La politique mercantiliste et non coopérative allemande a accentué les pressions déflationnistes, déjà encouragées par le soutien à l’euro fort de la BCE. Déjà entre 2000 et 2008, les prix à la production grecs avaient crû de 18 % au-delà des prix allemands. Les prix espagnols étaient à 13 %, les français encore à 5 %, au-dessus de la référence allemande.
Ces pressions ont accru les déséquilibres entre les pays européens et se sont finalement traduites par les déséquilibres de balance des paiements, ignorés d’une façon coupable dans les Traités européens au profit d’une focalisation purement idéologique sur les comptes publics. Le choc de la crise financière a fini par être fatal à cette construction artificielle.
1 / Une dévaluation financière
La priorité est naturellement maintenant au redressement des économies attaquées. La réponse de l’eurozone à la crise grecque n’est pas crédible. La cure d’austérité infligée au peuple grec est encore beaucoup plus brutale que les plans du FMI qui avaient fini par faire l’unanimité contre eux. Cette cure est incompatible avec un redressement de la croissance dont dépendent les rentrées fiscales et le redressement des comptes publics. La longue histoire des crises financières nous apprend qu’il n’y a pas de salut sans participation des créanciers à l’effort partagé par le débiteur. La dette grecque sera fatalement restructurée, comme le pronostiquait Paul Krugman (Prix Nobel d’économie) dès la mi avril. Plus vite elle le sera, moindre sera le coût global de l’opération. Les prix des marchés intègrent déjà une décote de 30 % de la dette grecque. Les créanciers de la Grèce doivent effacer au moins 30 % de la dette.
Les créanciers sont essentiellement les banques et assurances européennes, notamment françaises et allemandes. En aidant officiellement la Grèce, les Gouvernements vont en réalité une nouvelle fois au secours de leurs banques et assurances qui la financent (75 Md€ pour la France, 45 Md€ pour l’Allemagne) et qui seraient exposées à de nouveaux risques de pertes. Celles-ci ont bénéficié des taux déjà élevés payés par la Grèce. Elles doivent maintenant assumer le risque qu’elles ont pris et celles qui n’en seront financièrement pas capables devraient être nationalisées. L’eurozone devrait une zone de solidarité, c’est un groupement de créanciers qui protège avant tout chose leur système financier.
Le plan de soutien à l’euro décidé les 7 et 9 mai 2010, pour massif qu’il soit, reste dans la même lignée : au-delà des 60 Md€ de prêts laissés à l’appréciation de la Commission, quels seront les mécanismes d’engagement des 440 Md€ de garantie par les Etats-membres ? Les conditions imposées aux Etats demandeurs seront elles aussi brutales que pour la Grèce ? Que se passera-t-il lorsque l’incapacité des pays ainsi aidés à remplir leurs engagements sera patente ? Quel sera leur châtiment ? En l’absence de réponses crédibles et soutenables à ces questions, la spéculation resurgira tôt ou tard. Les 750 Md€ mobilisables sont à comparer aux 850 Md€ des dettes extérieures de la seule péninsule ibérique… dont 550 Md€ pour les institutions financières allemandes et françaises !
L’engagement de la BCE de racheter les obligations « au pair » empêchera les décotes sur les marchés financiers mais ne résoudra pas les problèmes de solvabilité des pays en crise. Les seuls plans de sauvetage soutenables et généralisables passent par des restructurations de dettes imposées aux créanciers. Pendant que se déroule la crise grecque, l’Argentine procède à une restructuration de sa dette en dollars avec une décote de 66,7 %, à comparer aux 30 % sur la Grèce. C’est là un exemple que les responsables européens devraient méditer. En cas de crise, l’impossibilité des dévaluations monétaires rend nécessaire des dévaluations financières des dettes nationales.
2 / De nouvelles règles pour un Gouvernement économique de l’Euro
A la réponse à cette crise aiguë, devra succéder une révision des Traités pour transformer l’eurozone en un espace économique plus équilibré. La France et l’Allemagne ont proposé une révision du Pacte de stabilité sur des bases qui laissent craindre le pire : la surveillance budgétaire accrue et la compétitivité sont des objectifs qui, ainsi énoncés, préparent des politiques déflationnistes généralisées !
La soutenabilité de l’euro passe surtout par la restauration d’une croissance dynamique et équilibrée de l’eurozone. Cet objectif nécessite une coordination des politiques économiques qui ne parait toujours pas envisagée. Pour sauver l’euro, il faut que l’Allemagne, qui dégage plus de la moitié de ses excédents commerciaux sur la zone euro, accepte de renoncer à sa politique de déflation compétitive et soutienne sa demande intérieure.
