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Publié le Vendredi 21 Juin 2013 par MRC

L’enjeu de la conférence sociale: valoriser le travail comme levier du redressement productif


Mots-clés : emploi, travail

Par Thierry Rochefort, délégué national au travail, vendredi 21 juin 2013.


Dans un pays développé, il n’y a pas de séparation stricte entre l’économique et le social, la production et la répartition des richesses, la productivité des entreprises et la santé des salariés. Tous ces éléments font partie d’un système, le système productif, et sont en étroite interdépendance. Toucher à un élément sans réfléchir à la cohérence d’ensemble, c’est prendre le risque de créer de graves déséquilibres.

Le gouvernement a posé les bases du redressement productif : banque publique d’investissement, crédit d’impôt compétitivité, relocalisations d’activités, création de filières d’avenir, épargne tournée vers l’industrie…

Ces efforts doivent être salués et amplifiés. La désindustrialisation vient de loin : la politique du franc fort puis de l’euro fort a privilégié la finance au détriment de l’industrie et la rente par rapport à l’investissement productif, qui ne cesse de reculer. Les élites ont bradé pendant 20 ans l’industrie et présentent l’addition aujourd’hui aux salariés, privés d’emploi et de perspective.

Le redressement productif ne se fera pas contre les salariés et le monde du travail. Il nécessite à la fois esprit de justice, mobilisation des énergies, confiance, dynamique de transformation sociale C’est dans cette perspective que doit se placer la conférence sociale et, au cœur de cette conférence, la valorisation du travail est une nécessité absolue comme levier essentiel du redressement.

Dans le débat sur les retraites qui s’ouvre et qui va se poursuivre avec les partenaires sociaux, nous voulons à ce stade, sans préjuger des conclusions tirés du rapport Moreau, souligner certains points. Aucune réforme ne sera possible si l’on ne traite pas en amont la question des seniors. Aujourd’hui 2/3 des salariés qui liquident leurs pensions ne sont pas en activité en raison du chômage ou de problèmes de santé. Il est temps que la France conduise une politique de « vieillissement actif » à l’instar de ce que la Finlande a entamé dans les années 90 dans une logique tripartite Etat /Entreprises/Organisations syndicales. Il est nécessaire, bien sûr, de compenser les différences d’espérance de vie entre les catégories sociales dans une logique de justice, mais il faut songer, pour l’avenir, à réduire ces écarts par des politiques volontaristes et efficaces de prévention et d’amélioration des conditions de travail. C’est un enjeu clé pour un pays qui vieillit.

En matière de formation professionnelle, nous devons conduire un effort sans précédent d’élévation des compétences pour les demandeurs d’emploi et les personnes en activité. Aujourd’hui, seulement 10% des chômeurs bénéficient d’une formation. Pour préparer l’avenir dans une économie d’innovation et dans une logique de montée en gamme des produits et des services, nous avons aussi besoin de plus de technologies et de traitement de l’information pour produire au plus juste dans une logique de performance globale. Pour cela, il est indispensable de disposer de salariés de mieux en mieux formés et de cadres capables d’accompagner le développement des PME. L’enjeu à moyen terme est clair : rompre avec la spirale d’une économie de bas salaires qui nous met à la merci d’une concurrence accrue par les coûts.
Le travail sur les filières d’avenir ne pourra se dispenser d’une réflexion sur les métiers et les savoirs-faire disponibles, en ayant à l’esprit qu’il n’y a pas d’industrie condamnée mais seulement des process obsolètes et des produits peu adaptés. L’expérience actuelle de relocalisation d’activité de production de chaussures à Romans nous montre comment concilier modernité et tradition, innovation et ancrage territorial.

L’amélioration des conditions de travail reste souvent un angle mort des politiques d’entreprises alors qu’elle peut contribuer à la fois à améliorer la compétitivité et la santé des salariés. Aujourd’hui, le travail change (développement du numérique, travail à distance, obsolescence des frontières entre organisations) et les attentes des populations au travail évoluent : équilibre vie professionnelle / vie privée, besoin de reconnaissance, développement du travail féminin. Nous plaidons pour une articulation plus étroite des obligations en matière de pénibilité, d’égalité professionnelle, de prévention des risques psychosociaux, de seniors, de qualité de vie au travail. L’enjeu est de favoriser le développement d’organisations de travail à la fois plus réactives et plus favorables à la santé des salariés, notamment des personnes en fin de carrière. Cela passe par plus d’autonomie, de responsabilité, d’initiative et de confiance. L’économie d’innovation dans laquelle nous sommes plongés sera bridée si les blocages bureaucratiques persistent et si le rôle du management intermédiaire n’évolue pas vers plus soutien, d’appui, d’écoute réelle des difficultés. Il faudra aussi relancer l’expression des salariés en se démarquant des années 80, quand on traitait séparément les enjeux de conditions de travail dans les groupes d’expression et les enjeux de productivité dans les cercles de qualité.

Dans cette période de doute et de crise, nous devons adresser un message d’espoir au monde du travail. Il est temps ensemble de redresser la France dans une perspective de progrès.

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