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Publié le Lundi 2 Janvier 2012

L’indépendance du Parquet : une mauvaise réponse à une bonne question


Mots-clés : justice

Tribune de Marie-Françoise Bechtel, vice-présidente du Mouvement Républicain et Citoyen, parue dans Politis (numéro du 22 décembre au 4 janvier) dans le cadre d'un débat contradictoire avec Benoist Hurel, secrétaire national du Syndicat de la magistrature.


L’indépendance du Parquet : une mauvaise réponse à une bonne question
L’indépendance de la justice est une des briques de l’édifice institutionnel républicain. A ce titre et à coup de réformes constitutionnelles sur fond d’affaires et de médiatisation du sujet, les garanties apportées à la magistrature du siège ont fini par être assurées par les textes.

On est alors naturellement porté à croire qu’il devrait en être de même pour le Parquet dont les membres sont nommés largement à la discrétion du gouvernement, malgré un contrôle du conseil supérieur de la magistrature qui n’est pas négligeable et cela parce qu’ils constituent, contrairement aux magistrats du siège un corps soumis au Garde des sceaux par la voie hiérarchique. Dès lors la possibilité pour ce dernier de leur donner des instructions écrites en vue de prendre des réquisitions ou d’appliquer la loi de telle ou telle façon (l’interdiction de poursuivre n’appartenant plus au ministre depuis 1993) semble à première vue illogique et mal venue

On peut pourtant penser qu’introduire une symétrie entre le siège qui juge et doit juger en toute indépendance et le parquet qui est le porte parole du gouvernement serait une fausse fenêtre.

D’abord parce que cette symétrie ouvre en fait la voie à la procédure accusatoire de type anglo-saxon, c’est-à-dire, de nombreuses affaires l’ont montré, une justice aux mains des avocats, profondément inégalitaire, où le « renard libre dans le poulailler libre » peut s’en donner à cœur joie. Un parquet indépendant suppose une égalité des parties devant le prétoire et l’on sait ce qu’est cette « égalité » dans les faits.

Ensuite parce dans la tradition républicaine, il faut assurer une égale application de la loi pénale sur tout le territoire. Créer des fiefs dans lesquels le procureur de Douai par exemple préconiserait en matière de répression du trafic de drogue ou de telle catégorie d’acte criminel des peines plus douces ou plus sévères que ne le ferait celui de Rennes ou d’Aix-en-Provence est contraire à notre vision d’une égalité qui doit s’appliquer à tout le territoire de la République. Le garde des sceaux doit pouvoir s’assurer que les instructions générales qu’il donne pour l’application de la loi pénale sont suivies. Le problème, l’actualité le montre abondamment, est celui des instructions particulières qu’il donne.

Il faut donc trouver les moyens pour mettre fin à l’opacité. Faire en sorte que le garde des sceaux, membre d’une majorité plus ou moins regardante sur les moyens de protéger ses amis, soit tenu de rendre compte des instructions qu’il donne dans tous les cas individuels. Il serait dangereux pour arriver à ce résultat, souhaitable, de créer des pouvoirs autonomes et séparés, nécessairement tentés de mener leur propre politique –quand ce n’est pas leur propre promotion. Il serait bien plus opportun de prévoir que les commissions compétentes du Parlement (où siège l’opposition) soient destinataires à intervalles réguliers de l’ensemble de ces instructions, qu’elles puissent exiger du Garde des sceaux qu’il les lui communique, notamment dans toute affaire sensible, en bref que le monde judiciaire ne soit pas laissé à lui-même.

La séparation des pouvoirs doit pouvoir être assurée sans qu’il soit porté atteinte à l’unité de l’Etat -à ne pas confondre avec le gouvernement-car c’est cette unité qui garantit que la justice est bien rendue pour tous au nom du peuple français.

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