Ces quarante dernières années ont été marquées par la montée en puissance des thématiques écologiques, à la fois sur le plan « sociétal » avec l’omniprésence médiatique de questions environnementales, et sur le plan politique avec l’installation dans le paysage d’un courant dont l’identification se fond avec l’écologie pour déboucher sur « l’écologisme ».
1. De l’écologie sociétale à « l’écologisme »
1.1. Les problématiques écologiques sont mal définies et, de ce fait, recouvre un large spectre. Leur point commun est de s’attaquer à des « nuisances » :
- de proximité ayant ou pouvant avoir des incidences de santé publique (déchets industriels ou urbains, pollutions chimiques de l’air – ozone -, de l’eau phosphates… - ou de la terre – site de stockage industriel, agriculture intensive… -, méconnaissance d’effets secondaires de matériaux utilisés – plomb puis amiante…-),
- d’« agression » d’une nature parfois idéalisée (chasse mais aussi déforestation, disparition puis réintroduction de l’ours brun ou du loup…)
- d’essence métaphorique, c’est-à-dire renvoyant à des métaphores ancestrales : sauver la planète (climatologie, biodiversité, énergie nucléaire…).
Ces problématiques s’appuient sur des éléments objectifs que chacun peut constater dans sa vie courante ou à travers des images médiatisées (les maux de santé publique bien sûr mais aussi la fonte des glaciers depuis 150 ans, le smog londonien, la propagation des algues vertes, la rétraction de la forêt amazonienne, les oiseaux englués dans du mazout, le pouvoir de destruction massive de l’arme atomique, la disparition du dodo, le trou de la couche d’ozone, la dissémination d’espèces invasives …) ou encore qui sont aisément déductibles (l’épuisement des énergies fossiles, les enjeux géopolitique de l’eau et de la nourriture…). Les prédictions apocalyptiques s’appuient sur des travaux scientifiques (biodiversité, réchauffement climatique…) plus ou moins valides ou contestés mais dont les conclusions sont présentées comme tout aussi aisément admissibles. La croissance démographique, le développement économique des pays émergents, la puissance des technologies concourent à l’amplification de toutes ces problématiques. La fin des frontières planétaires confrontée à l’étendue des connaissances a favorisé le sentiment de la finitude du monde et de la fragilité de la vie : le monde parait fini, limité, vulnérable.
Ces questions sont secondaires tant que les questions de subsistance persistent. Elles prennent de l’importance sociale avec l’amélioration du mode de vie. Les thématiques écologiques sont donc plus sensibles dans les sociétés occidentales.
1.2. Toutes ces problématiques font émerger, dans « l’écologisme », une rhétorique unificatrice : ce sont les activités de l’Homme qui sont la source des « nuisances » (origine anthropique), donc l’Homme qui en est responsable collectivement et individuellement, ce qui renvoie à une autre forme de métaphore ancestrale, une métaphore culpabilisatrice. L’Homme est dans cette représentation, extérieur au monde, exogène au système dans lequel il vit et il est doté de pouvoirs quasi-métaphysiques : par son action, il peut détruire ou sauver la planète ; le Bien et le Mal sont aisément discernables ; bien que l’Homme soit fautif, il peut encore se racheter.
Les prédictions apocalyptiques jouent, dans cette rhétorique, des instincts primitifs (archaïques) et évoquent toutes les craintes ataviques. En clair, la vulgate de l’écologisme n’est que la transposition modernisée de métaphores universelles et multimillénaires, avec leur dimension eschatologique (relative au destin ou à la fin du monde). L’écologie est offerte comme le nouvel opium du peuple (1), comme substitut au culte de la nature des sociétés païennes. Ce culte païen confisque les problématiques écologiques.
La responsabilisation de l’Homme évite de soulever celle du système de reproduction du capital, c’est à dire essentiellement celle du capitalisme des sociétés occidentales historiquement, celle de la globalisation financière aujourd’hui, en tant que modes d’organisation sociale.