L’Allemagne a raison sur un principe : la cohésion de la zone euro ne doit pas reposer sur des transferts financiers. Chaque Etat doit être responsable de l’équilibre financier de son pays. Mais pour y parvenir, il faut changer les règles du jeu de la zone euro en surveillant aussi le niveau des dettes privées. In fine, ce sont les échanges au sein de la zone euro qui doivent être équilibrés : la coordination des politiques économique pour assurer l’équilibre des balances des paiements, solde des endettements de tous les agents économiques (Etat, Ménages, Entreprises), devrait remplacer les critères relatifs aux finances publiques. La coordination économique devrait reposer sur des mesures naturellement restrictives dans les pays déficitaires mais aussi sur des mesures expansionnistes dans les pays excédentaires pour soutenir la croissance européenne. Ce serait la tâche d’un Gouvernement économique de l’eurozone d’assurer une telle coordination coopérative.
La révision de Traité devrait aussi prévoir la révision des objectifs assignés à la BCE en adjoignant la croissance et l’emploi à l’objectif de stabilité des prix et devrait permettre l’émission de grands emprunts européens pour le financement de grands travaux ou d’investissements en recherche développement. Pour asseoir la compétitivité de l’Europe au-delà des déflations compétitives, cette révision devrait aussi prévoir la définition de politiques industrielles européennes auxquelles les règles de concurrence seraient subordonnées.
3 / Une alternative : la monnaie commune
A défaut d’un accord pour une telle révision des Traités européens, l’euro dans sa définition actuelle ne serait pas soutenable. L’euro devrait alors être transformé en monnaie commune réservée aux marchés financiers et aux échanges extérieurs. L’introduction de monnaies nationales non convertibles en devises permettrait de retrouver la flexibilité d’ajustement absolument nécessaire aux Etats européens tout en sauvegardant un acquis communautaire essentiel : l’affirmation d’une monnaie européenne sur la scène mondiale.
Les salaires, les dettes domestiques, les prix des biens et services serait exprimés en monnaie nationale. L’Europe a connu cette situation entre 1999 et 2002. A la différence de cette période, les taux de change entre les monnaies nationales et l’euro seraient ajustables en fonction des déséquilibres de compétitivité et de balance de paiements constatés entre pays européens dans un système analogue au SME mais protégé des mouvements spéculatifs par l’inconvertibilité des monnaies nationales.
Cette monnaie commune, soutenue en son temps par les britanniques, offrirait donc une flexibilité interne dont l’intérêt serait, outre une stabilité retrouvée, d’ouvrir la voie à un élargissement de la zone euro à toute l’Union européenne, du Royaume-Uni à la Bulgarie. Les pays en difficulté pourraient ajuster le taux de change de leur monnaie nationale contre l’euro en fonction de la situation économique interne.
Dans le cadre d’un remodelage du système monétaire international, un tel euro pourrait même être élargi à des monnaies associées dans le cadre d’accords commerciaux régionaux, notamment aux pays de bassins méditerranéens, voire aux pays du Golfe.
Ces pressions ont accru les déséquilibres entre les pays européens et se sont finalement traduites par les déséquilibres de balance des paiements, ignorés d’une façon coupable dans les Traités européens au profit d’une focalisation purement idéologique sur les comptes publics. Le choc de la crise financière a fini par être fatal à cette construction artificielle.
1 / Une dévaluation financière
La priorité est naturellement maintenant au redressement des économies attaquées. La réponse de l’eurozone à la crise grecque n’est pas crédible. La cure d’austérité infligée au peuple grec est encore beaucoup plus brutale que les plans du FMI qui avaient fini par faire l’unanimité contre eux. Cette cure est incompatible avec un redressement de la croissance dont dépendent les rentrées fiscales et le redressement des comptes publics. La longue histoire des crises financières nous apprend qu’il n’y a pas de salut sans participation des créanciers à l’effort partagé par le débiteur. La dette grecque sera fatalement restructurée, comme le pronostiquait Paul Krugman (Prix Nobel d’économie) dès la mi avril. Plus vite elle le sera, moindre sera le coût global de l’opération. Les prix des marchés intègrent déjà une décote de 30 % de la dette grecque. Les créanciers de la Grèce doivent effacer au moins 30 % de la dette.
Les créanciers sont essentiellement les banques et assurances européennes, notamment françaises et allemandes. En aidant officiellement la Grèce, les Gouvernements vont en réalité une nouvelle fois au secours de leurs banques et assurances qui la financent (75 Md€ pour la France, 45 Md€ pour l’Allemagne) et qui seraient exposées à de nouveaux risques de pertes. Celles-ci ont bénéficié des taux déjà élevés payés par la Grèce. Elles doivent maintenant assumer le risque qu’elles ont pris et celles qui n’en seront financièrement pas capables devraient être nationalisées. L’eurozone devrait une zone de solidarité, c’est un groupement de créanciers qui protège avant tout chose leur système financier.
