Crise de l’euro aidant, l’été se montre propice à une véritable fièvre de l’intégration européenne .Il ne se passe plus de jour qu’économistes, politiques, essayistes, journalistes n’en appellent au « fédéralisme » aujourd’hui devenu « budgétaire ». Ni le peu d’envie de l’Allemagne dont la réussite historique lui permet de se passer de l’Europe de Jean Monnet, ni la faible appétence des peuples pour les institutions de Bruxelles n’y font rien. Hors du « fédéralisme budgétaire », hors du « plus d’Europe » - Europe intégrée s’entend - il n’est point de salut.
Qu’exprime au juste ce retour quasi obsessionnel vers l’intégration à la mode de la fin du siècle dernier , fondée sur l’idée que l’Europe sera fédérale ou ne sera pas ? Est-ce le fait du malade qui continue d’accorder sa confiance à une médecine dont il espère qu’elle finira par faire ses preuves ? L’entêtement historique d’un européisme doctrinal, identitaire, qui se saisit de la crise pour essayer de reprendre le pouvoir sur une conscience populaire dévoyée? Faut-il y voir une certaine paresse de l’esprit à inventer des solutions nouvelles, à s’adapter au réel ? Ou tout simplement le « fédéralisme budgétaire » n’a-t-il pas pour principal mérite de donner à penser que « plus d’Europe » c’est d’abord plus de discipline libérale ? Signe des temps, le respect du pacte de stabilité de 1998, que les institutions bruxelloises n’ont pu réaliser, ce sera aux Etats de l’assumer et ils devront le faire par une entente hors traité qui mettrait en place les moyens de la discipline budgétaire. Intégration, donc, mais pour un objectif approuvé par l’Allemagne. Les résultats de la rencontre du président français et de la chancelière allemande du mois d’août le confirment d’ailleurs : même si le terme de « gouvernement économique » envoie un signal positif, son absence de contenu saute aux yeux.
Tout cela au fond ressemble à s’y méprendre à un plan B. Là où les traités européens ont échoué, on inventerait des solutions par accord entre quelques pays membres. Mais ce plan B ne serait possible que s’il a pour visée exclusive la discipline financière ce qui ne saurait se faire que par la voie de l’intégration, autrement dit d’un pouvoir de contrainte supranational.
Seraient donc a priori disqualifiée toute visée nouvelle qui passerait par le redressement économique de l’Europe, en vue même d’assurer l’équilibre futur des finances des pays de la zone euro . En d’autres termes , un plan B qui créerait enfin un gouvernement économique de la zone euro s’appuyant sur une BCE aux pouvoirs rénovés, tenue par un impératif de croissance et non de pure stabilité serait impossible en raison de son contenu même. Aucune volonté de cette nature, serait-celle de l’« Europe politique » parfois invoquée par le président de la République ne se discerne en effet aujourd’hui.
Quant à la méthode, celle de la coopération interétatique, on comprend que dans la vision fédéraliste, c’est un mal nécessaire et que le recours ne s’en justifie que par la fin : davantage de discipline, davantage d’intégration. Toute autre fin serait condamnable. Ne lit-on pas ainsi sous la plume d’une députée européenne (Sylvie Goulard, Le Monde du 12 août) la docte considération selon laquelle la coopération entre Etats ne serait pas démocratique car leurs gouvernements ne disposeraient pas d’un mandat touchant les questions européennes ?.En somme, un gouvernement démocratiquement élu ne pourrait engager à quoi que ce soit un peuple dont il procède, mais ce même gouvernement pourrait remettre ses pouvoirs à une instance « intégrée » que ces mêmes peuples n’auraient aucun moyen de contrôler…
La vraie question est au fond de savoir si le fédéralisme européen a encore un sens au 21ème siècle. C’est affaire de forme et c’est affaire de contenu. La forme juridique de l’Europe ne peut aller plus vite que l’histoire. Il est donc parfaitement vain de vouloir une Europe fédérale tant que n’existera pas un peuple européen, peuple qui fait aujourd’hui défaut comme l’ont constaté chacun à sa manière la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et le Conseil constitutionnel français. Quant au contenu, une Europe qui renoncerait à un minimum de politiques économiques communes - et, d’abord, compatibles - qui déciderait de condamner ses peuples à l’austérité, à la remorque d’une Allemagne qui ne voit pas à plus de dix ans : si tel est le visage au 21ème siècle d’une intégration qui semble garder pour nos élites tant d’accents enchanteurs, craignons ce que sera l’ « avenir d’une illusion ».