2. L’écologisme politique
2.1. L’eschatologie n’étant pas d’essence politique, les politiques peinent à trouver des réponses adaptées à l’écologisme. C’est la force du mouvement écologiste de s’appuyer sur une rhétorique métaphorique à laquelle les politiques ne peuvent jamais répondre.
Depuis le club de Rome (1970), le pêché originel est nommé : la croissance. L’amélioration du bien être matériel est assimilée à une destruction de la nature. Le sacrifice expiatoire demandé est donc le renoncement à la croissance au nom de la condamnation du productivisme. L’écologisme politique se situe au confluant de différents mouvements hostiles au progrès. C’est l’appel à la décroissance. Cette théologie est d’essence malthusienne, dont la théorie originelle arrivait à la conclusion - devenue indicible - de la fatalité de la limitation de la population. Le déclin démographique des pays européens est le reflet de l’intériorisation sociale de ce paradigme.
Comme l’écologisme politique est une critique du monde tel qu’il est, il a tendance à être situé à gauche, en dépit de la diversité des courants idéologiques qui sont venus l’alimenter. Comme ses thématiques sont médiatiquement porteuses, la majeure partie de la gauche a tendance à abonder dans ce sens et à encourager la confusion, d’autant qu’elle est elle-même à court de projets.
Mais l’écologisme politique est a-social (extérieure aux questions sociales). Il n’appelle pas de prise de position sur les rapports sociaux, les systèmes de retraite, l’inégalité des revenus, les droits syndicaux… Les revendications des plus démunis d’améliorer leur bien-être matériel sont aussi condamnables que celles de nantis de préserver leur mode de vie. Copenhague a été l’occasion de formuler la problématique autour de cette question empreint d’un tiers-mondisme dévoyé : peut-on permettre aux pays émergents de se développer comme nous l’avons fait ? Comme si l’aval des pays occidentaux était requis, comme s’ils restaient les puissances coloniales qu’ils ont été, comme si la question était ouverte.
2.2. L’identification eschatologique de l’écologisme politique, avec l’absence de critique du système de reproduction du capital qu’elle implique, explique aussi son enracinement dans le « libéralisme » politique : libéral au sens économique, libertaire au sens moral (les « lilis », qualification qui côtoie celle des « bobos »). Le radicalisme eschatologique de la critique écologique épouse l’épanouissement de l’individualisme politique. Le rejet de toute contrainte sociale se concilie avec la déstructuration de la société : du pédagogisme scolaire au laisser-faire en matière de sécurité, du libre-échangisme mondialisé au développement des inégalités sociales.
L’ordre social étant traditionnellement une valeur de droite, l’écologisme politique y trouve un argument supplémentaire pour se revendiquer de gauche. Les courants historiques de la gauche sociale, la « première gauche », étant à la fois productivistes et défendeurs d’un ordre – certes alternatif, mais qui reste un ordre -, l’écologisme politique s’en distingue aussi. Ces forces bilatérales de répulsion mènent au seul point d’équilibre possible : une convergence entre l’écologisme politique et le social libéralisme. La perméabilité de l’écologisme politique au libéralisme économique la rend aussi centro-conciliable, d’autant que le centre français se déchristianise à l’image de la société, ce qui le rend lui-même perméable au culte païen et à ses aspects libertaires.
L’écologisme politique bénéficie en outre d’un certain nombre d’aubaines : le monde médiatique trouve dans ces sujets autant d’occasions d’attirer le chaland et elle se fait avec d’autant plus d’entrain que les intérêts financiers qui le contrôle sont servis par la marginalisation des thèmes de la gauche sociale ; du fait de son ancrage a-social, l’écologisme politique gagne à jouer sur des élections à faible participation (les régionales et les européennes notamment) et tire son épingle de jeu de la montée de l’abstention due à la défection de l’électorat populaire.
3. La réponse républicaine
3.1. Jusqu’à présent, aucune réponse vraiment convaincante et efficace à l’installation de l’écologisme politique dans les dynamiques de la gauche française et européenne n’a été trouvée. La priorité doit être de construire une réponse crédible enracinée dans les valeurs républicaines, qui sont aux antipodes de la vulgate de l’écologisme puisque qu’elles reposent sur une mise en cause du mode de reproduction sociale du capitalisme mondialisé.
