Atlantico : Ce samedi et dimanche le Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) tiendra son congrès. Quels sont les enjeux de ce congrès ?
Jean-Luc Laurent : Ce congrès suit l’élection présidentielle où nous avons fait le choix de soutenir François Hollande dès le premier tour et participer à la majorité présidentielle avec nos trois députés et notre sénateur, Jean-Pierre Chevènement. Le MRC partage l’objectif de redressement de la France et il entend être la boussole républicaine de la majorité. On ne peut pas dire que dans l’opposition, la gauche se soit bien préparée à l’exercice du pouvoir et aux responsabilités historiques qu’elle doit prendre à bras le corps pour sortir la France de l’impasse. Dans les débats à venir, nous défendrons nos idées interventionnistes, jacobines et souverainistes.
On vous sait en désaccord avec le gouvernement sur des sujets de société comme le droit de vote des étrangers et le mariage homosexuel. Allez-vous vous opposer plus ouvertement au gouvernement sur ces sujets-là ?
Le droit de vote des étrangers n’est pas à proprement parler une question de société mais une mesure qu'une partie de la gauche a fétichisée pour l’avoir trop longtemps promise. La gauche des centres-villes y voue un attachement irraisonné. Au MRC, nous défendons la citoyenneté de plein exercice : la République doit fabriquer des Français. Le seul vote aux élections locales est une mesure de sous-citoyenneté. Cela pourrait avoir du sens dans un Etat fédéral ou dans un pays où l’accès à la nationalité est difficile. Fort heureusement, la France est un Etat unitaire et l'accès à la citoyenneté repose ici sur le droit du sol. C’est donc une erreur de saucissonner la citoyenneté.
Quand demain la droite reviendra au pouvoir – le plus tard possible-- nous risquons d'avoir affaibli la machine à fabriquer des Français. Nous aurons également légitimé ce que Claude Guéant a réussi à faire à la toute fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy: réduire le nombre de naturalisations. La perspective politique pour un étranger vivant durablement en France doit être la citoyenneté et la nationalité.
François Hollande n’a pas tenu ses engagements concernant le traité budgétaire européen et n’a pas tenu compte de la proposition de nationalisation d’Arnaud Montebourg, qui correspond à vos convictions. Dans ce contexte, pensez-vous toujours avoir une influence sur le gouvernement ? Le MRC a-t-il toujours vraiment sa place dans la majorité ?
Sur Florange, il faut être lucide et conséquent. La nationalisation des seuls hauts-fourneaux était dérisoire. Celle du site complet (hauts-fourneaux et usine) était complexe à mener du point de vue industriel. La seule nationalisation qui avait du sens était celle de toutes les activités d’ArcelorMittal en France. Le gouvernement a fait un choix moins ambitieux mais il n’a été ni passif ni résigné. C’est un mauvais procès qu’on fait à Jean-Marc Ayrault. Désormais, dans les batailles politiques futures, l’idée de nationalisation n’est plus taboue. Nos idées progressent.
Sur le traité européen, le président de la République s’emploie à réorienter la construction européenne et il a notre soutien. Toutefois il n’a pas pu obtenir de l’Allemagne la renégociation du traité TSCG et nous avons logiquement voté contre la ratification. L’année 2013 sera capitale : la logique d’austérité imposée par Merkel et Sarkozy va plonger l’Europe dans la récession et plusieurs élections importantes vont redistribuer les cartes politiques. Dans cette conjoncture difficile, nous voulons que François Hollande se montre plus "révolutionnaire" pour reprendre un mot d’Emmanuel Todd.
Le MRC a toujours défendu une ligne idéologique d'indépendance, notamment à travers la figure emblématique qu’est Jean-Pierre Chevènement. Systématiquement, le parti se rallie à la gauche à chaque élection présidentielle. Très souvent, cette dernière finit par trahir les engagements et les accords pris avec vous. Finalement, ne regrettez-vous pas votre stratégie d’alliance ?
Notre camp, c’est la gauche. En 2002, nous avons considéré qu’il fallait construire une candidature de rassemblement qui, sur certains grands sujets, dépasse le clivage traditionnel gauche-droite parce que sur la question européenne en particulier, la droite et la gauche menaient alors la même politique libérale. Jean-Pierre Chevènement a fait alors une campagne sur une base claire. Nous ne regrettons rien car sur bien des sujets, comme la monnaie unique, nous avons eu raison trop tôt. Mais on échappe difficilement au clivage gauche-droite. Même quand les Français se disent très sceptiques...une fois dans l’isoloir ils y reviennent.
