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Publié le Dimanche 27 Juin 2010 par

Face à la crise, un candidat républicain



Intervention de Jean-Luc Laurent lors du Congrès du Mouvement Républicain et Citoyen, Paris, dimanche 27 juin 2010.


Face à la crise, un candidat républicain
Citoyennes, Citoyens,
Chers camarades,

La France, l’Europe et le monde traversent une crise historique. Cette crise doit être envisagée totalement, comprise globalement. Cette crise est la crise d’un système. Il ne s’agit pas d’une petite convulsion ou d’une simple réplique des secousses précédentes, qui d’ailleurs, furent autant d’opportunités pour le capitalisme financier de consolider sa suprématie.

Depuis l’été 2007, elle a connu des épisodes liés les uns aux autres. On en comprend le sens profond qu’en s’efforçant de relier les premières fissures du système bancaire à l’été 2007 à la crise des subprimes de septembre 2008, et cette crise des subprimes aux turbulences qui agitent aujourd’hui la zone euro.

Au plan des symptômes, cette crise est celle d’un endettement généralisé : endettement des Etats (près de 40.000 milliards de dollars, 2/3 du PIB mondial), endettement des banques, endettement des ménages. Cet endettement est le produit d’un déséquilibre économique majeur qui tient à plusieurs facteurs : porosité du système par la concurrence déloyale des hommes et des territoires, assujettissement de l’économie de production à l’économie des services et aux injonctions de la spéculation, détricotage méthodique du rôle de l’Etat depuis 3 décennies.

La crise n’a pas tardé à produire ses funestes conséquences. Le coût social qu’elle engendre donne le vertige : en 2009, 412.000 emplois ont été détruits en France, plus de 4 millions pour les seuls Etats-Unis.

Rappelez-vous ce que nous disions en juin 2008 lors de notre congrès au Kremlin-Bicêtre : Un tsunami barre l’horizon. La démesure des chiffres conduit à considérer que le tsunami dont nous parlions au précédent congrès n’était pas une emphase mais une réalité que nous sommes bien seuls à avoir anticipé. C’est à ce type de phénomène auquel nous sommes bel et bien confrontés : une déferlante contre laquelle les digues construites par notre pacte social et politique risquent de céder.

Au MRC, cette crise, nous ne l’avons pas seulement anticipée. Nous en combattons les causes agissantes depuis plus de vingt ans. Qui se rappelle aujourd’hui du combat qui fut le nôtre contre la désindustrialisation de notre pays ? Devons-nous avoir honte de l’attachement qui a toujours été le nôtre au secteur public bancaire – nationalisation, prononçons le mot puisqu’il est, paraît-il, redevenu fréquentable ? N’étions-nous pas hier qualifiés d’archaïques lorsque nous dénoncions lors du référendum de 1992, l’indigence de l’Europe de Maastricht ?

Nous avons été bien seuls à refuser l’enterrement des Nations et à avoir une conception réaliste de l’Europe. Notre horizon fut toujours celui d’une République européenne des Nations et des peuples. A la lumière des développements récents, nous n’avons pas à en rougir. Au contraire, le mépris dont nous faisions alors l’objet, est devenu proprement risible.

Car cette crise a déjà fait quelques victimes : le traité de Maastricht et toute sa descendance (Amsterdam, Nice, Lisbonne). Ceux qui s’obstinaient à soutenir le caractère indépassable de ces textes sacrés en sont pour leurs frais : toutes les dispositions substantielles de ces traités ont d’ores et déjà fini à la poubelle. Je vous propose d’inventorier rapidement ces fondamentaux devenus subitement accessoires :
- piétiné le fameux article 107 de Lisbonne qui interdit les aides d’Etat ;
- oublié l’article 123 qui interdisait, autrefois, à la banque centrale européenne de prêter aux autorités publiques ;
- orphelins les articles 101 et 102 interdisant les constitutions de position dominante et qui pourtant, n’ont pas fait obstacle aux restructurations bancaires ;
- violés un à un tous les critères de convergence hérités de Maastricht : déficit de 3% (article 126 de Lisbonne) lorsque certains pays atteignent des chiffres à deux points, dette publique de 60% du PIB qu’aucun pays ne sera bientôt plus en capacité de respecter.

