemble des droits liés au travail...La liste est longue. Or le travail produit du droit et pas seulement des biens ou de l'argent. Produisant du droit et des devoirs liés à son utilité sociale.
Cependant, il nous faut bien renouer avec certaines interrogations qui semblent essentielles. Le travail pour quoi faire? Pour gagner sa vie, élever sa famille, progresser, être utile, indépendant. Ce sont des réalités. Mais c'est aussi transformer le monde, produire de la richesse, du lien social, de l'identité. Le travail peut-il être le moyen de ma liberté ou n'est-il que l'outil de mon asservissement ? Car les questions du travail, de la production des richesses et des biens qui en découlent, sont en relation étroite avec l'organisation sociale et politique de la société dans laquelle tout cela évolue.
Il convient donc de savoir où nous en sommes de la réflexion sur cette question précise du lien entre le travail et la question sociale. Où en sommes-nous de la réflexion sur les systèmes de domination qui existent dans notre société ? Quelle analyse en faisons-nous ? Comment définissons-nous aujourd'hui un système de domination ? Par rapport à quoi ? Quelles sont aujourd'hui les aliénations auxquelles nous sommes confrontées, comment sont-elles organisées. La liberté se définit-elle uniquement dans la capacité de consommer ? Des biens matériels comme des biens symboliques (je pense à la revendication illimitée de "droits" nouveaux qui ne s'adressent qu'à des "catégories" de population). Dès lors quel projet émancipateur proposer aux salariés qui prennent en compte ces questions sur lesquelles il faut travailler ? L'utopie émancipatrice est-elle encore d'actualité ou faut-il se résigner au triomphe du libéralisme économique ? Dès lors dans quel cadre politique organiser cette réponse et offrir cette perspective qui intéressera beaucoup d'ouvriers et de salariés ?
Voilà les questions qui doivent faire débat.
Car il faut avoir une vision précise de ces questions pour bâtir des propositions qui ne relèvent pas simplement de « l'organisation » mais de la « transformation » sociale. Notre ambition doit être à ce niveau là. Ce qui pose nécessairement la question de l'action collective, de l'organisation politique de la gauche, de sa perception et de sa conception de l'Etat aujourd'hui.
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source : Marianne2.fr