Depuis 20 ans, le Mouvement Républicain et Citoyen s’inscrit naturellement à gauche . Nous dialoguons donc avec l’ensemble de la gauche : socialistes, communistes, radicaux et même, ça n’est pas le plus facile, avec les écologistes. Après avoir soutenu les yeux ouverts François Hollande, nous voulons l’aider à réussir car il s’agit de redresser la France.
La tendance souverainiste, défendue par le MRC, est aujourd’hui défendue par d’autres partis comme le Front national ou Debout la république et des courants représentés par des personnalités comme Arnaud Montebourg au PS, Henri Guaino à l’UMP. Pourquoi n’envisagez-vous pas une alliance souverainiste plus large, sous la bannière d’un candidat unique ?
Le Front national est l’adversaire de tous les démocrates et de tous les républicains. Le Front national de Marine Le Pen n’est pas l’héritier intellectuel et politique du souverainisme des années 1990. C’est une imposture. Car le Front national ne cherche pas à sortir la France de la crise ; cette crise étant le terreau sur lequel il prospère.
Henri Guaino a noué une alliance personnelle avec Nicolas Sarkozy dont il a été le parolier. C’est une personne sincère et entière mais il s’est complètement fourvoyé auprès d’un mauvais maître qui a totalement aligné la France sur l’Allemagne au niveau européen, gouverné le nez sur le triple A et abîmé la fonction présidentielle. Drôle de souverainisme...
Arnaud Montebourg a conduit une campagne courageuse et intéressante pendant la primaire socialiste. Il a su donner un contenu à ce ministère de l’Industrie new look (et je ne pense pas seulement à la marinière). Il a un rôle important à jouer pour l’avenir de la gauche...le Mouvement Républicain et Citoyen également. Les alliances ne nous obsèdent pas, ce qui compte ce sont les idées. Nous entendons bien faire cavalier seul aux élections européennes pour porter notre conception d’une Europe indépendante reposant sur les nations qui demeurent le cadre vivant de la démocratie. Et si lundi, Arnaud Montebourg souhaite adhérer au MRC, nous l’accueillerons chaleureusement : il est le bienvenu ! Il serait une très bonne tête de liste MRC pour l'élection européenne de 2014.
Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud
Source : Atlantico
Jean-Luc Laurent : Ce congrès suit l’élection présidentielle où nous avons fait le choix de soutenir François Hollande dès le premier tour et participer à la majorité présidentielle avec nos trois députés et notre sénateur, Jean-Pierre Chevènement. Le MRC partage l’objectif de redressement de la France et il entend être la boussole républicaine de la majorité. On ne peut pas dire que dans l’opposition, la gauche se soit bien préparée à l’exercice du pouvoir et aux responsabilités historiques qu’elle doit prendre à bras le corps pour sortir la France de l’impasse. Dans les débats à venir, nous défendrons nos idées interventionnistes, jacobines et souverainistes.
On vous sait en désaccord avec le gouvernement sur des sujets de société comme le droit de vote des étrangers et le mariage homosexuel. Allez-vous vous opposer plus ouvertement au gouvernement sur ces sujets-là ?
Le droit de vote des étrangers n’est pas à proprement parler une question de société mais une mesure qu'une partie de la gauche a fétichisée pour l’avoir trop longtemps promise. La gauche des centres-villes y voue un attachement irraisonné. Au MRC, nous défendons la citoyenneté de plein exercice : la République doit fabriquer des Français. Le seul vote aux élections locales est une mesure de sous-citoyenneté. Cela pourrait avoir du sens dans un Etat fédéral ou dans un pays où l’accès à la nationalité est difficile. Fort heureusement, la France est un Etat unitaire et l'accès à la citoyenneté repose ici sur le droit du sol. C’est donc une erreur de saucissonner la citoyenneté.
Quand demain la droite reviendra au pouvoir – le plus tard possible-- nous risquons d'avoir affaibli la machine à fabriquer des Français. Nous aurons également légitimé ce que Claude Guéant a réussi à faire à la toute fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy: réduire le nombre de naturalisations. La perspective politique pour un étranger vivant durablement en France doit être la citoyenneté et la nationalité.
François Hollande n’a pas tenu ses engagements concernant le traité budgétaire européen et n’a pas tenu compte de la proposition de nationalisation d’Arnaud Montebourg, qui correspond à vos convictions. Dans ce contexte, pensez-vous toujours avoir une influence sur le gouvernement ? Le MRC a-t-il toujours vraiment sa place dans la majorité ?