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Source : Marianne2
Qu’exprime au juste ce retour quasi obsessionnel vers l’intégration à la mode de la fin du siècle dernier , fondée sur l’idée que l’Europe sera fédérale ou ne sera pas ? Est-ce le fait du malade qui continue d’accorder sa confiance à une médecine dont il espère qu’elle finira par faire ses preuves ? L’entêtement historique d’un européisme doctrinal, identitaire, qui se saisit de la crise pour essayer de reprendre le pouvoir sur une conscience populaire dévoyée? Faut-il y voir une certaine paresse de l’esprit à inventer des solutions nouvelles, à s’adapter au réel ? Ou tout simplement le « fédéralisme budgétaire » n’a-t-il pas pour principal mérite de donner à penser que « plus d’Europe » c’est d’abord plus de discipline libérale ? Signe des temps, le respect du pacte de stabilité de 1998, que les institutions bruxelloises n’ont pu réaliser, ce sera aux Etats de l’assumer et ils devront le faire par une entente hors traité qui mettrait en place les moyens de la discipline budgétaire. Intégration, donc, mais pour un objectif approuvé par l’Allemagne. Les résultats de la rencontre du président français et de la chancelière allemande du mois d’août le confirment d’ailleurs : même si le terme de « gouvernement économique » envoie un signal positif, son absence de contenu saute aux yeux.
Tout cela au fond ressemble à s’y méprendre à un plan B. Là où les traités européens ont échoué, on inventerait des solutions par accord entre quelques pays membres. Mais ce plan B ne serait possible que s’il a pour visée exclusive la discipline financière ce qui ne saurait se faire que par la voie de l’intégration, autrement dit d’un pouvoir de contrainte supranational.
Seraient donc a priori disqualifiée toute visée nouvelle qui passerait par le redressement économique de l’Europe, en vue même d’assurer l’équilibre futur des finances des pays de la zone euro . En d’autres termes , un plan B qui créerait enfin un gouvernement économique de la zone euro s’appuyant sur une BCE aux pouvoirs rénovés, tenue par un impératif de croissance et non de pure stabilité serait impossible en raison de son contenu même. Aucune volonté de cette nature, serait-celle de l’« Europe politique » parfois invoquée par le président de la République ne se discerne en effet aujourd’hui.
Quant à la méthode, celle de la coopération interétatique, on comprend que dans la vision fédéraliste, c’est un mal nécessaire et que le recours ne s’en justifie que par la fin : davantage de discipline, davantage d’intégration. Toute autre fin serait condamnable. Ne lit-on pas ainsi sous la plume d’une députée européenne (Sylvie Goulard, Le Monde du 12 août) la docte considération selon laquelle la coopération entre Etats ne serait pas démocratique car leurs gouvernements ne disposeraient pas d’un mandat touchant les questions européennes ?.En somme, un gouvernement démocratiquement élu ne pourrait engager à quoi que ce soit un peuple dont il procède, mais ce même gouvernement pourrait remettre ses pouvoirs à une instance « intégrée » que ces mêmes peuples n’auraient aucun moyen de contrôler…
La vraie question est au fond de savoir si le fédéralisme européen a encore un sens au 21ème siècle. C’est affaire de forme et c’est affaire de contenu. La forme juridique de l’Europe ne peut aller plus vite que l’histoire. Il est donc parfaitement vain de vouloir une Europe fédérale tant que n’existera pas un peuple européen, peuple qui fait aujourd’hui défaut comme l’ont constaté chacun à sa manière la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et le Conseil constitutionnel français. Quant au contenu, une Europe qui renoncerait à un minimum de politiques économiques communes - et, d’abord, compatibles - qui déciderait de condamner ses peuples à l’austérité, à la remorque d’une Allemagne qui ne voit pas à plus de dix ans : si tel est le visage au 21ème siècle d’une intégration qui semble garder pour nos élites tant d’accents enchanteurs, craignons ce que sera l’ « avenir d’une illusion ».
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Source : Marianne2