Les sondages de ces derniers jours ont fait l'effet d'une bombe. Qu'elles situent Marine Le Pen ou second tour ou à ses portes, ces enquêtes d'opinion suscitent effroi et stupéfaction à gauche. Or, dix ans après l'électrochoc du 21 avril 2002, force est de constater l'incapacité du Parti socialiste à accomplir son autocritique.
Avant chaque élection présidentielle, certains socialistes rejouent la même comédie: la dispersion des voix à gauche aurait provoqué la défaite de Lionel Jospin. Cette fable n'abuse plus personne. Elle a pour unique fonction d'éluder les questions de fond. Réindustrialisation, défense de la nation républicaine, place de la France dans l'Europe et le monde: sur tous ces chantiers, la gauche de gouvernement a gravement failli. Telle est la cause de ses échecs à répétition.
Pour qualifier la gauche au second tour de la présidentielle, il faut commencer à pratiquer le fameux droit d'inventaire. En s'adressant d'abord aux couches populaires exaspérées par les reculs de l'Etat républicain (pertes de souveraineté, délitement du service public, néo-communautarismes...). La gauche ne doit pas craindre de renoncer à l'idéologie libérale-libertaire des centres-villes qui cantonnent le prolétariat aux seules banlieues.
La gauche ne pourra réunir de majorité sociale sans reconquérir les zones rurales et péri-urbaines, lesquelles recouvrent plus de 85% de la pauvreté et du chômage en France. Cet état de fait impose à la gauche de devoir de répondre aux attentes des Français, en particulier des plus modestes, électorat-cible de l'extrême-droite.
Pour contrer la montée d'un Front National porté par une nouvelle icône médiatique, certains socialistes n'ont d'autre idée que d'institutionnaliser le bipartisme. Surréaliste s'il en est, le texte de la pétition circulant sur le net affirme tout de go: «Nous ne connaissons qu'une seule arme nous garantissant d'être au second tour de l'élection présidentielle: les primaires de la gauche et des écologistes». Certes, concèdent-ils, «nous pourrions commencer par chercher les causes» du vote frontiste mais ils referment immédiatement ce chemin salutaire et lui préfèrent une stratégie électorale de courte vue.
Une candidature unique de la gauche serait donc le remède miracle à la réémergence du Front national. Soit. Quand bien même le candidat désigné à l'issue du vote l'emporterait au second tour, quelle politique appliquerait-il? Comment résoudrait-il la crise de l'euro? De quelles marges de manœuvre disposerait-il face aux diktats du FMI, de l'OMC et de la Banque centrale européenne? L'habitant rural victime d'une délocalisation industrielle comprend parfaitement l'impasse de l'euro fort et l'ineptie du libre-échange débridé. De même, la mère de famille célibataire au chômage vivant en banlieue subit quotidiennement les affres de l'insécurité physique et sociale. C'est à ces «petites gens» ayant l'impression de vivre en marge d'une société de plus en plus inégalitaire que Marine Le Pen s'adresse. Quel discours républicain tenir à ces victimes du déclassement social?
Pour gagner et réussir, la gauche a un besoin urgent de mise au net de ses idées, d'élaborer un projet offrant une alternative au peuple et à la France. De tout cela, les partisans des primaires ne disent mot. Instrumentalisant ad nauseam le péril FN, ils tracent une voie sans issue. Aussi vague que vaste, la première mouture du projet socialiste frappe par son irénisme. Dans ces conditions, l'arasement des spécificités des autres mouvements de gauche au profit de l'hégémonie du PS entraînerait un score de premier tour en carton-pâte, prélude à un échec final.
Au Mouvement républicain et citoyen, nous avions soutenu la candidate socialiste en 2007 sur la base d'un accord politique conclu entre Ségolène Royal et Jean-Pierre Chevènement. Malgré son dynamisme, Mme Royal n'avait pu pallier les plaies béantes d'un projet socialiste peu avare en contradictions. Cinq ans plus tard, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la démocratie d'opinion risque fort d'écraser les primaires du PS. Faute d'accord de fond, cette «machine à désistements automatiques», selon la juste formule de Jean-Pierre Chevènement, ne ferait que confirmer le verdict des sondages sans se soucier de la ligne politique retenue. Indépendamment de toute considération personnelle, cette formule semble mortifère pour la gauche, dessinant la perspective d'une alternance privée d'alternative.
A quatorze mois de l'échéance présidentielle, il est encore temps de donner un autre avenir à la France. Si les principales forces de gauche ne renoncent pas aux trompettes du social-libéralisme et des idéologies à la mode, il nous apparaîtra plus que jamais nécessaire de présenter un candidat républicain qui incarne l'homme de la nation.