La globalisation commerciale et financière des trente dernières années a provoqué des déséquilibres considérables, tant sur le plan social avec la levée massive d’une armée de réserve de travailleurs qu’a permise leur mise en concurrence mondialisée, que sur le plan financier avec l’explosion de l’endettement spéculatif. Mais les déséquilibres écologiques ne sont pas en reste avec une exploitation débridée des ressources ouverte à l’appropriation de profits à court terme par de grands groupes privés mondialisés, avec une utilisation intensive des transports à moindre coût générant des dégradations environnementales ou biologiques externalisées (socialisées) et avec la prohibition au nom de libre-échange de toute mesure de régulation sociale ou écologique des activités commerciales et mercantiles. La maîtrise politique des frontières est un préalable à la maîtrise politique des questions écologiques.
La période qui s’ouvre est propice à une formulation des réponses républicaines : les compagnons de route sociaux-libéraux de l’écologisme politique sont mis à mal par la crise, la vulgate arrive aux bords de ses contradictions (rejet des contraintes sociales mais multiplication des contraintes environnementales, échecs de Copenhague et du projet fédéral européen en dépit d’une posture messianique, craintes liées au réchauffement de la planète mais rejet de l’énergie nucléaire, absence générale de réponses cohérentes et opérantes aux questions posées…).
3.2. La réponse républicaine doit reconnaître aux questions écologiques leur pleine dimension scientifique et opposer le statut politique de l’écologie au statut idéologique de l’écologisme.
i) La question écologique doit d’abord être prise pour elle-même, c’est son statut scientifique que le politique doit respecter en garantissant des moyens adaptés et l’intégrité des recherches vis-à-vis des différents lobbies. L’écologie est un objet de la science et du progrès. La maîtrise des questions écologiques est nécessaire au développement dans la durée. La réponse républicaine passe donc par la distinction entre « écologie », champ scientifique d’analyse objective et de recherche de réponses rigoureuses, et « écologisme », domaine de construction d’une vulgate métaphorique. Mêler les deux revient à donner crédit à « l’écologisme » puisque l’écologie appelle une implication scientifique. A cet égard, les prédictions erronées ou discutées doivent être prises comme telles et non comme la démonstration des conclusions opposées… L’incertitude ne vaut pas la certitude du contraire ! La dénonciation du catastrophisme hollywoodien de l’écologisme ne doit pas se confondre avec un négationnisme écologique et conduire à un déni des questions écologiques.
ii) Ensuite, l’écologie ne suffit pas à définir un projet politique : le statut idéologique de l’écologie, aujourd’hui établi par l’écologisme, doit être violemment contesté ; c’est l’enjeu de la période. Il faut contester à l’écologisme le monopole des questions écologiques qu’il a confisquées. L’écologisme politique allié à des personnalités de la société civile s’est érigé en clergé du nouveau culte païen et s’est arrogé le monopole de la représentation des intérêts de la planète. Ce monopole doit s’effacer devant une démarche de confrontation rigoureuse et responsable.
iii) L’écologie ne doit donc pas être réduite à une lubie de bobos. Mais elle doit être articulée avec les questions sociales. Les modalités d’intégration des questions écologiques à un projet progressiste renvoient au statut politique de l’écologie. Ce statut politique s’oppose frontalement au statut idéologique de l’écologie. Un projet politique ne peut qu’être global, c’est-à-dire apporter des réponses aux questions écologiques dans le cadre d’un projet de développement économique et social. La question n’est pas : « peut-on permettre aux pays émergents d’adopter notre mode de vie ? », ils le feront. La question est « quels axes de recherche développement doit-on privilégier pour arriver tous à un mode vie à la fois élevé et durable ? ». Le développement durable est indissociable d’une croissance offrant des emplois à tous et d’une amélioration durable des conditions de vie matérielles du plus grand nombre. La question du développement durable doit être intégrée à la question du développement humain, dont elle est une des composantes, lequel constitue le défi clef du XXIème siècle.
