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Publié le Vendredi 10 Janvier 2014 par

L'union bancaire, une mauvaise solution pour un faux problème


Mots-clés : finance, union bancaire

Tribune de Bruno Moschetto, Secrétaire national aux questions économiques, parue sur Le Monde.fr, lundi 23 décembre 2013.


L'union bancaire, une mauvaise solution pour un faux problème
Un faux problème tout d'abord. Il n'est a priori pas question, ni de surveiller (supervision) ni de secourir (résolution) les petites et moyennes banques, lesquelles le sont ou le seraient par leurs autorités nationales.

Elles n'ont d'ailleurs jamais véritablement posé de problème à l'occasion de la crise financière (2007 – 2014) parce qu'elles se sont autolimitées avec sagesse et se sont cantonnées à l'exercice naturel de leur métier traditionnel de collecteur de dépôts auprès de la clientèle et de distributeur de crédits à l'économie.

Donc, ladite union , pour ce qui les concerne est superfétatoire. Pour les autres - identifiées en tant que banques porteuses du risque systémique - les grandes et surtout les très grandes (125 à 250) de l'Union européenne, cela serait également superfétatoire.

En effet, quel que soit le niveau des ressources du « bail in » , celles des actionnaires et les obligataires ( premier niveau ) et celles du fonds de résolution des crises ( deuxième niveau) l'on parle pour ce dernier de 50 milliards d'euros, seraient totalement insuffisantes pour faire face à la faillite d'une banque nationale dont le bilan peut graviter autour de celui d'un produit intérieur brut , 2 000 milliards d'euros et seul un « bail out » c'est-à-dire l'appel à l'Etat , soit en dernier ressort un recours aux contribuables le permettrait. Et dans cette hypothèse quels contribuables faudrait-il appeler puisque le non- Etat européen ne lève pas l'impôt !

Aucune raison de faire faillite

D'ailleurs il n'y a aucune raison que ces grandes banques fassent faillite, si elles aussi ne compromettent pas l'argent des autres – celui collecté auprès des déposants – dans des opérations de marché aux risques difficilement quantifiables à la différence des opérations de crédit.

La perte sur une opération de crédit peut à la limite tendre vers zéro c'est-à-dire au montant de l'actif que représente le crédit, alors que les pertes sur les opérations de marché peuvent se loger dans des passifs auto alimentés par une sorte de financiarisation de la finance et tendre à l'infini.

Que l'on songe aux seules opérations sur le marché des changes où chaque jour, le change financier sans base réelle, écrase le change commercial dans des proportions de cent contre un, alors qu'à la base celui-ci est égal à un en vertu du principe que le change est égal à l'échange : j'échange un donc je change un.

Prévenir plutôt que guérir

Ici aussi , sous réserve que les grandes banques se cantonnent à leur métier le problème ne devrait pas se poser. Et il se poserait d'autant moins si on essayait de le prévenir plutôt que de le guérir par une stricte séparation entre les métiers des financiers de l'ombre – les opérateurs de marché – dont les turpitudes ont été colmatées par ceux de la lumière – les banquiers traditionnels auxquels ils étaient adossés soit en interne, (indoors) soit par filiales (affiliates) et qu'il a fallu sauver afin que les désordres financiers ne compromettent pas l'ordre monétaire – ce bien public qu'il faut sanctuariser.

Et avant toute séparation ne faudrait-il pas inviter les banques commerciales à sortir de leurs actifs un volume trop important de créances souveraines, car pondérées à risques zéro et par là non consommatrices de fonds propres, alors que par nature elles devraient se situer essentiellement dans le portefeuille des investisseurs institutionnels ou dans celui des rentiers. C'est cette séparation qu'envisagent de faire les Commissions Vickers en Grande Bretagne et Liikanen dans l'Union européenne.

Ce n'est pas le cas de la loi Moscovici de juillet 2013 qui apparaît comme un leurre si ce n'est un simulacre dans la volonté de séparer les activités bancaires utiles à l'économie des activités de marché à vocation spéculative. Seules 1% des activités de marché seraient concernées par un tel cantonnement par filialisation alors qu'elles représentent pour nos cinq plus grands groupes bancaires selon la Commission Liikanen, entre 25% et 45% de leur bilan.

Union monétaire sans État

Ces banques sont improprement appelées banques universelles ce qui était d'ailleurs vrai au temps des lois Debré 1966 et Delors 1984, au titre desquelles elles pouvaient quelle que soit leur nature , dépôt ou affaires, effectuer toutes les opérations de banque.

Alors qu'aujourd'hui la banque dite universelle – que les lobbies bancaires veulent voir perdurer – les banques de financement et d'investissement (BFI) – ne sont en fait que des banques de marché. Et par là des banques mixtes avec tous les risques que cela représente pour les détenteurs d'avoirs monétaires c'est-à-dire les détenteurs de créances sur les banques , lesquelles doivent les employer, comme toute composante de la masse monétaire en contrepartie en crédits sur l'économie réelle et non pas sur la finance virtuelle, née de l'essaimage des actifs sur les marchés.

En définitive, par cette précipitation vers le saut fédéral, on a voulu par l'adoption de la monnaie unique créer une union monétaire sans Etat et maintenant par l'union bancaire dont le fonds de résolution des crises serait le prélude d'un Trésor unique, lui aussi sans Etat. Non seulement cette architecture est par essence bancale mais son centre de gravité se situe de plus en plus à Francfort et par là plus d'Europe c'est moins de France et davantage d'Allemagne.

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Bruno Moschetto
Secrétaire National aux questions économiques. En savoir plus sur cet auteur



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