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Publié le Lundi 29 Septembre 2014 par

L'économie française à la croisée des chemins



Intervention de Bruno Moschetto, Secrétaire national aux questions économiques, lors de la table-ronde "Europe, mondialisation, libre-échange : lever les tabous" à l'Université de rentrée du MRC, samedi 20 septembre 2014.


Un tel constat résulte des réponses appelées par les deux questions suivantes, Où en sommes nous ? Où devons–nous aller ?

I – Ou en sommes nous ?

A la réflexion , nous sommes entrés dans un cycle du non cycle. Et ce depuis longtemps . En effet celui-ci se divise en deux périodes

Première période : 1955-1985 Les gouvernants, notamment ceux des pays de la Triade (Etats-Unis, Europe de l’Ouest et Japon) ont volontairement mis un terme aux périodes de dépression qui pouvaient suivre celles de prospérité à l’intérieur d’un cycle court - où les années de vaches maigres succédaient aux années de vaches grasses - et ce par la mise en application d’une politique économique nationale à double finalité : d’expansion de l’activité et de stabilisation de l’emploi.

Ainsi au cours de cette période trentenaire, la France a connu une croissance économique continue concomitante avec un quasi plein emploi - certes au prix d’une inflation soutenue et favorable aux jeunes générations emprunteuses et pénalisante pour les plus anciennes, prêteuses-

Deuxième période : 1985 -2015. A l’intérieur de celle-là, les gouvernants ne mettent pas fin au cycle court puisque l’environnement européen et mondial, les empêche de mettre en application une politique économique autonome . Résultats : un encéphalogramme plat. Le taux de croissance passe de 6% à 3% puis de 3% à 1%. Le chômage de masse pendant toute cette période connait une croissance continue et malheureusement non réductible.

Naturellement au cours de cette deuxième période, le taux d’inflation a été considérablement réduit par la conduite d’une politique dite de désinflation compétitive, menée pour ce qui concerne la France, par tous les ministres des finances qui se sont succédés depuis le début de ladite période. L’inflation n’est plus au rendez-vous La déflation semble vouloir la remplacer en cette fin de période. Cette double période trentenaire se caractérise donc par la disparition volontaire des cycles dépressifs pendant la première période et l’apparition d’une économie statique pendant la deuxième période, et ce du fait des contraintes extérieures - nous laisse augurer peu d’espoir pour les trente annéeà venir.

Notre gouvernement envisage de continuer à pratiquer une politique de l’offre laquelle, dans le contexte de la persistance du chômage de masse et de tendances déflationnistes, apparaît comme un véritable contresens. Il est impossible en économie statique et non cyclique d’inverser la courbe du chômage puisque dans un espace plat, une courbe n’existe pas.

Rappelons simplement qu’en 1958, lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir, la masse des chômeurs – le stock dans le langage économique – s’élevait à 30 000, c’est-à-dire l’équivalent des nouveaux chômeurs alimentant - par un flux mensuel de 30 000 - inexorablement le montant angoissant de cette masse montante.

Si l’on est optimiste on peut espérer que cette crise économique sera résolue à terme - lorsque la Chine nous aura rattrapés ! C’est-à-dire à l’issue d’ une nouvelle période de trente ans où le niveau de vie par tête des Chinois aura émergé au niveau du nôtre et le nôtre aura immergé au niveau du leur.

Nous ne pouvons pas nous résigner à une telle perspective et devons imaginer qu’il existe sans doute une solution pour sortir de cette triste impasse.

II – Que devons-nos faire pour en sortir ?

Recourir à une politique économique salutaire de la demande globale. Celle-ci ne peut se concevoir qu’au plan de ses trois composantes à savoir la demande d’exportation, la demande d’investissement et la demande de consommation

Pour ce qui concerne la demande d’exportation, cela semble être difficile. En effet, la France, compte tenu du déficit récurrent de sa balance commerciale et de l’excédent symétrique insolent de celle de l’Allemagne, est dite à la traine de celle-là et ce parce que non compétitive.

A la réflexion, ainsi que nous le rappelle l’Organisation internationale du travail (OIT), qui se situe dans la mouvance de l’ONU ceci est totalement faux , selon les conclusions de son rapport pour 2011 , reprises par Le Monde du 25 Février 2012, puisque l’Allemagne par ses soi-disant performances économiques, tire tous ses partenaires et tout particulièrement le premier d’entre eux, la France, vers le bas. Et ce, par le truchement de deux artifices.