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1) « Dieu, l’Homme et la nature : l’écologie, nouvel opium du peuple ? » - Samuèle Surfari – Bourin ed. – mars 2010, 22 €
1. De l’écologie sociétale à « l’écologisme »
1.1. Les problématiques écologiques sont mal définies et, de ce fait, recouvre un large spectre. Leur point commun est de s’attaquer à des « nuisances » :
- de proximité ayant ou pouvant avoir des incidences de santé publique (déchets industriels ou urbains, pollutions chimiques de l’air – ozone -, de l’eau phosphates… - ou de la terre – site de stockage industriel, agriculture intensive… -, méconnaissance d’effets secondaires de matériaux utilisés – plomb puis amiante…-),
- d’« agression » d’une nature parfois idéalisée (chasse mais aussi déforestation, disparition puis réintroduction de l’ours brun ou du loup…)
- d’essence métaphorique, c’est-à-dire renvoyant à des métaphores ancestrales : sauver la planète (climatologie, biodiversité, énergie nucléaire…).
Ces problématiques s’appuient sur des éléments objectifs que chacun peut constater dans sa vie courante ou à travers des images médiatisées (les maux de santé publique bien sûr mais aussi la fonte des glaciers depuis 150 ans, le smog londonien, la propagation des algues vertes, la rétraction de la forêt amazonienne, les oiseaux englués dans du mazout, le pouvoir de destruction massive de l’arme atomique, la disparition du dodo, le trou de la couche d’ozone, la dissémination d’espèces invasives …) ou encore qui sont aisément déductibles (l’épuisement des énergies fossiles, les enjeux géopolitique de l’eau et de la nourriture…). Les prédictions apocalyptiques s’appuient sur des travaux scientifiques (biodiversité, réchauffement climatique…) plus ou moins valides ou contestés mais dont les conclusions sont présentées comme tout aussi aisément admissibles. La croissance démographique, le développement économique des pays émergents, la puissance des technologies concourent à l’amplification de toutes ces problématiques. La fin des frontières planétaires confrontée à l’étendue des connaissances a favorisé le sentiment de la finitude du monde et de la fragilité de la vie : le monde parait fini, limité, vulnérable.
Ces questions sont secondaires tant que les questions de subsistance persistent. Elles prennent de l’importance sociale avec l’amélioration du mode de vie. Les thématiques écologiques sont donc plus sensibles dans les sociétés occidentales.
1.2. Toutes ces problématiques font émerger, dans « l’écologisme », une rhétorique unificatrice : ce sont les activités de l’Homme qui sont la source des « nuisances » (origine anthropique), donc l’Homme qui en est responsable collectivement et individuellement, ce qui renvoie à une autre forme de métaphore ancestrale, une métaphore culpabilisatrice. L’Homme est dans cette représentation, extérieur au monde, exogène au système dans lequel il vit et il est doté de pouvoirs quasi-métaphysiques : par son action, il peut détruire ou sauver la planète ; le Bien et le Mal sont aisément discernables ; bien que l’Homme soit fautif, il peut encore se racheter.
Les prédictions apocalyptiques jouent, dans cette rhétorique, des instincts primitifs (archaïques) et évoquent toutes les craintes ataviques. En clair, la vulgate de l’écologisme n’est que la transposition modernisée de métaphores universelles et multimillénaires, avec leur dimension eschatologique (relative au destin ou à la fin du monde). L’écologie est offerte comme le nouvel opium du peuple (1), comme substitut au culte de la nature des sociétés païennes. Ce culte païen confisque les problématiques écologiques.
La responsabilisation de l’Homme évite de soulever celle du système de reproduction du capital, c’est à dire essentiellement celle du capitalisme des sociétés occidentales historiquement, celle de la globalisation financière aujourd’hui, en tant que modes d’organisation sociale.
2. L’écologisme politique
2.1. L’eschatologie n’étant pas d’essence politique, les politiques peinent à trouver des réponses adaptées à l’écologisme. C’est la force du mouvement écologiste de s’appuyer sur une rhétorique métaphorique à laquelle les politiques ne peuvent jamais répondre.
