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Publié le Vendredi 2 Octobre 2015 par

L'année du Macron


Mots-clés : emploi, europe, gauche, macron, travail

Tribune de Jean-Luc Laurent, président du MRC et député du Val-de-Marne, parue sur le site Huffington Post, vendredi 2 octobre 2015.


L'année du Macron
L'astrologie chinoise ne retient pas cette dénomination mais en France, l'année du Macron vient de s'achever. Il faut reconnaitre le grand talent dont le ministre, nommé il y a un an en septembre 2014 pour succéder à Arnaud Montebourg, a fait preuve pour se placer au centre de l'action gouvernementale, avec un projet de loi "Macron" qui a occupé le Parlement un semestre, comme au centre du jeu politique par un festival de déclarations fracassantes sur les 35 heures, le droit du travail ou le statut de la fonction publique. Je retiens cinq éléments de cette année du Macron.

1. Renoncer à la gauche en Europe. Accepter sans discuter le cadre européen c'est renoncer à la croissance. Emmanuel Macron était à l'Elysée de 2012 à 2014, il était donc aux premiers loges de la scène initiale du quinquennat lorsque François Hollande a renoncé à toute renégociation du traité TSCG par la France. A l'été 2012, la France s'est coulée dans la discipline européenne et a ratifié le traité Merkel-Sarkozy. Logiquement, la France a alors entamé une politique d'ajustement budgétaire qui, s'ajoutant aux hausses d'impôts décidées par François Fillon, a littéralement tué la reprise économique qui s'amorçait.

2. Keynes en autocar. De 2011 à 2013, notre politique budgétaire a mis le pays au bord de la récession et transformé 2% de croissance potentielle en croissance zéro (chiffres de l'OFCE). La purge inspirée par Bercy, Bruxelles et Berlin nous a cassés économiquement et politiquement. Il faut partir de là pour comprendre que désormais, avec la loi Macron, le gouvernement recherche la croissance par le développement des autocars ou l'ouverture des commerces le dimanche. Privé de politique monétaire et de politique budgétaire, la gauche Macron invente le keynésianisme en autocar. Là où le néo-libéralisme orthodoxe, celui qu'on applique à la Grèce depuis 2010 par exemple, réclame des réformes structurelles, la gauche Macron privilégie les réformettes structurelles qui sont autant de coups d'épingles, de preuves de réformisme envoyé à Bruxelles et de victoires idéologiques sur la vieille gauche.


3. L'Etat spectateur
. Depuis les années 1970, la deuxième gauche nous a habitué à critiquer le rôle de l'Etat dans l'économie et miser sur la société. Plus de 30 ans après le tournant de la rigueur et la conversion de la gauche au "réalisme", il ne reste plus grand-chose de l'Etat dans l'économie. Même l'Etat stratège n'est plus qu'un slogan. Alstom, Alcatel, ces deux grands groupes symbolisent l'absence de toute politique industrielle. Le groupe Areva a vu une démission complète de l'Etat actionnaire qui a laissé prospéré des conflits intestins d'une supposée "équipe de France du nucléaire". Ce que le nouvel Etat fait en matière de politique d'attractivité et d'innovation est essentiel mais il ne doit pas faire oublier ce que l'Etat ne fait plus: le pilotage stratégique de ces grandes entreprises. Actionnaire passif, stratège verbal... l'Etat conduit une politique industrielle hôtelière.

4. Le mépris du politique. Au rejet de l'Etat en économie, Emmanuel Macron ajoute le mépris du politique. Un de ces éphémères prédécesseurs, Francis Mer, avait déjà abusé du "Vous, les politiques" alors qu'il était... ministre de l'Economie. Haut-fonctionnaire du Trésor puis banquier d'affaires, Emmanuel Macron a fait le choix de renouer avec l'intérêt général et servir son pays. C'est un choix louable. Malheureusement, il cultive un mépris de la démocratie et de ses contraintes. L'examen de la loi Macron a été un épisode très ambivalent : un long débat de fond et une absence de vote. Homme de conviction et d'argumentation, le ministre a pris le temps du débat parlementaire pour finalement échouer à convaincre et voir le gouvernement avoir recours à la procédure du "49.3". Cette absence de vote final a totalement floué les parlementaires. Depuis, le traité de Lisbonne adopté en violation du référendum de 2005, nous n'avons plus d'illusion sur la rigueur démocratique des élites européistes. En Italie, on a vu un Mario Monti, "réformer" l'Italie avec un gouvernement de technocrates avant de fuir le suffrage universel. En Grèce, après la victoire de Syriza aux législatives du mois de janvier, les Européens ont traité indifféremment avec le gouvernement et l'opposition. Dans la nouvelle gouvernance européenne, la démocratie n'a plus une place assurée : "On ne gouverne pas contre les traités" (Jean-Claude Juncker).

5. Trop d'économie. La fonction de Ministre de l'Economie le pousse dans ce sens mais Emmanuel Macron fait preuve d'un économisme constant qui pense que tous les problèmes peuvent se régler à l'aune du marché, de l'offre et de la demande. La crise des réfugiés ? "Une chance pour l'économie". Les agents de l'Etat ? Des salariés comme les autres. Dans une France qui vient de connaitre deux années de croissance zéro, où les statistiques recensent 3 millions de chômeurs, et où la réalité du sous-emploi est bien plus vaste, on comprend que les problèmes économiques viennent d'abord. Mais la politique ne peut pas se réduire à un ingénierie économique et sociale où l'on ajusterait taux de chômage et produit intérieur. L'école de la République doit former des citoyens éclairés et des individus libres et pas seulement veiller à l'employabilité des futurs salariés. La loi qui protège, la frontière qui distingue, l'Etat qui organise, voilà trois piliers politiques qui échappent la loi du marché, au jeu de l'offre et de la demande et que le Ministre tout à son économisme ne semble pas comprendre.

Y-aura-t-il un An 2 pour la gauche Macron ? Difficile à dire à quelques semaines des élections régionales de décembre qui sont la dernière élection intermédiaire du quinquennat et s'annoncent extrêmement difficiles pour l'ensemble de la gauche. Le soutien apparent de l'opinion au personnage Macron sera de bien peu de poids face à la froide réalité électorale de décembre. Comme la loi Macron était minoritaire dans l'hémicycle au mois de février dernier, la gauche Macron est minoritaire dans le pays. Au lendemain des régionales, le choix sera entre l'accélération ou la réorientation. Il faudra trancher le sort de ce réformisme intransitif qui est indifféremment de gauche ou de droite. On imagine facilement Emmanuel Macron en Premier ministre d'Alain Juppé, comme son mentor Jean-Pierre Jouyet l'a été de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce réformisme social-libéral conduit la gauche dans l'impasse et condamne le pays au déclin. Si la gauche ne veut pas mourir en 2017, elle doit relever le défi que lui lance Emmanuel Macron ou être condamnée à être une force d'appoint de la droite.

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Source : Huffington Post

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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