Cette logique du traité européen en jachère doit interroger nos élites au-delà du cycle de la crise. Des dispositions qui ne sont valables que par beau temps ont déjà perdu toute crédibilité. Il ne suffit plus de dénoncer ces impostures, il est urgent d’y mettre fin.

L’Europe-bouclier-contre-la-mondialisation ? Elle apparaît désormais pour ce qu’elle est : une fable qui n’a que trop duré. L’acte unique de 1987 et les directives Lamy-Delors de 1988 (article 63 de Lisbonne) sont directement en cause. C’est la clause extérieure de cet article 63, interdisant toute protection, qui a permis que la nocivité des subprimes vienne contaminer le bilan des banques européennes.

Si je rappelle tout cela, c’est parce que cette Europe n’a pas seulement péché par absence de volonté face à la mondialisation. Elle en est le principe actif.

C’était hier.

De ce privilège de l’antécédence, nous ne devons pas tirer de gloire particulière. Nous le savons bien, nous autres : au Mouvement Républicain et Citoyen, faire de la politique veut d’abord dire penser le monde qui nous entoure, en comprendre les contours, en analyser les forces qui l’animent. C’est la première condition de l’action.

Aussi, si nous pensons en situation, le moment politique que nous vivons est important. Il est même, à certains égards, décisif. Depuis près de vingt ans, le courant idéologique que nous représentons a forgé une doctrine et un projet qui se trouvent aujourd’hui justifiés par la réalité elle-même.

Dans ce contexte économique, social et politique, nous avions dit il y a deux ans notre disponibilité pour la refondation républicaine de toute la gauche. Nous connaissions la réponse des autres partis de gauche : chacun a choisi son pré carré ! Pour autant, cette stratégie reste notre perspective.

Dans le prolongement, nous avions également répondu OUI, mais un OUI conditionnel à l’organisation des primaires de toute la gauche pour aborder 2012. Nous étions partants dès lors qu’un contenu politique substantiel, un projet commun précédait les primaires proprement dites. Nous souhaitions par ailleurs que ces primaires soient ouvertes et permettent de s’adresser aux citoyens et non seulement aux seuls militants de nos partis respectifs.

L’idée de réunir des Assises de toute la gauche pour préfigurer ce qu’aurait pu être un grand parti d’une part, et ces conditions minimales pour les primaires, n’ont pas été retenues par nos partenaires. Nous devions en prendre acte. C’est ce qu’a décidé notre Conseil national le 28 mars dernier.

Disons-le à nouveau clairement. Participer aux primaires dans les conditions et les modalités définies par nos partenaires socialistes entraînait non seulement notre ralliement automatique au candidat socialiste sans connaissance et discussion du projet.

Par ailleurs, chacun garde en mémoire le sort qui a été réservé à notre accord dans le cadre des élections régionales qui étaient selon Martine Aubry . Il se trouve que nous demeurons attachés au respect de la parole donnée.

Dans ces conditions, le processus des primaires se trouve réduit à une question de casting. Face aux enjeux déterminants de ce monde, il est à craindre qu’une candidature qui ne serait que le produit des sondages ne pourra y répondre. Chacun sait que la république n’est pas soluble dans la démocratie d’opinion : nous plaçons le peuple dans une toute autre estime.

Il faut mettre la gauche en garde contre la tentation de se réfugier dans l’antisarkozysme pour 2012. L’antisarkozysme est une posture, cela n’en fait pas une politique. On ne répond pas aux défis de la crise d’une telle ampleur avec la crise de l’euro et le plan d’austérité qu’on nous prépare, en misant sur le désespoir légitime des Français face à la politique du gouvernement. A défaut, la gauche court le risque de connaître rapidement le soir qui déchante.

Nous avons l’obligation de regarder plus loin. Pour la gauche, il ne s’agit pas seulement de gagner en 2012. Pour la gauche, il s’agit de retrouver le peuple et de s’adresser à la Nation. La victoire ne serait que cosmétique si elle n’était pas d’abord bâtie par la force du projet.

C’est parce que le MRC veut une alternative sérieuse, réaliste et conséquente à Nicolas Sarkozy, que la candidature républicaine est une nécessité.

