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Publié le Mardi 2 Décembre 2014 par

L'adieu au critère des 3%



Intervention de Jean-Luc Laurent, président du MRC et député du Val-de-Marne, à la tribune de l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de de finances rectificative pour 2014, lundi 1er décembre 2014.


Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous abordons le dernier épisode de l’exercice budgétaire de 2014. Certes, il reste encore celui de la loi de règlement, mais celle-ci suscite rarement des débats fiévreux.

Quoi qu’il en soit, 2014 restera comme l’année où la France est sortie de la trajectoire. Elle en est sortie non par un coup de volant énergique, non plus que par le choix d’un autre chemin, comme le propose le Mouvement républicain et citoyen. Non, la France est sortie de la route par la force des choses : la politique de rigueur a fini de tuer la croissance et nous supportons la rigueur sans ses fruits attendus : le redressement des comptes publics.

Les comptes publics sont assainis, comme en témoigne l’amélioration du solde structurel, mais le bilan reste totalement déséquilibré, loin du critère des 3 % – critère magique pour certains, maléfique pour d’autres comme moi. Nous récoltons une croissance quasi nulle et un chômage au plus haut.

Déçus par le suivisme européen du Président de la République, nous nous en sommes remis à une forme de pragmatisme qui conduirait l’exécutif à frôler le précipice sans y sauter.

C’est le cas de ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 qui, après celui du mois de juillet, maintient un objectif de déficit – le terme de « cible » serait plus juste – de 4,4 % sans en rajouter, sans transformer la rigueur en austérité comme le propose la droite, en serrant les dépenses et en constatant que les recettes rentrent mal.

Plutôt qu’une sortie volontaire du critère des 3 %, l’exécutif a choisi ou subi une sortie en biais. Le moins que l’on puisse dire est que le résultat politique n’est pas vraiment le même.

Dans la nouvelle gouvernance de la zone euro, cette sortie en biais nous expose aux échanges de courriers cachés, aux promesses qui n’engagent pas et à l’éloge permanent des réformes structurelles à venir, tout cela sous le regard d’un Parlement qui préfère pour l’instant – je veux y croire – ne pas trop chercher à savoir s’il est encore souverain, et de citoyens désabusés qui s’inquiètent de savoir si les efforts qui leur sont demandés sont utiles pour que la France s’en sorte.

Je voudrais à présent faire deux remarques qui devraient, je l’espère, nourrir autant d’actions volontaristes.

Tout d’abord, la France assume des responsabilités mondiales. Membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, elle intervient en Afrique et au Proche-Orient. Notre pays en assume seul les coûts, monsieur le secrétaire d’État, et ces interventions extérieures prouvent l’absurdité des critères comptables des traités européens depuis Maastricht. La France ne doit pas renoncer à faire reconnaître la spécificité de ces charges qui bénéficient à tous, y compris à nos voisins qui ont la faiblesse de penser que l’instabilité au Sahel ou au Proche-Orient ne les concerne pas. Quand certains dissertent sur les vertus de l’intégration de la prostitution dans le PIB, il me semble plus urgent d’exclure les dépenses militaires du critère des 3 % de déficit, et en particulier les dépenses d’intervention mais aussi de dissuasion nucléaire.

Ce sont des opérations souveraines et nous ne demandons pas à nos voisins de les financer. Nous demandons simplement que ces interventions ne soient pas soumises aux règles absurdes – c’est ma conviction profonde – des comptables de Bercy, de Bruxelles ou de Berlin.

Le deuxième sujet peut sembler plus futile et je l’aborde sans gaieté de cœur, contraint par une exigence anachronique et par un suivisme gouvernemental que je ne comprends pas. Il s’agit de la défiscalisation des manifestations sportives internationales, à commencer par le prochain Euro 2016 – nous y reviendrons naturellement en examinant l’article 24.

J’ai pris connaissance des débats en commission des finances. Payer l’impôt commun devrait être une évidence ; ce n’est plus le cas. Le sport professionnel, les spectacles sportifs et le sportbusiness sont des phénomènes sociaux et des objets politiques très ambivalents, voire embarrassants. Personne ne souhaite les renvoyer à la catégorie du pur spectacle et en faire de modernes jeux du cirque.

Pour cela, nous avons besoin de régulation et de régulateurs. C’est le rôle qui incombe aux grandes fédérations. Et voilà qu’une grande fédération, l’UEFA, se comporte comme la plus cynique des multinationales en mettant en concurrence les systèmes fiscaux. La fédération qui promeut une belle idée, le fair-play financier, se révèle hostile au fair-play fiscal le plus élémentaire.

Rien ne justifie un régime fiscal dérogatoire ; rien ne justifie une telle rupture avec la décence ordinaire du paiement de l’impôt. On m’opposera, je le sais, le rayonnement de la France, mais le rayonnement de la France consiste depuis deux cents ans à montrer la voie à partir de principes simples, de principes justes.

Si nous n’en sommes pas capables sur un petit sujet comme celui-ci, chers collègues, alors j’ai bien peur qu’il faille en rabattre sur beaucoup d’autres. Or, si l’État ne peut pas dire son fait à une fédération de fédérations, alors à quoi peut bien servir l’État ?

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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