Sur Florange, il faut être lucide et conséquent. La nationalisation des seuls hauts-fourneaux était dérisoire. Celle du site complet (hauts-fourneaux et usine) était complexe à mener du point de vue industriel. La seule nationalisation qui avait du sens était celle de toutes les activités d’ArcelorMittal en France. Le gouvernement a fait un choix moins ambitieux mais il n’a été ni passif ni résigné. C’est un mauvais procès qu’on fait à Jean-Marc Ayrault. Désormais, dans les batailles politiques futures, l’idée de nationalisation n’est plus taboue. Nos idées progressent.
Sur le traité européen, le président de la République s’emploie à réorienter la construction européenne et il a notre soutien. Toutefois il n’a pas pu obtenir de l’Allemagne la renégociation du traité TSCG et nous avons logiquement voté contre la ratification. L’année 2013 sera capitale : la logique d’austérité imposée par Merkel et Sarkozy va plonger l’Europe dans la récession et plusieurs élections importantes vont redistribuer les cartes politiques. Dans cette conjoncture difficile, nous voulons que François Hollande se montre plus "révolutionnaire" pour reprendre un mot d’Emmanuel Todd.
Le MRC a toujours défendu une ligne idéologique d'indépendance, notamment à travers la figure emblématique qu’est Jean-Pierre Chevènement. Systématiquement, le parti se rallie à la gauche à chaque élection présidentielle. Très souvent, cette dernière finit par trahir les engagements et les accords pris avec vous. Finalement, ne regrettez-vous pas votre stratégie d’alliance ?
Notre camp, c’est la gauche. En 2002, nous avons considéré qu’il fallait construire une candidature de rassemblement qui, sur certains grands sujets, dépasse le clivage traditionnel gauche-droite parce que sur la question européenne en particulier, la droite et la gauche menaient alors la même politique libérale. Jean-Pierre Chevènement a fait alors une campagne sur une base claire. Nous ne regrettons rien car sur bien des sujets, comme la monnaie unique, nous avons eu raison trop tôt. Mais on échappe difficilement au clivage gauche-droite. Même quand les Français se disent très sceptiques...une fois dans l’isoloir ils y reviennent.
Depuis 20 ans, le Mouvement Républicain et Citoyen s’inscrit naturellement à gauche . Nous dialoguons donc avec l’ensemble de la gauche : socialistes, communistes, radicaux et même, ça n’est pas le plus facile, avec les écologistes. Après avoir soutenu les yeux ouverts François Hollande, nous voulons l’aider à réussir car il s’agit de redresser la France.
La tendance souverainiste, défendue par le MRC, est aujourd’hui défendue par d’autres partis comme le Front national ou Debout la république et des courants représentés par des personnalités comme Arnaud Montebourg au PS, Henri Guaino à l’UMP. Pourquoi n’envisagez-vous pas une alliance souverainiste plus large, sous la bannière d’un candidat unique ?
Le Front national est l’adversaire de tous les démocrates et de tous les républicains. Le Front national de Marine Le Pen n’est pas l’héritier intellectuel et politique du souverainisme des années 1990. C’est une imposture. Car le Front national ne cherche pas à sortir la France de la crise ; cette crise étant le terreau sur lequel il prospère.
Henri Guaino a noué une alliance personnelle avec Nicolas Sarkozy dont il a été le parolier. C’est une personne sincère et entière mais il s’est complètement fourvoyé auprès d’un mauvais maître qui a totalement aligné la France sur l’Allemagne au niveau européen, gouverné le nez sur le triple A et abîmé la fonction présidentielle. Drôle de souverainisme...
Arnaud Montebourg a conduit une campagne courageuse et intéressante pendant la primaire socialiste. Il a su donner un contenu à ce ministère de l’Industrie new look (et je ne pense pas seulement à la marinière). Il a un rôle important à jouer pour l’avenir de la gauche...le Mouvement Républicain et Citoyen également. Les alliances ne nous obsèdent pas, ce qui compte ce sont les idées. Nous entendons bien faire cavalier seul aux élections européennes pour porter notre conception d’une Europe indépendante reposant sur les nations qui demeurent le cadre vivant de la démocratie. Et si lundi, Arnaud Montebourg souhaite adhérer au MRC, nous l’accueillerons chaleureusement : il est le bienvenu ! Il serait une très bonne tête de liste MRC pour l'élection européenne de 2014.
Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud
Source : Atlantico