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Publié le Vendredi 22 Juillet 2016 par

Commission d'enquête terrorisme: les propositions de Jean-Luc Laurent



Contribution de Jean-Luc Laurent, président du MRC et député du Val-de-Marne, à la commission d'enquête terrorisme.


Les attentats de 2015 appelaient une instance nationale de réflexion et d’évaluation. La mise en échec de notre politique anti-terrorisme et l’explosion d’une menace rendait indispensable un examen complet du dispositif de protection des Français. A la commission d’enquête parlementaire classique, on aurait dû préférer une commission nationale plus ouverte. Par son action terroriste, le djihadisme vise la démoralisation et le découragement des Français, la simple revue de détail des politiques publiques ne répond qu’imparfaitement à cet enjeu psychologique et civique à un moment décisif de notre Histoire où il faut garantir la résilience de la Nation et s’assurer de sa résistance à l’épreuve d’une menace proche, forte et durable.

Organisation des forces de l’ordre

L’organisation de nos forces intérieures segmentées entre forces de maintien de l’ordre, forces de réaction intermédiaire et forces d’élite ne doit pas être remis en cause. Les auditions et l’analyse de l’organisation des forces d’élite ont montré leur efficacité et le travail remarquable de ces agents mais aussi une certaine concurrence et un empilement de services qui appellent un regroupement des unités d’élite sous un commandant unique. Les attentats passés ont également mis en évidence l’entrainement insuffisant des forces légères pour faire face à ces situations : elles ne sont pas entraînées au tir de précision, insuffisamment équipées offensivement comme défensivement et manquent d’expérience des situations extrêmes.

Plusieurs mesures ont été prises par le gouvernement qui sont susceptibles d’améliorer les carences constatées : protocoles d’intervention conjointe entre les forces d’élite, effort d’équipement et d’entrainement des BAC et PSIG-sabre, décloisonnement géographique qui fluidifie les capacités d’intervention des BAC. L’objectif du ministère de l’Intérieur d’être en capacité de projeter des forces d’élite en n’importe quel point du territoire en 20 minutes devra être atteint.

Sentinelle

«Sentinelle» n’est pas la prolongation du plan Vigipirate. L’opération « Sentinelle » est une révolution dans la doctrine d’emploi de nos forces. Encore faut-il conceptualiser ce rôle nouveau dévolu à l’armée sur le territoire national. Vigipirate est une posture de défense des forces sous autorité du SGDSN et donc du Premier ministre alors que « Sentinelle » est une opération intérieure de l’armée française, sous autorité du ministre de la Défense. La mobilisation permanente de 7000 hommes pour une mission de surveillance du territoire ne se justifie pas: le risque de dommages collatéraux est trop important.. Aujourd’hui « Sentinelle » se déroule dans de mauvaises conditions de vie qui pèsent sur le moral des troupes et leur entraînement opérationnel. L’opération « Sentinelle » qui vient s’ajouter à de véritables opérations militaires, sur des théâtres extérieurs, doit être arrêtée.

Renseignement

Les conséquences de la réforme en profondeur des services de renseignement de 2008 portent une incontestable part des responsabilités dans les échecs de 2012 et 2015. La mise à l’index des services suite à des attentats commis par des individus fichés « S » les place dans une situation défensive, qu’illustre la surenchère des tâches de reporting. La méfiance qui s’est instaurée à l’égard des sources humaines suite à l’affaire Merah pousse les services à privilégier le renseignement technique qui ne suffit pas. La perte progressive de la « culture RG » constitue un angle-mort majeur de notre politique de renseignement.

La pertinence de la distinction telle qu’elle a été introduite par la loi renseignement, entre services de renseignement du premier cercle et services de renseignement du second cercle est discutable. La non-intégration du SCRT au premier cercle apparait préjudiciable au vu des failles identifiées dans les dispositifs de surveillance de la DGSI.

Les moyens techniques doivent également être renforcés : la centralisation des interceptions de sécurité par le groupement interministériel de contrôle limite drastiquement les capacités des services de renseignement. Cette situation n’est pas satisfaisante car elle entrave notre capacité à produire un renseignement technique de qualité. Les propositions du rapport concernant le rapprochement et la coordination des services de renseignement constituent une réforme prioritaire.

Justice et prison

En matière judiciaire le danger qui nous guette est la réaction impulsive et irrationnelle. Jusqu’à présent, nous avons été capables de construire progressivement un régime pénal spécifique aux infractions terroristes afin de simplifier le travail de la justice et de durcir les peines. Politiquement, six mois ont été perdus dans un débat incompréhensible sur l’extension de la déchéance de nationalité.

En matière pénitentiaire, plusieurs expérimentations ont été menées en 2015 pour limiter le risque d’enrôlement djihadiste au sein des prisons et seront généralisées en 2016-2017. L’urgence commande que les autres chantiers prioritaires soient ouverts : renforcement des services du renseignement pénitentiaire notoirement sous-dimensionnés, adaptation de la formation des surveillants pénitentiaires aux enjeux et à la détection de la radicalisation, recrutement d’aumôniers musulmans formés…

Budget

Au-delà des déclarations le même constat peut être dressé pour l’ensemble des programmes budgétaires qui constituent la politique de prévention et de répression du terrorisme, qui recoupe les missions « Défense », « Sécurités » et « Justice » : celui d’une insuffisance des moyens financiers et humains.

La situation est critique pour les budgets des programmes « Justice judiciaire » et « administration pénitentiaire » grevés par les restes et charges à payer. Le programme « Gendarmerie nationale » est lui aussi en état de tension. Qu’il s’agisse de la Police, de la Gendarmerie, de l’Armée ou de l’administration pénitentiaire, les bâtiments publics se dégradent. Les crédits de paiement ouverts au titre du décret d’avance du 9 avril 2015 ne sont que de 308 millions d’euros, soit 0,5% du cumul des crédits ouverts pour la Police, la Gendarmerie, la Justice, l’Armée et les services de renseignement.
La hausse des effectifs annoncée dans la Police et la Gendarmerie ne compense pas la baisse enregistrée entre 2007 et 2012 : 9300 effectifs supplémentaires depuis 2012 contre près de 13 700 suppressions de poste sous la précédente législature. Par ailleurs la structure d’emploi a évolué, les postes créés ne sont pas ceux qui ont été supprimés. Seuls les services de renseignement, principalement la DGSI et le SCRT, bénéficient d’une politique active de recrutement, en dépit d’infrastructure parfois inadaptées.

Les recrutements supplémentaires proposés par le rapport sont indispensables. Ils doivent concerner les services de la Police de l’Air et des Frontières et les Douanes. Le recours aux sociétés de sécurité privée pour assurer les missions régaliennes de l’Etat doit être écarté.

La proposition de développement de la vidéoprotection, avec la mise en œuvre d’un plan entre l’Etat et les communes, est pertinente. Tous les équipements publics sont concernés, et pas seulement ceux qui accueillent des enfants.

La proposition concernant l’engagement de la coalition internationale et l’action du gouvernement irakien m’apparait sans lien direct avec les travaux de notre commission.

Sous ces réserves, j’approuve les travaux de la commission d’enquête.

Dans l’objectif de résilience et de résistance nationale, il convient que les travaux de la commission d’enquête soient largement diffusés et contribuent à développer une culture de l’antiterrorisme chez nos concitoyens.

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Jean-Luc Laurent
Président du Mouvement Républicain et Citoyen. En savoir plus sur cet auteur



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