Le premier : l’Allemagne à l’instar de la Chine, atelier du monde, est devenue l’atelier de l’Europe. Comment ?Tout simplement en procédant à des achats destinés à sa chaine de production, dans les pays à bas coûts , ceux de son hinterland, ceux de l’Europe de l’Est, et en les incorporant dans sa production destinée à des pays à pouvoir d’achat élevé, ceux de l’Europe de l’Ouest et tout particulièrement – la France. Par là, ses performances en matière de compétitivité-prix résultent de celles des produits made by Germany et non plus in Germany, selon la formule de Jacques Sapir.

A ce premier avantage comparatif, l’Allemagne en impose un autre. Lequel ? Celui qui résulte de ce que l’on appelle pudiquement de nos jours les dévaluations internes , pratique quasi courante depuis près de quinze ans C’est-à-dire au titre desquelles la baisse généralisée des salaires imposée par ses gouvernants et plus particulièrement dans le secteur tertiaire et est acceptée par sa population .

Pour fixer les idées, savez-vous qu’une heure de baby sitting en Allemagne coute 5 euros et une coupe de cheveux pour les hommes 10 euros, contre le double chez nous ? Mais, me direz-vous, quel est le lien entre le prix de ces deux services et la compétitivité des prix industriels à l’exportation ?

Un simple calcul permet de l’identifier. En effet, dans les pays à structure comparable telles que celles de l’Allemagne et de la France, la production du secteur primaire est équivalente à 10%, celle du secteur secondaire à 20% et celle du secteur tertiaire à 70% .Si les prix de ces derniers sont inférieurs de 30% aux nôtres le tour est joué !

En effet dans toute chaine de production celle-ci va incorporer des produits relatifs au secteur tertiaire pour un coût moyen pondéré inférieur de 20% (30% x 70%) Autrement dit - c’est parce-que l’ouvrier de la construction automobile allemand paye sa coupe de cheveux 10 euros, et tous les autres services à l’avenant, que les produits allemands à l’exportation sont inéluctablement très compétitifs. Donc cette composante de la demande – pour accroitre nos parts de marché - nous est structurellement fermée.

Celle de la demande d’investissement n’est pas plus ouverte . En effet , paradoxalement dans le monde post crise financière de 2007, tel que le nôtre, l’investissement ne peut être que destructeur d’emplois. Je m’explique.

Chacun sait qu’il existe deux facteurs de la production : le facteur capital et le facteur travail. Et que pour mobiliser, c’est-à-dire acquérir l’un et l’autre, il faut payer un loyer de l’argent pour acheter des machines et payer les salariés pour louer leurs services.

Comment dans ce contexte ne pas privilégier le recours aux machines alors que le coût de leur loyer i.e. les taux d’intérêt ont été divisés par deux depuis le déclenchement de la crise financière passant en gros de 7 ½% à 3 ¾%, alors que celui des salaires est resté à un niveau quasi identique puisque nous n’avons pas procédé à des dévaluations internes.

Aussi, le chef d’entreprise qui souhaite produire plus - n’hésitera pas à louer des capitaux à demi coût plutôt que des salariés à plein coût. Il n’y a rien à espérer du point de vue de la réduction du chômage d’un développement de la demande d’investissement.

Reste, « last but not least » la demande de consommation.Mais ici pour la développer, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur l’équilibre de nos finances publiques internes et externes, il faut sortir de la triple contrainte que nous impose l’euro - monnaie unique .

Par son adoption il y a quinze ans , nous avons perdu et l’autonomie de notre politique monétaire et l’autonomie de notre politique cambiaire et l’autonomie de notre politique budgétaire. Face à ce triple abandon nos gouvernements quels qu’ils soient, ne peuvent rien faire.

Si ce n’est sortir de cette triple aliénation imposée par la monnaie unique, par la nationalisation de l’euro telle que nous le prônons depuis tantôt trois ans (Garabiol-Moschetto Le Monde du 30 Septembre 2011) c’est-à-dire de substituer , pour ce qui nous concerne à l’euro-euro, l’euro-franc, qui deviendrait une monnaie commune mais à parités multiples. Ainsi , dans cette hypothèse l’euro monnaie de la France – Article 1 de notre code monétaire et financier – aurait vocation à le demeurer parallèlement à cette réforme monétaire.

La France pourrait ainsi reprendre en mains la maîtrise de son destin au plan économique et redeviendrait Prince dans sa République , autrement dit Paris primerait Bruxelles, Francfort, et New York Pour la France une nouvelle politique économique – c’est maintenant !

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Bruno Moschetto
Secrétaire National aux questions économiques. En savoir plus sur cet auteur



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