Depuis le club de Rome (1970), le pêché originel est nommé : la croissance. L’amélioration du bien être matériel est assimilée à une destruction de la nature. Le sacrifice expiatoire demandé est donc le renoncement à la croissance au nom de la condamnation du productivisme. L’écologisme politique se situe au confluant de différents mouvements hostiles au progrès. C’est l’appel à la décroissance. Cette théologie est d’essence malthusienne, dont la théorie originelle arrivait à la conclusion - devenue indicible - de la fatalité de la limitation de la population. Le déclin démographique des pays européens est le reflet de l’intériorisation sociale de ce paradigme.
Comme l’écologisme politique est une critique du monde tel qu’il est, il a tendance à être situé à gauche, en dépit de la diversité des courants idéologiques qui sont venus l’alimenter. Comme ses thématiques sont médiatiquement porteuses, la majeure partie de la gauche a tendance à abonder dans ce sens et à encourager la confusion, d’autant qu’elle est elle-même à court de projets.
Mais l’écologisme politique est a-social (extérieure aux questions sociales). Il n’appelle pas de prise de position sur les rapports sociaux, les systèmes de retraite, l’inégalité des revenus, les droits syndicaux… Les revendications des plus démunis d’améliorer leur bien-être matériel sont aussi condamnables que celles de nantis de préserver leur mode de vie. Copenhague a été l’occasion de formuler la problématique autour de cette question empreint d’un tiers-mondisme dévoyé : peut-on permettre aux pays émergents de se développer comme nous l’avons fait ? Comme si l’aval des pays occidentaux était requis, comme s’ils restaient les puissances coloniales qu’ils ont été, comme si la question était ouverte.
2.2. L’identification eschatologique de l’écologisme politique, avec l’absence de critique du système de reproduction du capital qu’elle implique, explique aussi son enracinement dans le « libéralisme » politique : libéral au sens économique, libertaire au sens moral (les « lilis », qualification qui côtoie celle des « bobos »). Le radicalisme eschatologique de la critique écologique épouse l’épanouissement de l’individualisme politique. Le rejet de toute contrainte sociale se concilie avec la déstructuration de la société : du pédagogisme scolaire au laisser-faire en matière de sécurité, du libre-échangisme mondialisé au développement des inégalités sociales.
L’ordre social étant traditionnellement une valeur de droite, l’écologisme politique y trouve un argument supplémentaire pour se revendiquer de gauche. Les courants historiques de la gauche sociale, la « première gauche », étant à la fois productivistes et défendeurs d’un ordre – certes alternatif, mais qui reste un ordre -, l’écologisme politique s’en distingue aussi. Ces forces bilatérales de répulsion mènent au seul point d’équilibre possible : une convergence entre l’écologisme politique et le social libéralisme. La perméabilité de l’écologisme politique au libéralisme économique la rend aussi centro-conciliable, d’autant que le centre français se déchristianise à l’image de la société, ce qui le rend lui-même perméable au culte païen et à ses aspects libertaires.
L’écologisme politique bénéficie en outre d’un certain nombre d’aubaines : le monde médiatique trouve dans ces sujets autant d’occasions d’attirer le chaland et elle se fait avec d’autant plus d’entrain que les intérêts financiers qui le contrôle sont servis par la marginalisation des thèmes de la gauche sociale ; du fait de son ancrage a-social, l’écologisme politique gagne à jouer sur des élections à faible participation (les régionales et les européennes notamment) et tire son épingle de jeu de la montée de l’abstention due à la défection de l’électorat populaire.
3. La réponse républicaine
3.1. Jusqu’à présent, aucune réponse vraiment convaincante et efficace à l’installation de l’écologisme politique dans les dynamiques de la gauche française et européenne n’a été trouvée. La priorité doit être de construire une réponse crédible enracinée dans les valeurs républicaines, qui sont aux antipodes de la vulgate de l’écologisme puisque qu’elles reposent sur une mise en cause du mode de reproduction sociale du capitalisme mondialisé.