Le plan de soutien à l’euro décidé les 7 et 9 mai 2010, pour massif qu’il soit, reste dans la même lignée : au-delà des 60 Md€ de prêts laissés à l’appréciation de la Commission, quels seront les mécanismes d’engagement des 440 Md€ de garantie par les Etats-membres ? Les conditions imposées aux Etats demandeurs seront elles aussi brutales que pour la Grèce ? Que se passera-t-il lorsque l’incapacité des pays ainsi aidés à remplir leurs engagements sera patente ? Quel sera leur châtiment ? En l’absence de réponses crédibles et soutenables à ces questions, la spéculation resurgira tôt ou tard. Les 750 Md€ mobilisables sont à comparer aux 850 Md€ des dettes extérieures de la seule péninsule ibérique… dont 550 Md€ pour les institutions financières allemandes et françaises !
L’engagement de la BCE de racheter les obligations « au pair » empêchera les décotes sur les marchés financiers mais ne résoudra pas les problèmes de solvabilité des pays en crise. Les seuls plans de sauvetage soutenables et généralisables passent par des restructurations de dettes imposées aux créanciers. Pendant que se déroule la crise grecque, l’Argentine procède à une restructuration de sa dette en dollars avec une décote de 66,7 %, à comparer aux 30 % sur la Grèce. C’est là un exemple que les responsables européens devraient méditer. En cas de crise, l’impossibilité des dévaluations monétaires rend nécessaire des dévaluations financières des dettes nationales.
2 / De nouvelles règles pour un Gouvernement économique de l’Euro
A la réponse à cette crise aiguë, devra succéder une révision des Traités pour transformer l’eurozone en un espace économique plus équilibré. La France et l’Allemagne ont proposé une révision du Pacte de stabilité sur des bases qui laissent craindre le pire : la surveillance budgétaire accrue et la compétitivité sont des objectifs qui, ainsi énoncés, préparent des politiques déflationnistes généralisées !
La soutenabilité de l’euro passe surtout par la restauration d’une croissance dynamique et équilibrée de l’eurozone. Cet objectif nécessite une coordination des politiques économiques qui ne parait toujours pas envisagée. Pour sauver l’euro, il faut que l’Allemagne, qui dégage plus de la moitié de ses excédents commerciaux sur la zone euro, accepte de renoncer à sa politique de déflation compétitive et soutienne sa demande intérieure.
L’Allemagne a raison sur un principe : la cohésion de la zone euro ne doit pas reposer sur des transferts financiers. Chaque Etat doit être responsable de l’équilibre financier de son pays. Mais pour y parvenir, il faut changer les règles du jeu de la zone euro en surveillant aussi le niveau des dettes privées. In fine, ce sont les échanges au sein de la zone euro qui doivent être équilibrés : la coordination des politiques économique pour assurer l’équilibre des balances des paiements, solde des endettements de tous les agents économiques (Etat, Ménages, Entreprises), devrait remplacer les critères relatifs aux finances publiques. La coordination économique devrait reposer sur des mesures naturellement restrictives dans les pays déficitaires mais aussi sur des mesures expansionnistes dans les pays excédentaires pour soutenir la croissance européenne. Ce serait la tâche d’un Gouvernement économique de l’eurozone d’assurer une telle coordination coopérative.
La révision de Traité devrait aussi prévoir la révision des objectifs assignés à la BCE en adjoignant la croissance et l’emploi à l’objectif de stabilité des prix et devrait permettre l’émission de grands emprunts européens pour le financement de grands travaux ou d’investissements en recherche développement. Pour asseoir la compétitivité de l’Europe au-delà des déflations compétitives, cette révision devrait aussi prévoir la définition de politiques industrielles européennes auxquelles les règles de concurrence seraient subordonnées.
3 / Une alternative : la monnaie commune
A défaut d’un accord pour une telle révision des Traités européens, l’euro dans sa définition actuelle ne serait pas soutenable. L’euro devrait alors être transformé en monnaie commune réservée aux marchés financiers et aux échanges extérieurs. L’introduction de monnaies nationales non convertibles en devises permettrait de retrouver la flexibilité d’ajustement absolument nécessaire aux Etats européens tout en sauvegardant un acquis communautaire essentiel : l’affirmation d’une monnaie européenne sur la scène mondiale.
Les salaires, les dettes domestiques, les prix des biens et services serait exprimés en monnaie nationale. L’Europe a connu cette situation entre 1999 et 2002. A la différence de cette période, les taux de change entre les monnaies nationales et l’euro seraient ajustables en fonction des déséquilibres de compétitivité et de balance de paiements constatés entre pays européens dans un système analogue au SME mais protégé des mouvements spéculatifs par l’inconvertibilité des monnaies nationales.
Cette monnaie commune, soutenue en son temps par les britanniques, offrirait donc une flexibilité interne dont l’intérêt serait, outre une stabilité retrouvée, d’ouvrir la voie à un élargissement de la zone euro à toute l’Union européenne, du Royaume-Uni à la Bulgarie. Les pays en difficulté pourraient ajuster le taux de change de leur monnaie nationale contre l’euro en fonction de la situation économique interne.
Dans le cadre d’un remodelage du système monétaire international, un tel euro pourrait même être élargi à des monnaies associées dans le cadre d’accords commerciaux régionaux, notamment aux pays de bassins méditerranéens, voire aux pays du Golfe.