C’est le sens de notre programme de Salut public que notre congrès a choisi d’adopter. Parmi les 40 propositions qu’il contient, je veux citer quelques grands axes qui me paraissent significatifs :
- nous voulons un gouvernement économique de la zone euro qui s’affranchisse des règles absurdes qui la mettent aujourd’hui en péril. Il faut une politique monétaire au service de la croissance et de l’emploi, non une politique monétaire d’accompagnement du marché.
- nous voulons mettre un terme à la dictature du capitalisme financier en proposant, notamment, la nationalisation du crédit. Le crédit doit être envisagé pour ce qu’il est : un bien public qui ne saurait être abandonné à des intérêts privés. Ce n’est pas une position dogmatique : nous sommes instruits par l’expérience et avons vu ce qu’ils en ont fait.
- nous voulons une politique industrielle volontariste, convaincus que la force de l’économie réside d’abord dans la production, la recherche et l’innovation. Nous devons revenir à cette grammaire : les pays qui aujourd’hui tirent leur épingle du jeu sont précisément ceux qui font de l’industrie une priorité.
- nous voulons une école de l’instruction et de la transmission des savoirs. Elle est un pari sur l’avenir, le moyen de former des citoyens libres disposant d’un esprit critique, capables de participer à la prospérité du pays.
- nous voulons une citoyenneté qui articule la réciprocité des droits et des devoirs. Oui nous assumons pleinement la sécurité dont doivent jouir tous les citoyens. Celle-ci ne doit pas être l’otage des émotions souvent instrumentalisées par le gouvernement. C’est tout le sens de la discipline républicaine.
- nous voulons une société débarrassée des fantasmes communautaires. Pour cela, notre Nation doit faire vivre son modèle de laïcité que la logique libérale met chaque jour en péril par l’individualisme triomphant. L’atomisation de la société se nourrit de l’incapacité de la France à accepter son propre destin : celle de la communauté des citoyens, libérée de l’obsession des origines. Notre modèle républicain est le meilleur antidote à toutes les conceptions communautaristes, de droite comme de gauche.

Avec son adoption, le congrès décide aujourd’hui de mettre ce programme de Salut Public en débat avec tous les Français. Ayons aussi l’immodestie de penser que ce projet bénéficiera d’un avantage comparatif évident : nous ne l’avons pas découvert dans une pochette surprise. Il est le fruit de notre histoire, de notre cohérence, de notre volonté. Vous connaissez la phrase de Madeleine Proust : « Quand on voit ce qu’on voit, quand on entend ce qu’on entend, on se dit qu'on a raison de penser ce qu’on pense et de n'en rien dire ». Et nous, au MRC, nous le disons !

Malgré les ravages qu’elle produit, la crise que nous traversons a une vertu essentielle : celle de rendre pensable ce qui ne l’était plus. La crise constitue une opportunité à saisir pour proposer aux citoyens d’ouvrir un nouveau chemin.

Nous connaissons suffisamment bien les dommages collatéraux de la dialectique entre les archaïques et les modernes pour en avoir été longtemps victimes. La réalité a subi un tonitruant retournement : la social-démocratie et sa variante sociale-libérale ont pris un sacré coup de vieux. Elle se révèle impuissante, candide et obsolète. Politiquement, nous vivons la fin d’un cycle au terme duquel, le projet républicain réaffirme toute sa pertinence. Disons-le sans faiblir : ce sont nous, les Républicains, qui sommes redevenus modernes ! Ce sont eux, les libéraux, qui sont redevenus archaïques !

Mais une candidature républicaine n’est pas une candidature hors-sol. Que la République soit née à gauche ne procède pas d’un hasard. Elle est la substance de la société politique par excellence, l’affirmation qu’il y a du « plus que soi ». Elle est la prise en compte de l’humain comme être social, lié aux autres, dépositaire de l’intérêt général.

Le sens du combat républicain est plus que jamais opportun car la crise n’est pas seulement celle de l’économie. Elle est, plus profondément, celle du système libéral qui a mis en péril l’Etat et la puissance publique face au marché, mais aussi en faisant l’apologie de cet objet politique non identifié : l’introuvable société civile !

De ce projet est né la nécessité de proposer pour 2012 un candidat républicain qui devra aller à la rencontre du peuple.

En se rendant disponible, Jean-Pierre Chevènement fait un pas en avant vers la candidature républicaine. Son expérience, sa stature d’homme d’Etat, sa probité intellectuelle, lui permettent de se mettre en situation et de préparer cet objectif, non pas pour le MRC mais pour la France. Car nous le savons, l’élection présidentielle, c’est la rencontre entre un homme et la Nation.