La globalisation commerciale et financière des trente dernières années a provoqué des déséquilibres considérables, tant sur le plan social avec la levée massive d’une armée de réserve de travailleurs qu’a permise leur mise en concurrence mondialisée, que sur le plan financier avec l’explosion de l’endettement spéculatif. Mais les déséquilibres écologiques ne sont pas en reste avec une exploitation débridée des ressources ouverte à l’appropriation de profits à court terme par de grands groupes privés mondialisés, avec une utilisation intensive des transports à moindre coût générant des dégradations environnementales ou biologiques externalisées (socialisées) et avec la prohibition au nom de libre-échange de toute mesure de régulation sociale ou écologique des activités commerciales et mercantiles. La maîtrise politique des frontières est un préalable à la maîtrise politique des questions écologiques.
La période qui s’ouvre est propice à une formulation des réponses républicaines : les compagnons de route sociaux-libéraux de l’écologisme politique sont mis à mal par la crise, la vulgate arrive aux bords de ses contradictions (rejet des contraintes sociales mais multiplication des contraintes environnementales, échecs de Copenhague et du projet fédéral européen en dépit d’une posture messianique, craintes liées au réchauffement de la planète mais rejet de l’énergie nucléaire, absence générale de réponses cohérentes et opérantes aux questions posées…).
3.2. La réponse républicaine doit reconnaître aux questions écologiques leur pleine dimension scientifique et opposer le statut politique de l’écologie au statut idéologique de l’écologisme.
i) La question écologique doit d’abord être prise pour elle-même, c’est son statut scientifique que le politique doit respecter en garantissant des moyens adaptés et l’intégrité des recherches vis-à-vis des différents lobbies. L’écologie est un objet de la science et du progrès. La maîtrise des questions écologiques est nécessaire au développement dans la durée. La réponse républicaine passe donc par la distinction entre « écologie », champ scientifique d’analyse objective et de recherche de réponses rigoureuses, et « écologisme », domaine de construction d’une vulgate métaphorique. Mêler les deux revient à donner crédit à « l’écologisme » puisque l’écologie appelle une implication scientifique. A cet égard, les prédictions erronées ou discutées doivent être prises comme telles et non comme la démonstration des conclusions opposées… L’incertitude ne vaut pas la certitude du contraire ! La dénonciation du catastrophisme hollywoodien de l’écologisme ne doit pas se confondre avec un négationnisme écologique et conduire à un déni des questions écologiques.
ii) Ensuite, l’écologie ne suffit pas à définir un projet politique : le statut idéologique de l’écologie, aujourd’hui établi par l’écologisme, doit être violemment contesté ; c’est l’enjeu de la période. Il faut contester à l’écologisme le monopole des questions écologiques qu’il a confisquées. L’écologisme politique allié à des personnalités de la société civile s’est érigé en clergé du nouveau culte païen et s’est arrogé le monopole de la représentation des intérêts de la planète. Ce monopole doit s’effacer devant une démarche de confrontation rigoureuse et responsable.
iii) L’écologie ne doit donc pas être réduite à une lubie de bobos. Mais elle doit être articulée avec les questions sociales. Les modalités d’intégration des questions écologiques à un projet progressiste renvoient au statut politique de l’écologie. Ce statut politique s’oppose frontalement au statut idéologique de l’écologie. Un projet politique ne peut qu’être global, c’est-à-dire apporter des réponses aux questions écologiques dans le cadre d’un projet de développement économique et social. La question n’est pas : « peut-on permettre aux pays émergents d’adopter notre mode de vie ? », ils le feront. La question est « quels axes de recherche développement doit-on privilégier pour arriver tous à un mode vie à la fois élevé et durable ? ». Le développement durable est indissociable d’une croissance offrant des emplois à tous et d’une amélioration durable des conditions de vie matérielles du plus grand nombre. La question du développement durable doit être intégrée à la question du développement humain, dont elle est une des composantes, lequel constitue le défi clef du XXIème siècle.
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1) « Dieu, l’Homme et la nature : l’écologie, nouvel opium du peuple ? » - Samuèle Surfari – Bourin ed. – mars 2010, 22 €