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Publié le Mercredi 2 Juillet 2008 par MRC

A propos du livre blanc sur la défense


Mots-clés : dissuasion, défense, otan

Mouvement Républicain et Citoyen, 2 juillet 2008


Le Livre blanc sur la défense dessine les grands axes de la politique de défense pour plusieurs années. Ainsi, le Livre blanc de 1972 était fondé sur la dissuasion ; celui de 1994 centrait la politique militaire sur la projection de force sur des théâtres extérieurs.

Le livre blanc de 2008 est clairement marqué par la réintégration complète dans l’OTAN et l’alignement général sur les Etats-Unis.

L’appréciation des menaces

Le Livre blanc reprend la vision américaine de l’ordre mondial. La menace viendrait d’un arc de crise allant de l’Atlantique à l’Océan indien : il n’est pas difficile d’y voir le « greater Middle East », objet de toutes les préoccupations américaines. C’est accepter en fait une vision de confrontation Occident - Islam, qui fait du monde arabe une source de périls, du monde persan un ennemi désigné et de l’Asie musulmane un danger permanent. C’est cette vision du monde qui a conduit à l’invasion de l’Irak, à l’enlisement en Afghanistan, et aux menaces répétées d’intervention en Iran.

Dans cette vision des choses, la France perd son libre-examen, et se trouve enrôlée dans les croisades américaines à forte odeur de pétrole. L’unité du monde occidental est présentée comme une condition de la paix : mais cet « Occident » n’existe pas ! Les intérêts de l’Europe et ceux de l’Amérique, que 6000 kms d’océan séparent, sont distincts ; ils sont même souvent divergents au Moyen-Orient ou face aux défis énergétiques.

De plus cette vision du monde ignore la réalité : la montée en puissance de la Chine, de l’Inde, de la Russie, l’émergence du Brésil ou de l’Afrique du Sud... Bref de tous les acteurs de la planète qui remettent en cause l’unipolarité du monde sous la férule de Washington.

Il est consternant de voir la France épouser ces vues dépassées, pour complaire aux Etats-Unis, au lieu d’anticiper, de remettre en cause des situations aujourd’hui révolues, et de s’inscrire dans le monde multipolaire en train d’apparaître.

Embrigadement risqué

Déjà, l’accent mis sur les capacités de projection à l’extérieur des forces armées françaises a conduit le plus souvent à fournir des renforts aux opérations américaines. Nos soldats sont partout : 17 opérations extérieures en cours, mais la France est à peu près nulle part, car les clés de ces opérations sont dans d’autres mains. Le renforcement de nos troupes en Afghanistan en est le témoignage le plus absurde.

L’intégration pure et simple dans l’Alliance renforce le risque d’être entraîné dans des guerres qui ne sont pas les nôtres. Ceux qui se font aujourd’hui les plus actifs propagandistes de ce Livre blanc étaient en 2003 favorables à la participation française à l’invasion de l’Irak (*).

Certes, il est toujours possible juridiquement à un Etat membre de participer ou non à une opération de l’OTAN. Mais l’intégration crée un état d’esprit, un rapport de force, dans les états-majors, dans les instances de décision, et, dès lors qu’au sommet de l’Etat on se rallie à la vision américaine de la sécurité, il est logique d’en suivre les conséquences. La défense est un outil de notre diplomatie. L’intégration complète dans l’OTAN retentira inévitablement sur celle-ci.

La France doit au contraire conserver la maîtrise de sa défense pour garder une politique étrangère indépendante. Lorsque la voix de la France se confond avec celle de l’Amérique, elle n’est plus audible et n’est d’ailleurs plus entendue (cf. Liban).

Défense américaine de l’Europe

Ce ralliement à l’OTAN sonne le glas de toute politique d’émergence d’une défense européenne de l’Europe. Comme nous n’avons cessé de l’annoncer, les incantations à la « défense européenne » aboutissent à l’intégration dans l’OTAN c’est-à-dire à une défense américaine de l’Europe. Le traité de Lisbonne nous avait prévenus « l’OTAN reste pour les Etats qui en sont membres le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».

Cette vision américaine de la défense de l’Europe aboutira à une stratégie de confrontation avec la Russie, parfaitement contraire aux intérêts français, allemands et européens. Elle conduira quelque jour à faire adhérer à l’OTAN l’Ukraine, la Géorgie, pour cerner la Russie, en plaçant nos relation avec Moscou sous le signe de l’hostilité alors que nous avons tout à gagner à conduire avec la Russie un partenariat stratégique.

Les moyens de la défense

La dissuasion est maintenue, mais le Livre blanc en diminue le format. De plus, son sens stratégique et politique s’efface : l’outil, en dernier recours, de notre autonomie et de notre indépendance coexistera avec un système militaire où l’intégration sous commandement américain sera la règle. C’est une profonde déstabilisation. Nous ne pouvons nous en remettre à un système occidental global du soin d’assurer notre sécurité en dernier recours.

En matière de renseignement par satellite, l’effort proposé est utile. Mais il ne changera rien au fond des choses : nos partenaires européens se refusent à construire un bouclier spatial européen indépendant. Rappelons que, pour la construction du système Galiléo, la Commission européenne impose un appel d’offres mondial ! Nous nous retrouverons peut-être avec des satellites américains et des lanceurs russes, pour ce système « européen »... En tout état de cause, nous resterons tributaires des renseignements fournis par les Américains.

Enfin la diminution drastique des effectifs, conséquence à retardement de l’abandon du service national et l’inorganisation des réserves nous laisseraient fort dépourvus en cas de crise majeure (incapables de protéger les abords maritimes, les réseaux d’eau potable, d’électricité, les relais de radio, TV, téléphonie...)

Le livre blanc renonce à toutes les conditions qui étaient posées auparavant pour une réintégration totale dans l’OTAN. La France réduit donc son outil de défense et regagne, tête basse et affaiblie, une place au fond de la classe OTAN.

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(*) Cf. Thérèse Delpech, audition devant la commission des affaires étrangères du Sénat, 11 février 2003 François Heisbourg, Tribunes publiées par Le Monde du 27 février et 10 septembre 2003

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