En me proposant de lui succéder à la Présidence du MRC, je veux remercier Jean-Pierre Chevènement pour la confiance qu’il me témoigne. Je mesure la responsabilité qu’il me confie. Si le congrès le souhaite, je conduirai notre mouvement, avec le concours de tous, dans la clarté et la cohérence, pour préparer cette échéance, et l’accompagner.

Parce qu’il m’importe d’inscrire ce qui vient dans la fidélité et la continuité, je propose au congrès que Jean-Pierre Chevènement devienne notre Président d’honneur.

Le MRC doit se mobiliser pour le rendez-vous de 2012. La situation nous oblige collectivement et nous impose des tâches à la hauteur desquelles il nous appartient, et à nous seuls, de nous hisser.

Il nous revient de créer l’espace politique nécessaire pour rendre demain possible ce que la situation exige aujourd’hui.

Le chemin entamé il y a vingt ans, a été long, parfois douloureux. Si on a voulu nous faire disparaître, nous avons survécu et sommes debouts et vaillants. Si nous avons été confinés dans la marginalité au gré des événements, la période est nouvelle et ces événements ne manqueront pas pour l’avenir, d’être les plus fidèles de nos alliés.

« Aide-toi, le ciel t’aidera » n’est pas, malgré les apparences, un verset biblique, mais la morale d’une fable de La Fontaine « Le Charretier embourbé ». C’est aussi le nom d’une société jacobine née en 1827 et qui compta beaucoup dans la réussite des Trois glorieuses en juillet 1830. Voilà peut-être la maxime que le MRC doit faire sienne pour les deux années qui viennent.

Le MRC doit donc se mettre au travail et se dépenser sans compter. C’est dans cet esprit que la composition de la prochaine direction a été imaginée. A la mesure de l’ambition qui est la nôtre, nous devrons réunir les bonnes volontés et les envies pour nous mettre en situation d’ici 2012.

Conscient du défi qui nous attend, la composition de la direction nationale que je soumets à l’approbation du congrès s’inscrit dans le prolongement du travail réalisé depuis 2008. Elle témoigne aussi d’un nécessaire renouvèlement et ouvre au rassemblement de tous.

En lien avec Jean-Pierre Chevènement, j’ai souhaité constituer une EQUIPE.

L’EQUIPE est empruntée au langage marin. Au sens premier, c’est un équipage d’hommes et de femmes embarqués pour une aventure commune, qui suppose le dévouement et l’indéfectible solidarité. Je propose une EQUIPE opérationnelle qui devra faire preuve d’une implication et d’une disponibilité exemplaires. Ce Secrétariat national aura pour tâche de remplir les objectifs politiques fixés par le Congrès.

A mes côtés, Jean-Pierre Chevènement a proposé de créer une vice-présidence du MRC confiée à une femme de talent, une femme exigeante et solide : il s’agit de Marie-Françoise Bechtel.

En accord avec Jean-Pierre Chevènement, je vous propose d’élire également un 2ème vice-président en la personne de Christian Hutin, député-maire de Saint-Pôl-sur-Mer.

Au sein du Secrétariat national, un responsable aura la charge des parrainages pour 2012. Ce Secrétaire national animera le travail collectif que nous aurons à faire avec vous.

Je propose que le Secrétariat national comprenne un Secrétariat national exécutif qui se réunirait chaque semaine et un Secrétariat élargi qui serait constitué de membres issus de fédérations et qui se réunirait au moins deux fois par trimestre, pour être le lieu du débat, de la préparation de l’action et du travail sur le terrain. Par ailleurs, une conférence des premiers Secrétaires des Unions régionales et des fédérations importantes sera créée par le Secrétariat national pour l’animation et le développement du MRC. Cette conférence dont l’idée revient à Marie-Françoise Bechtel, permettra de faire le lien entre la direction et l’action territoriale.

Avec cette équipe, si vous le souhaitez, je conduirai demain notre mouvement jusqu’à l’objectif de 2012 pour que la France, notre patrie, puisse reconquérir son destin. Nous disposons d’un dessein et d’une stratégie fidèles au sens de notre engagement. J’entends les servir avec chacun d’entre vous.

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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