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source : Mediapart
Avant chaque élection présidentielle, certains socialistes rejouent la même comédie: la dispersion des voix à gauche aurait provoqué la défaite de Lionel Jospin. Cette fable n'abuse plus personne. Elle a pour unique fonction d'éluder les questions de fond. Réindustrialisation, défense de la nation républicaine, place de la France dans l'Europe et le monde: sur tous ces chantiers, la gauche de gouvernement a gravement failli. Telle est la cause de ses échecs à répétition.
Pour qualifier la gauche au second tour de la présidentielle, il faut commencer à pratiquer le fameux droit d'inventaire. En s'adressant d'abord aux couches populaires exaspérées par les reculs de l'Etat républicain (pertes de souveraineté, délitement du service public, néo-communautarismes...). La gauche ne doit pas craindre de renoncer à l'idéologie libérale-libertaire des centres-villes qui cantonnent le prolétariat aux seules banlieues.
La gauche ne pourra réunir de majorité sociale sans reconquérir les zones rurales et péri-urbaines, lesquelles recouvrent plus de 85% de la pauvreté et du chômage en France. Cet état de fait impose à la gauche de devoir de répondre aux attentes des Français, en particulier des plus modestes, électorat-cible de l'extrême-droite.
Pour contrer la montée d'un Front National porté par une nouvelle icône médiatique, certains socialistes n'ont d'autre idée que d'institutionnaliser le bipartisme. Surréaliste s'il en est, le texte de la pétition circulant sur le net affirme tout de go: «Nous ne connaissons qu'une seule arme nous garantissant d'être au second tour de l'élection présidentielle: les primaires de la gauche et des écologistes». Certes, concèdent-ils, «nous pourrions commencer par chercher les causes» du vote frontiste mais ils referment immédiatement ce chemin salutaire et lui préfèrent une stratégie électorale de courte vue.
Une candidature unique de la gauche serait donc le remède miracle à la réémergence du Front national. Soit. Quand bien même le candidat désigné à l'issue du vote l'emporterait au second tour, quelle politique appliquerait-il? Comment résoudrait-il la crise de l'euro? De quelles marges de manœuvre disposerait-il face aux diktats du FMI, de l'OMC et de la Banque centrale européenne? L'habitant rural victime d'une délocalisation industrielle comprend parfaitement l'impasse de l'euro fort et l'ineptie du libre-échange débridé. De même, la mère de famille célibataire au chômage vivant en banlieue subit quotidiennement les affres de l'insécurité physique et sociale. C'est à ces «petites gens» ayant l'impression de vivre en marge d'une société de plus en plus inégalitaire que Marine Le Pen s'adresse. Quel discours républicain tenir à ces victimes du déclassement social?
Pour gagner et réussir, la gauche a un besoin urgent de mise au net de ses idées, d'élaborer un projet offrant une alternative au peuple et à la France. De tout cela, les partisans des primaires ne disent mot. Instrumentalisant ad nauseam le péril FN, ils tracent une voie sans issue. Aussi vague que vaste, la première mouture du projet socialiste frappe par son irénisme. Dans ces conditions, l'arasement des spécificités des autres mouvements de gauche au profit de l'hégémonie du PS entraînerait un score de premier tour en carton-pâte, prélude à un échec final.
Au Mouvement républicain et citoyen, nous avions soutenu la candidate socialiste en 2007 sur la base d'un accord politique conclu entre Ségolène Royal et Jean-Pierre Chevènement. Malgré son dynamisme, Mme Royal n'avait pu pallier les plaies béantes d'un projet socialiste peu avare en contradictions. Cinq ans plus tard, les mêmes causes produisant les mêmes effets, la démocratie d'opinion risque fort d'écraser les primaires du PS. Faute d'accord de fond, cette «machine à désistements automatiques», selon la juste formule de Jean-Pierre Chevènement, ne ferait que confirmer le verdict des sondages sans se soucier de la ligne politique retenue. Indépendamment de toute considération personnelle, cette formule semble mortifère pour la gauche, dessinant la perspective d'une alternance privée d'alternative.
A quatorze mois de l'échéance présidentielle, il est encore temps de donner un autre avenir à la France. Si les principales forces de gauche ne renoncent pas aux trompettes du social-libéralisme et des idéologies à la mode, il nous apparaîtra plus que jamais nécessaire de présenter un candidat républicain qui incarne l'homme de la nation.
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source : Mediapart