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Publié le Jeudi 28 Juin 2012 par

La vraie fausse bulle immobilière de l'Espagne


Mots-clés : euro, immobilier

Tribune de Bruno Moschetto, délégué national du MRC aux questions économiques internationales, parue dans Le Monde du 25 juin 2012.


La vraie fausse bulle immobilière de l'Espagne
Une bulle, quelle que soit sa nature, financière ou immobilière, résulte de l'appréciation du prix des actifs correspondants sur leur marché respectif du fait d'une demande solvable croissante alors que l'offre est quasi stable.

Cette évolution des prix à la hausse caractérise ainsi le marché de l'immobilier résidentiel dans les moyennes et grandes villes européennes depuis une bonne décennie où le stock des actifs immobiliers est par définition quasi stable et où la demande est mécaniquement promue par des poussées démographiques conjuguées à l'allongement de la durée de vie. De plus, souvent se greffe une hausse sur la hausse entrainée par une espèce de comportement mimétique qui pourrait à la limite faire tendre le prix de ces actifs immobiliers vers l'infini.

Naturellement, ces mouvements continus à la hausse donnent progressivement naissance à la constitution de bulles, lesquelles à l'expérience , à un moment ou à un autre, éclatent et c'est le krach avec sa cohorte d'ajustement des prix à la baisse.

A la réflexion il n'en est rien pour la soi disant bulle immobilière espagnole. A l'origine il s'agissait pour les promoteurs de produire des biens de production destinés à l'exportation. Je m'explique, de construire des logements non pas destinés à répondre à la demande intérieure, mais à la demande d'exportation matérialisée par celle des touristes consommateurs en masse de mer et de soleil à proximité des plages. Et par conséquent d'accroître le stock de logements existant et de peser sur le prix de ceux-ci.

Ce sont les financements bancaires, crédit promoteurs d'abord, et crédits acquéreurs ensuite qui ont permis la création de ces actifs nouveaux. Malheureusement, une fois terminés ils n'ont pas trouvé preneurs puisque les touristes attendus, notamment anglo-saxons, ont déserté les plages du fait de l'appréciation de l'euro par rapport à leur monnaie (dollar et livre). Ces logements portés par les promoteurs et inutilisables par les acquéreurs résidents compte tenu de leur localisation, loin des centres urbains , sont soit restés vides, soit ont été squattérisés par des chômeurs . Dans l'un et l'autre cas leur rentabilité est nulle , et à rentabilité nulle valeur nulle. D'où la nécessité pour les banques de déprécier les actifs correspondants à ces créances immobilières et de financer celles-ci par la constitution de provisions pour risque .

Ces provisions pour risque sont normalement financées par la marge d'intermédiation bancaire lorsqu'elles correspondent à 1% ou 2% de l'ensemble du stock de créances. Dans le cas espagnol elles s'élèvent à 8%. D'où à défaut d'une monétisation de ces créances par la banque centrale (facteur d'inflation) une recapitalisation des banques commerciales par appel aux marchés financiers (interne ou externe). C'est ce que vient de négocier l'Espagne en obtenant à cette fin de l'Europe, une ligne de 100 MD€ au travers du fonds de restructuration des organismes bancaires avec garantie de l'Etat.

En dernière analyse, ce plan de sauvetage des banques a pour objet de financer un stock d'actifs invendus destinés à des utilisateurs extérieurs qui ne sont pas présentés. Il est impératif qu'ils se présentent. L'adoption d'un euro pesete en lieu et place de l'euro euro (Bruno Moschetto Le Monde.fr du 29 mai 2012) qui entrainerait par sa dépréciation temporaire de 15% voire de 30% le retour de cette clientèle défaillante et la compétitivité retrouvée du prix de ces logements. Laquelle entrainerait immanquablement l'appréciation des actifs bancaires correspondants et la reprise des provisions antérieurement constituées et le remboursement des 100 milliards d'euros empruntés, et collatéralement la réappréciation de l'euro pesete par rapport à l'euro euro. En fait cette vraie fausse bulle immobilière correspond à une vraie fausse parité de la monnaie de l'Espagne par rapport à celle de ses pareils. De l'avantage des dépréciations compétitives (à titre temporaire) !

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Source: LeMonde.fr

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Bruno Moschetto
Secrétaire National aux questions économiques. En savoir plus sur cet auteur



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